Je fais partie des nombreux mélomanes qui ont été atterrés lors de la parution du nouveau programme du Châtelet, notamment à cause de la programmation de pas moins de 34 représentations du Chanteur de Mexico, opérette (ou plutôt comédie musicale) de Francis Lopez, "immortalisée" par Luis Mariano.
Mais, comme j'ai un minimum de conscience professionnelle (bien que ce ne soit pas ma profession...), j'ai décidé d'aller voir ce spectacle, en l'occurrence sa seconde représentation jeudi dernier.
Il ne m'a pas été difficile de trouver une place, le début de saison étant comme toujours un peu poussif (mais pas d'illusion, ce sera bondé pour les fêtes!). Le public est bon enfant, très bourgeois et assez vieux, mais pas seulement. Pour autant, il faudrait être stupide pour qualifier ce choix de programmation de "démocratique": vendre 90 € (1ère catégorie) un spectacle pareil, il faut oser...
Bien sûr, on me dira que j'avais des préjugés. Mais c'est loin d'être la première fois que je vais voir un spectacle avec des préjugés et bien souvent ils ont été pulvérisés; ça a notamment été le cas pour les Offenbach donnés dans le même lieu...
Il faut bien en venir à ce qui fâche: la musique. C'est épatant de constater à quel point il n'y a rien là-dedans; le grand mérite de la partition, c'est de n'avoir aucune prétention, mais j'ai envie de dire que qui ne veut rien n'a rien: et on n'a rien. Le seul passage qui ressemble un peu à quelque chose est la scène des conspirateurs au 2e acte; cela ressemble, en fait, très précisément à du Offenbach... L'histoire, elle, vaut ce qu'elle vaut, mais même une excellente hitoire n'aurait pas résisté à la misère intellectuelle de Lopez... Le seul intérêt de la chose est de voir ce qui a pu passionner des milliers de spectateurs il y a un demi-siècle - mais il y a bien d'aurtes succès du passé qui mériteraient une résurrection...
Tout ceci, bien sûr, était prévisible. Ce qui l'était moins, c'est que la mise en scène est exactement aussi nulle que la musique. Oh, bien sûr, il y a bien des sortes de nullité, et le mot est bien vague: des Noces de Marthaler au Couronnement de Poppée de McVicar, on en a vu d'autres... Celle-là, pourtant, est la nullité même: il n'y a rien. Pas de travail en profondeur sur l'oeuvre, les personnages, le contexte -mais ce genre d'intellectualité n'aurait sans doute guère enthousiasmé un public peu gourmet. Mais surtout il n'y a même pas ce à quoi je m'attendais, une espère de vulgarité assumée, triomphante, provocatrice, qui aurait eu le mérite de la franchise et aurait certainement été beaucoup plus drôle que ce spectacle mou.
Il n'est pas étonnant de ce fait que le public, lui aussi, reste mou jusqu'à la fin du 1er acte, quand un décor énorme, d'un kitsch que la mise en scène n'atteint hélas jamais, cadre à l'inévitable tube Mexico. Celui-ci est chanté par un ténor que j'espère ne jamais réentendre, un certain Mathieu Abelli, qui abuse de son fausset d'autant plus facilement que, comme ses collègues, il est affreusement sonorisé. A vrai dire, cela s'expliquerait pour les acteurs Couraud, Benguigui et de Palma, qui n'ont vraiment aucune voix chantée; c'est par contre particulièrement absurde pour l'excellent Frank Leguérinel, seul vrai chanteur professionnel dans cette morne plaine.
L'autre problème du spectacle est que le meilleur chanteur est aussi le meilleur acteur; ceux dont c'est la profession, et qui on sans doute été plus choisis pour leur célébrité médiatique que pour leur talent, sont il est vrai si peu dirigés que la grande banalité de leur jeu n'est pas uniquement leur faute.
L'opérette "triomphe" donc au Châtelet: Jean-Marie Le Pen doit être content, lui qui faisait de la renaissance de l'opérette le seul point de son programme culturel pour la présidentielle de 2002. Et la France, vue à travers le public du Châtelet, paraît désormais suffisamment décérébrée pour tomber dans les bras du triste Nicolas.
mardi 26 septembre 2006
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