dimanche 26 septembre 2010

Reprenons - La rentrée à l'Opéra de Paris

Tout le monde l'a noté : la nouvelle saison de l'Opéra de Paris commence bien doucement. Renaud Machart en a profité pour écrire un article très critique, ce qui est une bonne chose, mais dont les critiques tombent à peu près totalement à plat, ce qui n'est pas bien malin. Le problème n'est pas que l'Opéra commence sa saison, comme tout le monde, par des reprises.

Mais il n'est pas admissible, pour un critique professionnel, d'accuser le metteur en scène Willy Decker de la médiocrité de deux des trois productions présentées, alors que n'importe quel amateur un peu informé sait que ces très vieilles productions (Eugène Onéguine date de 1997, Le Vaisseau fantôme, donné à l'Opéra pour la première fois en 2000, était l'achat d'une production plus ancienne encore) n'ont plus rien à voir avec Decker, qui a bien d'autres choses à faire et n'a jamais été invité à l'Opéra pour les remonter.
Il Trittico : Suor Angelica ( Photo Marco Brescia, Teatro alla Scala)


Surtout, Renaud Machart semble ignorer que ce qu'il présente comme "la première nouvelle production de l'année", Il Trittico de Puccini, n'en est pas une : le site de l'Opéra lui-même signale que le spectacle est donnée dans des  "Décors et Costumes du Teatro Alla Scala, Milan en coproduction avec Le Teatro Real, Madrid" : autrement dit, on va bidouiller une mise en scène plus ou moins nouvelle dans des vieux décors.

Mais la farce devient vraiment comique quand on en arrive à la production suivante : reprise des Noces de Figaro, "production du Teatro alla Scala, Milan", autrement dit le fantôme de la production de Giorgio Strehler, créée à Versailles en 1973 et déjà exsangue lors de ses dernières reprises parisiennes dans les années 90 et au début des années 2000. Lors de la dernière reprise en 2003, j'avais été amusé par un geste, un seul, de l'une des chanteuses : tout à coup, le fantôme de Strehler apparaissait - mais c'était bien tout, le reste était une espèce de désert des Tartares où rien de ce qu'on pouvait espérer ne venait jamais.
Il faut donc attendre en réalité le 16 novembre pour avoir la première des cinq (!) vraies nouvelles productions de l'année. Mais le problème n'est pas un problème de dates : c'est tout une attitude face à la création qui se dévoile là. Quand Gerard Mortier avait confié The Rake's Progress à Olivier Py, c'était un peu une solution de dernière minute, et Olivier Py apparaissait dans sa saison comme un metteur en scène assez classique, pas aussi ringard que l'épouvantable Gilbert Deflo, mais loin derrière les Marthaler, Warlikowski, Viebrock et al. Quand Olivier Py vient monter Mathis der Maler de Paul Hindemith, il devient le plus moderne des metteurs en scène présentés : pas difficile d'être plus créatif que Giancarlo del Monaco, Laurent Pelly ou Günter Krämer... Tout est dit, je crois.

Pour le reste, il faut bien dire que les deux reprises des productions de Decker donnent au moins des satisfactions musicales : Eugène Onéguine vu par le chef Vassily Petrenko comme à travers les brumes du souvenir m'a séduit tout autant que la direction très professionnelle et très efficace de Peter Schneider, qui tire le meilleur de l'orchestre de l'Opéra, à l'exact opposé de l'échec cuisant de Philippe Jordan dans les opéras du Ring au printemps dernier : enfin un Wagner vivant, coloré, enthousiaste ! Vocalement, les deux distributions ont leurs points forts et leurs faiblesses. Chez Tchaikovski, on retrouve avec plaisir la belle Tatiana d'Olga Guryakova, mais on commence à douter du génie sans cesse proclamées par les trompettes de la renommée de Ludovic Tézier en voyant son Onéguine si pâle et si peu concerné (et affublé d'une perruque ridicule, mais c'est une autre histoire). Chez Wagner, la distribution est en effet, comme le dit Machart, hors d'âge. Mais l'âge est injuste, si Matti Salminen (65 ans) reste un beau Daland, James Morris (63 ans) se contente de gérer les restes de sa voix : à force de s'économiser, il donnerait presque l'impression de faire des nuances. Adrianne Pieczonka n'a pas ces problèmes, mais la flamme ne prend pas vraiment, et Klaus Florian Vogt, comme toujours, divise les esprits - son jeu scénique toonesque, lui, est en tout cas difficilement défendable pour un chanteur de sa génération.

On le sait, Nicolas Joel est un grand connaisseur des voix : il serait mal venu de reparler ici, par exemple, d'un certain Parsifal qui réunissait Waltraud Meier, Christopher Ventris, Evgeny Nikitin sous la baguette d'Hartmut Haenchen...

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2 commentaires:

  1. Jérémie27/9/10 10:32

    C'est marrant, je suis presque d'avis complètement opposé pour le plateau d'Eugène. Et ce sont ses vrais cheveux, au passage. mais d'accord pour le reste...

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  2. Ses vrais cheveux ? Mais c'est encore pire !
    Vocalement, j'ai en effet constaté que les esprits étaient partagés sur Mlle Guryakova, mais que veux-tu, j'ai toujours eu un faible pour elle... je la trouve tellement plus intéressante qu'une Netrebko...

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