lundi 9 septembre 2013

Salzbourg 2013, les concerts : de tout un peu (3)

Arrivons-en, enfin, à ce qui relève de la programmation proprement dite, ces concerts que l'intendant, a priori, a véritablement fait naître en en choisissant les artistes et le programme. Tout n'est pas raté, là-dedans, bien sûr, mais comme on dit dans Billy Budd : "Always some diffect, always an imperfection"...

La tendance générale, cette année, n'était pas à la discrétion et à l'intime. D'abord, Alexander Pereira a bizarrement jugé bon de proposer une intégrale des symphonies de Mahler, comme si les deux années anniversaires récentes (2010 et 2011) n'avaient pas suffi - et Dieu sait que j'aime Mahler, contrairement à Bruckner qui aura son intégrale au festival prochain (l'intégralite étant naturellement le cache-misère de l'indigence programmatique, passons). Je n'ai pas tout vu, mais, avec les 1, 2, 4, 5 et 7, j'estime avoir une petite vue d'ensemble (j'aurais bien aimé voir la 6e, confiée au patriarche Michael Gielen avec l'Orchestre de la SWR, menacé de disparition par l'incompétence des politiques du Bade-Wurtemberg qui ne comprennent pas l'importance de cet orchestre qui est le symbole idéal de la reconstruction de l'Allemagne démocratique après la chute du nazisme - là encore, passons). Si vous avez lu mon message précédent, vous savez déjà que c'est Mariss Jansons et la Radio Bavaroise, avec la 2, qui remportent le prix ; dans le reste, il faut compter avec une exécution de pure routine par les Viennois et Zubin Mehta (5) et avec une perspective plus moderne, incontestablement réfléchie, mais pas très séduisante, de la 4ème par le RSO Wien et Cornelius Meister (et la pauvre Dorothea Röschmann, qui passe sa vie à chanter cette œuvre).
Quant aux 1ère et 7ème, elles entrent dans un autre champ programmatique central de cette année, consacré au Sistema vénézuélien, invité avec je ne sais combien d'orchestres et de chœurs ; le cas de ce Sistema est trop intéressant pour être traité ici rapidement, mais je ne peux cacher que la médiocrité du niveau orchestral de l'orchestre Simon Bolivar jointe à l'incompétence crasse de Gustavo Dudamel a noyé la 7ème (que j'adore) dans la vulgarité et l'arbitraire, tandis qu'à la tête d'un orchestre de préados Simon Rattle a au moins su montrer la différence entre un vrai chef et M. Jolies-Bouclettes.

Mais nous n'en avons pas encore fini avec les anniversaires (l'anniversairite étant naturellement le cache-misère, etc.). Donc, Wagner : Rienzi, en version de concert naturellement, et dans une version invraisemblablement coupée qui ne laissait pour ainsi dire que les grands chœurs et les finals pompiers avec quelques airs célèbres : bref, une tromperie sur la marchandise, qui a ceci de grave qu'elle trompe sur la nature et la qualité de l’œuvre. Je ne connaissais pas Rienzi avant de voir ce concert, je ne le connais malheureusement pas plus après, tant les choix de coupe qui ont été effectués ne laissent pas de chance à l’œuvre. Impossible de suivre l'histoire, de s'attacher aux personnages, de comprendre les forces agissantes de cette dramaturgie musicale. Dommage, car les interprètes, sans être exceptionnels, étaient de taille à affronter le monstre : la distribution vocale tenait la route, y compris Christopher Ventris (même pas très en forme) et Sophie Koch (un peu moins, as expected, Emily Magee), et surtout l'orchestre n'était autre que le Gustav-Mahler-Jugendorchester, qui est promotion après promotion un des tout meilleurs orchestres du monde - à tel point qu'il semble même inspirer Philippe Jordan, beaucoup plus vivant que dans ses sinistres Wagner parisiens.
Donc, Britten, célébré ici a minima et sans grande inventivité par son War Requiem. Pour remplir la salle, Pereira a trouvé un truc très simple : Anna Netrebko. Lamentable mais vrai, ça marche : les braves gens venus pour elle ignoraient certainement que le soprano solo ne chante pas dix minutes dans l’œuvre, et qu'il est au second plan à tous points de vue - que Mme Netrebko s'y montre pleine d'afféteries et totalement étrangère à ce qu'elle chante ne les gêne pas ; le problème, c'est qu'ils ne s'intéressent pas du tout à l’œuvre, qu'il n'y a pas de surtitrage pour leur faire comprendre les sublimes poèmes de Wilfried Owen et que le tout fait peser une atmosphère d'ennui un peu désagréable pour ceux qui, comme moi, venaient pour l’œuvre. En outre, si les deux solistes sont aussi excellents qu'on pouvait s'y attendre (Bostridge et Hampson, quand même), l'orchestre et surtout le chœur de l'Accademia di Santa Cecilia, même animés par Antonio Pappano, ne peut masquer ses faiblesses criantes.

Reste un autre des artistes fétiches de Salzbourg version Pereira, mais dont on ne se plaindra pas : Nikolaus Harnoncourt, chargé d'une insolite "intégrale" des trois oratorios de Haydn (passons sur le fait qu'il en existe un quatrième, l'adaptation par Haydn de ses Sept dernières paroles du Christ en croix). Je n'ai vu que le dernier concert, le plus rare : Il ritorno di Tobia, donné avec La Scintilla, orchestre baroque de l'Opéra de Zurich, et une belle distribution vocale, sans Patricia Petibon initialement annoncée, mais avec surtout le très beau (je parle de sa voix) ténor Mauro Peter, à la fois souple et puissant. Pas de critique à faire sur ce concert, sinon que la salle, cette très vaste et très évasée Felsenreitschule où malgré une sonorisation désormais reconnue le son tend à se perdre, n'était certainement pas la plus adaptée ; l’œuvre, elle, s'écoute avec plaisir : Harnoncourt, dans son petit discours introductif, loue à juste titre les richesses de l'écriture de ce Haydn médian ; la seule limite est qu'à force de manquer d'enjeux dramatiques et émotionnels l'impression d'une succession très figée d'airs assez similaires ne favorise pas la carrière de l’œuvre. Un enregistrement de cette interprétation très inspirée serait en tout cas le bienvenu, et il est bien dommage que ce concert ne parte pas en tournée.

J'arrête là avec Salzbourg, sinon pour une prochaine digression sur El Sistema, même si je ne vous ai pas tout à fait parlé de tout ce que j'ai vu (par exemple la très belle, et forcément très formaliste Pucelle d'Orléans de Schiller monté par Michael Thalheimer - mais qui le théâtre allemand intéresse-t-il ici à part moi, hein ?).

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