dimanche 2 décembre 2007
Festivals (2) : Salzbourg pour quoi faire ?
Salzbourg, c'est le poids lourd des festivals de musique classique : plus de 200 000 places vendues, plus de 200 manifestations, près de 50 millions d'euros de budget* dont un quart seulement de subventions (et, hélas, 15 % de mécénat). Les festivals français, à côté, font pâle figure.
Ce puissant outil, moribond à la fin du règne ploutocratique de M. Karajan, réveillé en sursaut par Gerard Mortier qui lui a donné une nouvelle légitimité artistique, vit désormais sur ses rentes : Peter Ruzicka, intendant de 2002 à 2006, aurait pu reprendre à son compte une phrase inventée pour quelqu'un d'autre : "Mon bilan n'est ni bon, ni mauvais - il est juste nul" - peu de coups d'éclat, des thématiques qui laissent tout le monde indifférent, un peu de hargne contre Mortier mais une continuité molle. Jürgen Flimm, un (mauvais) metteur en scène** qui lui a succédé, est dans la même perspective, mais avec un bilan lyrique, pour sa première année, particulièrement médiocre.
Je n'ai fait qu'effleurer cette édition 2007 (une pièce de théâtre et deux concerts) : mais tous les échos de ce premier festival Flimm parlent d'un demi-succès - Eugène Onéguine et de quelques grands échecs tant musicaux que scéniques : un Benvenuto Cellini noyé sous le spectaculaires et les prononciations exotiques, un Freischütz d'avant-garde non dépourvu de bonnes idées mais mal bâti, une Armida (Haydn) vide de sens et musicalement médiocre. La bonne surprise vient du concert, dirigé par le pianiste Markus Hinterhäuser (spécialiste de musique contemporaine, celui-ci a été imposé à Flimm qui avait choisi un clarinettiste des trop conservateurs Wiener Philharmoniker): si les séries traditionnelles (Mozart-Matineen, Liederabende) semblent laissées en friche, beaucoup de propositions mêlant classique et contemporain ont revivifié un secteur que les Viennois, qui y ont toujours un rôle excessif, voudraient bien chloroformer dans la routine luxueuse.
L'an prochain, à vrai dire, paraît plus intéressant pour l'opéra, en même temps que moins aventureux : le tandem Wieler/Morabito, qui met en scène Rusalka de Dvorak, est un héritage de Mortier, Johan Simons (connu à Paris pour un Boccanegra intéressant) y met en scène un spectacle Bartok, et Claus Guth, qui a triomphé avec des Noces de Figaro en 2006, a le courage d'affronter Don Giovanni. Ce qui manque pourtant à cette programmation, c'est l'esprit du festival, une cohérence intellectuelle : n'a-t-on rien de mieux à y donner qu'Otello ou Roméo et Juliette de Gounod, qui plus est avec un couple de stars (Villazon/Netrebko) qui en garantit la vulgarité ?
Heureusement, il reste possible de piocher, dans ce festival, de quoi satisfaire tout mélomane curieux : et je ne manquerai pas, l'an prochain, d'y faire un copieux séjour. L'esprit des lieux, espérons-le, aura le dessus sur la médiocrité et la complaisance de leur maître du jour.
* Aix-en-Provence, le plus grand festival français, n'atteint pas la moitié de ces différens chiffres.
** Son King Arthur, donné à Salzbourg en 2005, est un des plus mauvais spectacles d'opéra que j'ai vus. Pour les amateurs téméraires, il existe en DVD (contrairement, par exemple, au Wozzek de Chéreau et Barenboim. Entre autres).
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