Donc, comme vous aurez pu le comprendre dans le message précédent, je vais d'abord à Salzbourg pour les concerts ; et naturellement, le bilan ne saurait être aussi négatif, parce qu'il est difficile de ne choisir que des mauvais artistes dans des programmes médiocres, même quand on essaie très fort. Contrairement à ses prédécesseurs, Alexander Pereira a cru bon d'assumer lui-même la programmation des concerts, et il est évident que, cette année plus encore que l'an passé, il n'y a consacré que le peu de temps laissé par le secteur lyrique (notamment du fait de l'année Wagner/Verdi). D'où une impression générale d'incohérence et de course au plus pressé.
Ce qu'il y a eu de bien à Salzbourg cet été se divise en deux catégories : les sections récurrentes du Festival, où l'intendant n'a pas vraiment beaucoup de marge de manœuvre, et les étapes de tournée pour lesquelles il faut un carnet de chèques plus qu'un talent de programmateur.
Dans la première catégorie, il faut surtout compter ici sur les concerts des orchestres salzbourgeois. La Camerata, qui est parfois aussi dans la fosse pour un opéra, a toujours une série de deux ou trois concerts, parfois passionnants, comme c'était le cas l'an passé (hommage à Sandor Végh avec deux concerts-fleuve enthousiasmants, avec Andreas Schiff et Anna Prohaska notamment) ou en 2008 (musiques de scènes dirigées par Marc Minkowski, avec notamment un Peer Gynt extraordinaire). Cette année, l'orchestre a été chargé de tenter de remplir l'ingrate cour de la Résidence, avec son acoustique impossible : mission ratée pour ce qui est du remplissage (très nombreuses places vides), réussie artistiquement, avec un concert dirigé par le très jeune Jamie Phillips qui, outre la qualité certaine de l'interprétation, avait le grand mérite de proposer un programme construit et original - jouer les oeuvres de jeunesse de Mozart est une belle mission trop délaissée du festival (ici la sérénade KV. 239 et la symphonie concertante pour vents) ; face à eux, la Sérénade de Britten (avec un Bostridge un peu éteint), comme écho contemporain à ce genre si lié à Mozart qu'est la sérénade, et la symphonie La chasse de Haydn viennent offrir toute une richesse de résonances qui stimulent l'auditeur.
L'orchestre du Mozarteum, qui est mon préféré, est chargé quant à lui des célèbres Mozart-Matineen hebdomadaires : fondées à l'origine pour faire connaître les oeuvres rares de Mozart, elles ont connu des variations pas toujours heureuses dans leur formule depuis la mort de leur fondateur Bernhard Paumgartner : la non-formule actuelle est sans doute la moins satisfaisante, Pereira y mettant aussi bien de la musique contemporaine que des œuvres de sa sinistre série Ouverture spirituelle, exaltation d'une Autriche éternelle et catholique que je n'apprécie guère. Résultat : la première Mozart-Matinee que j'y ai vue, celle dirigée par Ingo Metzmacher, comportait un tiers de places vides au moins, ce qui est du jamais vu pour moi, parce qu'il y avait, horreur, deux œuvres du XXe siècle, les très inoffensives Ragtime dances de Charles Ives (qui a fait mieux, franchement) et les Danses concertantes de Stravinsky, à nouveau une œuvre qui n'est pas tellement propre à effrayer le bourgeois. Là encore, le programme était construit de façon intéressante autour du thème de la danse (avec aussi les Danses allemandes KV. 571, bien connues par le ballet) et de l'écriture concertante (la sérénade KV. 204 comportant en son sein un concerto pour violon en 3 mouvements). Limpide, et plutôt bien mené par Metzmacher, qui n'est certes pas un mozartien de grande expérience, mais qui sait mener tout cela avec efficacité et professionnalisme : on a connu plus pétillant, il faut dire, mais on a vu bien pire.
La semaine suivante, assomption de Rudolf Buchbinder, artiste-star en son pays (oui, certifié Autriche AOC), qui joue et dirige trois concertos de Mozart pas rares du tout (20, 22, 23). Il les joue bien, mais ne le dirige pas aussi bien qu'il ne les joue : on en viendrait presque à faire un décompte des dérapages des solistes de l'orchestre, alors qu'ils étaient si bons la semaine précédente et la semaine suivante.
Enfin, et ça devient une habitude : la meilleure des trois, c'est celle d'Ivor Bolton, malgré une soprano bien inadaptée pour les airs de concert de Mozart au programme (Elena Mosuc, pas autrichienne mais importée en ligne directe de Zurich où Pereira avait fait sa carrière : nez dans la partition, aigus tirés, diction absente). Mais Bolton fait pétiller comme personne les deux grandes symphonies classiques au programme, la 34e de Mozart et la Londres de Haydn : au diable la délicatesse éthérée qu'on prête à cette musique ; Bolton fouette tout ça, les pieds solidement dans la terre ; cela paraîtra incongru, mais c'est encore et toujours ce Mozart-là (et ce Haydn-là) que je préfère à tout autre en matière orchestrale, tant pis pour les stars.
La suite bientôt
mercredi 28 août 2013
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