mercredi 21 décembre 2011

Pamina ou la flûte enchantée

Ah, vous croyiez que l'actualité lyrique parisienne de cette fin d'année 2011 m'indiffère, et que je me terre en attendant des jours lyriques (et chorégraphiques) meilleurs ? Eh bien non. Soit, l'Opéra de Paris m'a mis cet hiver à la diète : pas question d'aller voir La Force du destin, cet opéra idiot donné dans une production et avec une affiche guère susceptible de me faire passer outre ; pas question d'aller voir La Cenerentola, cet opéra sublime donnée dans une production dépassée (pour le ballet, si j'ai réussi à me motiver pour une - d'ailleurs très belle - représentation d'Onéguine*, hors de question de perdre mon temps avec la Cendrillon complètement ratée de Noureev). Le spectacle passé entre les gouttes, c'est donc La Flûte enchantée du Théâtre des Champs-Élysées...



Avouons-le : je n'ai pas été conquis par la production de William Kentridge, beaucoup moins, par exemple, que par son mythique Woyzeck on the Highveld, qui transposait en Afrique du Sud l'histoire du pauvre soldat Woyzeck. Peut-être la réputation de cette production déjà âgée de quelques années et jouée dans toute l'Europe a-t-elle ici joué en sa défaveur ; sans doute la très mauvaise place que j'occupais a-t-elle contribué à me rendre plus difficile encore ; toujours est-il que je n'ai réussi à y voir qu'une très jolie production, illustrée par de jolies vidéos en noir et blanc et placée dans un XIXe siècle de fantaisie. C'est évidemment déjà pas si mal, et il va de soi que je préfère infiniment ce travail aux niaiseries de l'Opéra de Paris ou à l'antédiluvienne production d'August Everding à Munich ou Berlin (et sur DVD) ; mais je n'y ai pas vu une pensée originale sur l’œuvre, ni même une véritable volonté d'affronter la question du sens d'un des opéras dont l'interprétation, derrière la simplicité affichée, est la plus complexe. L'usage abondant, mais jamais gênant, de ces vidéos en noir et blanc m'a fait penser à un autre spectacle mozartien vu cette année, le Mitridate monté par David Bösch à Munich (ma critique Resmusica) : les vidéos d'inspiration enfantine m'avaient (comme tout le spectacle) enthousiasmé, parce qu'elles parvenaient à faire vivre les personnages et à mettre en scène le thème du conflit des générations qui parcourt toute l’œuvre - alors qu'ici les personnages, interprétés par des chanteurs assez maladroits scéniquement, sont comme dissociés de ce qui se passe en fond de scène.
Musicalement, le résultat est assez tranché : le Théâtre des Champs-Élysées marque contre son camp en invitant Jean-Christophe Spinosi et son médiocrissime orchestre, qui accumulent les fausses notes, les sonorités laides et les tempi plaqués ; mais la distribution, elle, remporte pas mal de suffrages. La Reine de la Nuit, certes, surprend par sa très faible projection (je n'avais jamais entendu ça chez Mozart, qui plus est dans une "petite" salle) ; Sarastro est un peu trop caverneux ; mais Topi Lehtipuu est un Tamino élégant et sûr ; mais Markus Werba est un Papageno de luxe et d'expérience ; mais surtout, il y a Sandrine Piau. Je l'avais bien sûr déjà entendu chanter l'air de Pamina en concert, mais c'est la première fois que je la voyais dans le rôle complet. Cette chanteuse admirable, d'une intelligence musicale unique, livre une Pamina frémissante, appuyée sur un timbre qui n'avait jamais été aussi riche. Le véritable événement lyrique de ce Noël parisien est là.

*Une Aurélie Dupont ressuscitée, un invité très bien venu (Evan McKie, du Ballet de Stuttgart), Josuah Hoffalt en pleine ascension, et une Myriam Ould-Braham épatante dans un rôle dont on n'attend d'habitude pas grand-chose, que demander de mieux ?

3 commentaires:

  1. chronique mediocrissime

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  2. Commentaire lapidaire et d'autant plus médiocre qu'il est anonyme...

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  3. Nan Rameau. Il faut revoir cette Flûte!

    C'est un travail absolument magnifique. J'irai voir le spectacle parisien, même si je l'ai déjà vu en vidéo (version qui a passé à la télé belge juste après la création de ce spectacle à Bruxelles.) Il y a aussi le DVD qui vient de sortir, capté à La Scala l'année passée, et avec un très bon plateau.

    La parallèle avec le colonialisme est superbement faite, philosophiquement entrainante et examine le problème de deux coté de la palissade. Jamais Sarastro n'a eu un rôle si clair dans une production de La Flûte que dans celle ci. Si tu peux re-voir ce spectacle en live ou en DVD, tu verras que c'est tout à fait étonnant (la première vision est parasitée par trop d'images vidéo, mais c'est du gadget qui sert pour plaire à la majorité du public qui --comme on le sait bien-- vient pour voir des "belles images.")
    Certes la direction d'acteurs n'est pas très théâtrale mais on est à l'opéra...

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