samedi 9 avril 2011

... à Londres, à Londres...

Parler de la prochaine saison du Royal Opera House, Covent Garden (ces gens-là n'aiment pas qu'on coupe dans leur titulature complète) se justifie naturellement par l'intérêt puissant de la programmation proposée. Mais il y a aussi un effet collatéral des polémiques menées par le clan traditionaliste du (petit) monde lyrique français, qui accuse toute personne critiquant la direction actuelle de l'Opéra de Paris d'être un affidé de la direction précédente. Oui, je fais l'éloge du Royal Opera, non pas parce qu'il s'y trouve une direction audacieuse, quelque chose qui ferait progresser fortement le monde de l'opéra - il n'est pas forcément idiot que ce rôle-là soit réservé à des maisons plus petites, par nature plus mobiles, comme Bruxelles ou Bâle -, mais parce qu'il s'y trouve une certaine éthique de l'équilibre, qui joue aussi bien du point de vue de la programmation que de celui des relations que la maison entretient avec ses spectateurs.
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L'Opéra Garnier n'a pas le monopole des cariatides ; au moins celles du ROH n'ont pas 3 cm de poussière sur les seins
Mais parlons concrètement. La saison du ROH n'est pas encore publiée officiellement, mais elle se trouve, de façon sans doute à peu près intégrale sur le blog Intermezzo pour le lyrique et sur le forum de ballet.co.uk pour le ballet (comme je suis honnête, je ne recopie pas ici les détails !).
Pour l'opéra, bien sûr, il y a du pur culinaire, de ces spectacles qui ne valent que comme aide à la digestion des gens qui ne savent que faire de leur argent, et il n'y en a pas qu'un : c'est le cas du Faust qui ouvre (presque) la saison, ou encore de cette Traviata improbable qui voit se succéder, sans doute à haut prix, pas moins de trois distributions différentes, ou encore un des innombrables galas pour célébrer l'implacable longévité de Placido Domingo (chanter à cet âge, ce n'est pas si difficile quand on beugle de cette façon, pas de quoi faire la fête !).
Mais voilà, il y a quand même quelques belles occasions d'oublier la médiocrité parisienne. J'en vois principalement deux que j'ai bien l'intention de ne manquer à aucun prix :
  • L'une des deux, connue depuis longtemps, est attendue à peu près par la moitié des amateurs d'opéra du monde : Jonas Kaufmann y abordera le magnifique rôle d'Enée dans Les Troyens de Berlioz, dans une nouvelle production qu'on espère pas trop sage de David McVicar. Je ne participe pas au culte de Mlle Antonacci dont je connais beaucoup de représentants, mais évidemment on a vu pire Cassandre (est-il besoin de faire encore l'éloge de l'oeuvre ?).
  • L'autre production essentielle, elle, est différente de ces Troyens au moins sur deux points : 1° Tout le monde s'en fiche sauf moi. 2° Je peux garantir que ce n'est pas une production sage : je veux parler de la Rusalka mise en scène à Salzbourg en 2008 par Jossi Wieler et Sergio Morabito, accueillie en général très mal à la notable exception de Renaud Machart dans Le Monde, mais qui m'avait tellement touché que j'étais inconsolable de savoir (de croire) cette production unique mise à la poubelle après seulement 5 représentations. J'avais écrit une critique détaillée du spectacle, que je vous invite à relire ici : l'assistance à ce spectacle est obligatoire, il y aura des contrôles, et ceux qui n'ont pas l'argent n'ont qu'à le voler (Wenn einer vorübergeht und hat Geld, schlag' ihn auf den Kopf und nimm dir das Geld: du darfst es! - Brecht, Mahagonny).
 Le reste fait beaucoup plus supermarché lyrique, avec un peu de quoi picorer pour chacun, des Wagner pas inintéressants, des Mozart qui ont quelques atouts (excellent souvenir de Thomas Allen il y a quelques années dans Così fan tutte à Munich ; la production McVicar des Noces de Figaro est la preuve qu'il est possible de faire une production intelligente dans une esthétique traditionnelle, et qu'à l'inverse ceux qui s'abritent derrière la tradition pour masquer leur médiocrité sont des escrocs). Une création, de Judith Weir, en guise d'alibi pour la modernité : je ne connais pas cette compositrice, mais pourquoi pas ?

Du côté du ballet, une fois qu'on a admis que le répertoire d'une troupe de ballet classique comprend par la force des choses en bonne partie des ballets très connus (ce que même des ballettomanes patentés semblent parfois découvrir), le principe du supermarché n'est pas sans agrément : j'irais volontiers voir Joyaux de Balanchine ou la belle Belle au bois dormant (découverte récemment en DVD, avec la sublime Alina Cojocaru) en même temps que les deux concerts de Claudio Abbado déjà évoqués ; Rusalka pourrait bien se marier avec Roméo et Juliette (le Ciel fasse que j'arrive enfin à mettre la main sur Carlos Acosta !), tandis que les Troyens semblent destinés à cohabiter avec une belle liste de classiques du ballet anglais, 100 % anglais pour le meilleur et pour le pire...

Oui, bon, je sais que je devrais parler un peu de temps en temps de l'Opéra de Paris - mais je n'arrive plus à simuler l'intérêt pour cette maison en décrépitude. Je n'ai donc pas été voir Siegfried en raison de la nullité des deux volets précédents, comme j'avais précédemment séché Francesca da Rimini, j'ai renoncé à aller voir Akhmatova (création de Bruno Mantovani) en raison des critiques qui confirmaient trop directement les craintes que j'avais à l'égard de ce compositeur trop consensuel pour être véritablement créateur, et je n'irai voir ni Le Crépuscule des Dieux, ni Otello avec mon ennemie jurée Renée Fleming, ni la reprise du Così fan tutte ennuyeux à périr signé du décorateur Ezio Toffolutti, qui n'a su faire que des décors. Eh oui, ma saison lyrique parisienne est finie, mais elle s'est au moins bien finie : le succès très mérité de Katia Kabanova, dans la mise en scène profonde et émouvante de Christoph Marthaler, a bien montré que le public de l'Opéra n'est pas le ramassis de crétins pour lequel la programmation de Nicolas Joel semble taillée. Et puis, bien sûr, Angela Denoke, qui est à toutes les Fleming, Netrebko et Gheorghiu du monde ce que Mozart est à Claude François : un grand moment, en attendant sa Makropoulos salzbourgeoise de cet été.
En attendant, j'ai traîné mes pas (entre autres) vers Sarrebruck, cette ville si laide par ailleurs, où j'ai pu admirer une production exemplaire de Phaéton de Lully (critique Resmusica), dans la mise en scène de Christopher Alden : de quoi retrouver sa foi parfois ébranlée dans la validité de l'opéra aujourd'hui - et malheur aux tièdes !

    1 commentaire:

    1. Gottesmann Pascal9/4/11 09:49

      Et pas de Falstaff mis en scène par Carsen avec Ambrogio Maestri? Cela semble (pour moi) l'évennement de la saison. Pour Faust vous avez tort de dénigrer, la production de Mac Vicar est vraiment inventive et spectaculaire. Il ne reste plus qu'à savoir si l'excellent René Pape arrivera à faire oublier l'incarnation saisissante de Bryn Terfel à la création en 2006.

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