Anna Prohaska chantant Mozart – Il suffit qu’elle entre en
scène, et elle a séduit tous les cœurs : la jeune soprano autrichienne est
un délice visuel, soit, mais ce serait commettre une terrible injustice que de
n'en faire qu'une belle plante. Dans le cadre d’un des deux concerts fleuves de
la Camerata Salzburg, elle a chanté trois Lieder de Mozart (avec András Schiff
au piano, tout de même) et l’air de concert Non
temer, amato ben KV. 490 : on n’en finirait pas de dresser la liste
des beautés de ces quinze minutes de chant. Art mozartien suprême :
simplement l’art du ton juste, l’expressivité comme masquée, le mot infiniment
coloré. Que d’art dans cette simplicité, que de simplicité dans cet art !
[2 août]
Christian Gerhaher, Gerold Huber, Schubert – C’est bien
simple : de ce duo, et a fortiori dans Schubert, vous êtes en droit de
n’attendre que le sublime. Tous ceux qui aiment le lied connaissent l’art
discret et chaleureux de Gerhaher, qui est ici parfaitement chez lui ; mais quelle erreur ce serait de
négliger son pianiste, qui a l’humilité de l’accompagnateur et la qualité
sonore d’un grand soliste. [10 août]
Haydn 103 version Bolton – Les Mozart-Matineen, qui ont lieu
chaque week-end, sont toujours des rendez-vous essentiels pour moi, et je
repars rarement de Salzbourg sans en avoir tiré de grands bonheurs. Cette fois,
c’est la dernière œuvre au programme des trois matinées que j’ai vu qui aura
réalisé cet enchantement, avec l’avant-dernière symphonie de Haydn. Bolton avec
son orchestre du Mozarteum n’est pas toujours enthousiasmant ; sur cette
symphonie pleine de vie, il l’aura été. J’aime passionnément ce « son
salzbourgeois », pas du tout préoccupé par la métaphysique, le souci de montrer
la modernité des œuvres, la recherche d’un beau son « classique », et
même s’il faut en passer parfois par des solos moins justes qu’avec des
orchestres plus célèbres. Il y a là une fraîcheur, une plénitude sonore sans
afféteries, une manière de parler directement à l’auditeur, le tout appuyé sur
des basses franches, puissantes, râpeuses parfois. On a écouté les baroqueux,
c’est évident, mais on sait trouver ses propres solutions, ses propres
équilibres sonores. [19 août]
Holliger, Drei Skizzen – Jouer de la musique contemporaine,
ce n’est pas nécessairement plus compliqué qu’autre chose pour les
solistes ; la vraie difficulté, celle qui demande des nerfs solides et des
doigts de fée, c’est de réussir à faire tenir la partition sur son pupitre. Ces
« trois esquisses » pour violon et alto, interprétées par Thomas
Zehetmair et l’altiste de son quatuor, sont pleines d’une frémissante
inquiétude ; comme leur nom l'indique, ce sont des études, des jeux sur un matériau de base limité, à l'inverse de toute démonstration de virtuosité, avec des merveilles de sonorités iridescentes. [13 août]
Et le KV. 563, alors ? – Moquez-vous, je ne connaissais
pas ce copieux trio pour cordes, revêtu du nom de divertimento mais écrit bien
après le départ de Mozart pour Vienne, et qui est une œuvre-laboratoire d’une
incroyable richesse. Je ne vais pas jouer au musicologue que je ne suis pas, a
fortiori après une seule audition où je ne savais plus où donner de la tête
tant il y avait à entendre ; je ne peux donc que répéter qu’on n’en a
jamais fini avec les génies, et espérer une nouvelle audition en concert dès
que possible – et si possible au même niveau que celle-là, avec Frank-Peter
Zimmermann, Antoine Tamestit et Christian Poltéra. [14 août]
András Schiff et Schubert – Au printemps, il donnait un
récital sur piano d’époque à Schwetzingen, dont j’ai pu écouter
l’enregistrement radio, c’était sublime. À Salzbourg, on se contente d’un
impromptu dans le cadre du second concert de la Camerata Salzburg, et sur un
très beau Bösendorfer qui lui permet de donner à son Schubert la même netteté
que sur piano d’époque (Salzbourg, hélas, n’aime pas les claviers anciens).
Quel plaisir que le festival, malgré les changements de direction, sache rester
fidèle à des artistes aussi exigeants et aussi aimés du public que lui !
[9 août]
Mariss Jansons, retrouvailles – Faute de concert parisien,
faute d’être passé par Munich au bon moment, cela faisait une éternité que je
n’avais pas vu Mariss Jansons, sans doute le chef que je révère le plus. Pas
question, donc, de manquer ce concert, même si je m’inquiétais un peu de ce
qu’il allait pouvoir tirer de cet orchestre philharmonique de Vienne que je ne
porte notoirement pas dans mon cœur. [5 août]
Maurizio Pollini, arietta – Combien de fois Maurizio Pollini a-t-il interprété les trois dernières sonates de Beethoven ? Puisque je me suis contraint à ne choisir que quelques moments sublimes, je choisirai l'arietta vertigineuse qui constitue une bonne moitié de l'op. 111, mais de toute évidence c'est l'ensemble du concert qui était sublime. On pourra sans doute trouver des interprétations plus impressionnantes, plus virtuoses, plus inouïes : c'est que Pollini ne dit que ce qu'il a à dire, ne s'alanguit pas, fait de la musique plutôt que de s'encombrer de sentiments. Beethoven, c'est un homme au croisement des Lumières et du XIXe siècle : Pollini mène ici - quand bien même ce serait pour la millième fois - un indispensable travail de dégagement, de rafraîchissement. C'est mon Beethoven. [19 août]
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