Je pense que ça va devenir une habitude, avec toutes mes
excuses, pendant les périodes de débordement majuscule : quelques notes de
journal à défaut de messages plus construits – qui sait, peut-être arriverai-je
même un jour à les poster en direct, plutôt que de faire ça un mois plus tard…
Par contre, vous lirez sur Resmusica ma critique de Babylon,la création de Jörg Widmann et du philosophe Peter Sloderdijk : je ne suis
pas le seul à m’être morfondu devant l’emphase et la platitude musicale de
cette œuvre ambitieuse mais ratée, malgré une très belle distribution. Les
amateurs de bande dessinée se souviendront d’un épisode des aventures d’Adèle
Blanc-Sec de Tardi, où notre héroïne se rend à une pièce de théâtre à thème
babylonien qui s’avère être un affreux mélo à grand spectacle où le décorateur
s’est efforcé de caser Pazuzu dans tous les recoins de la scène.
10 novembre – Je n’aime pas beaucoup les nécrologies, mais
le décès ces derniers jours de Hans Werner Henze et d’Elliott Carter m’attriste
vraiment. Carter, c’était un peu le bon grand-père de la musique contemporaine,
loin des guerres claniques ; c’était un de ces cas étranges de grands
musiciens dont le génie a pris son temps avant d’éclore, à la façon de Janáček
ou de Rameau ; et c’était surtout, dans les dernières décennies de sa
longue vie, un musicien d’une subtilité sans égale, avec un travail de
miniaturiste qui parlait immédiatement à l’auditeur et menait la vie dure à
tous ses collègues programmés en même temps que lui. La dernière fois que j’ai
entendu parler de lui comme d’un compositeur vivant et actif, c’était cet été à
Salzbourg, où Heinz Holliger a joué une œuvre que Carter lui avait envoyée par
fax pour le Nouvel An.
Henze, c’est différent : je connais avant tout ses
opéras ; au sein de ses opéras, il y en a un pour moi qui domine tout, et
qui domine l’ensemble de l’après-guerre lyrique : Les Bassarides (1965). Que j’avais découvert au Châtelet (feu le
Châtelet), puis revu à Munich, en présence d’un Henze déjà bien fatigué. Un
modèle de livret, d’une brûlante actualité alors même qu’il s’en tient
strictement à l’histoire grecque mythique ; une musique profondément
humaine sans rien sacrifier aux « goûts du public »… Dommage qu’il n’en
existe pas de DVD pour permettre au plus grand nombre de la découvrir !
13 novembre – Avouez que pour un titre, c’est un bien
chouette titre : Quatorze manières
de décrire la pluie. C’est un sextuor de Hanns Eisler, musicien attitré de
Brecht (plus encore que Weill, qui détestait les prétentions politiques de
Brecht) et disciple de Schönberg, et c’est d’ailleurs un cadeau d’anniversaire
pour les 70 ans de celui-ci, mais il n’y a pas de quoi avoir peur : il y a
de quoi flatter le palais de tout amateur de musique de chambre dans cette délicatesse et ces demi-tons infinis. Je n'ai pas pu voir grand-chose de l'excellent festival musical franco-allemand organisé à Metz par l'Arsenal, mais ça, vraiment, ça valait la peine.
Dommage, au passage, que l'Arsenal ne fasse pas un peu plus de communication au-delà de Metz pour faire connaître son travail : un compte Twitter, par exemple, ça ne coûte pas grand-chose...
30 novembre – Ça commence mal, cette série de Don Quichotte.
D’accord, je n’étais pas d’excellente humeur en arrivant à Bastille ; d’accord,
j’ai en général mauvais caractère. Toujours est-il que je suis sorti de Bastille
encore plus mécontent que j’y étais entré, ce qui n’est pas le but de ce ballet
innocent et plein de charme (encore que : outre le prologue qui est
vraiment insauvable, j’ai trouvé insupportable la fin de la scène chez les
gitans, où Don Quichotte fait des moulinets sur scène pendant une éternité
alors que les autres le regardent en se demandant ce qu’il y a à la cantine).
Mais ce n’est pas tout : d’abord le couple principal, l’inévitable
Pagliero/Paquette : lui en mode automatique, visiblement soucieux avant
tout de venir à bout du planning délirant que lui a concocté Mme Lefèvre ;
elle décidément scolaire, avec la technique qu’il faut et rien de plus qu’elle,
sans brio, sans entrain, sans plaisir. Ensuite les autres solistes :
quelle déception que cette Reine des Dryades mal réglée, avec ces pointes qui jouent
au marteau-piqueur, alors que la même Héloïse Bourdon avait au printemps livré
une étonnante Nikiya dans la Bayadère qui n’était pas digne d’une étoile de l’Opéra
de Paris, mais de beaucoup plus que ça ; quel ennui que ce couple
Espada/Danseuse des rues strictement limité aux pas qu’on lui prescrit, jamais
dans le rôle, n’en faisant jamais trop !
Finalement, le seul bonheur de cette représentation, c’est l’orchestre,
qui sous la direction de Kevin Rhodes fait des efforts de dynamisme, de nuances
et de couleurs remarquables. Bilan musical positif à l’Opéra de Paris : je
ne parle pas du lyrique, mais du ballet ; il y a dix ans, on bondissait au
plafond cinquante fois par représentation (avec l’Orchestre de l’Opéra, pas
seulement avec Colonne), aujourd’hui, au moins au début des séries, on sent de
réels efforts pour bien jouer. Et, vous savez, ça vaut vraiment le coup de
jouer bien, même quand on joue Minkus.
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