18 mai 2012, Metz – Mort de Dietrich Fischer-Dieskau. Je n’aime pas les nécrologies, mais il n’y a pas que ça. D’abord, je m’intéresse toujours plus à un chanteur vivant, actif, que je peux aller voir dans ce seul lieu possible pour la musique qu’est la salle de concert. Ensuite, parce que le souvenir de Fischer-Dieskau n’est pas si positif pour moi. Oui, j’ai un peu appris le lied avec lui, même si je ne l’ai jamais vu sur scène (son rival Hermann Prey si, une fois en 1995, pour une Belle Meunière crépusculaire et bouleversante). Mais aujourd’hui ? Je comprends l’émotion de ses successeurs directs, les Liedersänger barytons d’aujourd’hui, Christopher Maltman, Dietrich Henschel, le jeune retraité Thomas Quasthoff, Michael Volle, sans oublier Christian Gerhaher que j’aurai le plaisir d’entendre deux fois cet été. Mais voilà : l’art de Fischer-Dieskau, cette diction presque pédante, cette bonne éducation sans faille, cela ne me parle plus guère. Pour le Lied – et pas seulement – je préfère le monde version 2012 au monde version 1970. Saint Christian plutôt que saint Dietrich.
25 mai 2012, Sarrebruck – Début d’un court périple en Allemagne avec le Festival Perspectives, petit festival de théâtre franco-allemand, situé dans une ville proche de la France mais hélas fort laide. Monsieur Dagacar et la tectonique dorée de l’ordure, c’est le titre : du « théâtre documentaire », qui présente en scène d’authentiques ramasseurs d’ordures d’Istanbul, qui racontent leur histoire et leur vie, avec l’aide du collectif berlinois Rimini Protokoll, spécialiste de la chose, et pas inconnu à Avignon (non, je ne dis pas « en Avignon »). C’est intéressant, parfois drôle, pas du tout le spectacle sinistre et moralisateur que certains auront peut-être attendu des lignes précédentes ; on n’y reçoit pas non plus de grandes révélations qu’un simple reportage de magazine aurait ignorées – et ce beau moment n’est pas non plus le grand moment d’humanité qu’aurait pu être ce spectacle si… si… si par exemple l’authenticité affichée s’était accompagnée d’un peu plus de théâtre, disons. Comment disait-il, ce cher Rameau ? Cacher l'art par l'art même, non ?
26 mai 2012, Heidelberg – Parfois, on atterrit un peu par hasard à un spectacle. Ici, Long voyage du jour à la nuit d’Eugene O’Neill, pièce que j’avais jusqu’alors évitée tant mon attirance pour ce théâtre ultra-psychologisant et sensationnaliste du milieu du siècle passé est faible (merci, j’ai déjà donné avec Tennessee Williams et Edward Albee). Alors, au programme : alcool (le whisky, c’est bien, mais vous ne pourriez pas passer au vin ou au schnaps de temps en temps pour changer ?), dépression, enfant mort qui pèse sur la conscience de tout le monde, avarice, tuberculose, couple, relation mère-fils, relation père-fils, misère sexuelle, amour-haine, haine de soi… Oui, tout ça en deux heures. Il ne manquait vraiment qu’un peu d’inceste, et le manuel de psycho était complet. Efficace mais ringard, ringard mais efficace. Direction les oubliettes.
27 mai 2012, Heilbronn – Heilbronn, c’est vraiment une ville désespérée, mais l’appel des Noces de Figaro montées par Jan Philipp Gloger à Augsbourg, dont je vous avais déjà amplement parlé, a été le plus fort : me voilà donc à Heilbronn, ville dont les qualités ne sautent pas aux yeux, mais qui, faute de présenter une saison lyrique faite maison, invite des spectacles de maisons voisines. 26 € en première catégorie : on aurait bien tort de ne pas se faire plaisir. Moi qui me disais qu’il faudrait ne pas aller voir les Noces trop souvent, me voilà à voir ce spectacle créé en décembre 2010 pour la 3e fois… Et j’en suis sorti tout aussi secoué que les deux premières : voilà des Noces où on rit, où on est bouleversé, où toute la force de l’humour, des faux-semblants, de la pudeur mozartienne explose. Et quelle troupe ! N’en citons qu’une : Cathrin Lange, magnifique Susanna, aussi vive vocalement que scéniquement. Rien que la voir troublée pendant le premier air de Chérubin, ça vaut toutes les stars hollywoodiennes du festival de Cannes. Je parlais l’autre jour d’Hélène Guilmette : c’est un peu pareil avec Cathrin Lange, voilà des chanteuses dont on se dit, rien qu’à les voir, qu’il n’y a peut-être pas de quoi regretter le temps de Montserrat Caballé et de Luciano Pavarotti.
28 mai 2012, Stuttgart – J’aurai donc dû ma première visite dans la maison dirigée par l’immense metteur en scène Jossi Wieler aux hasards d’un train complet qui me pousse à rester un peu plus longtemps sur place. Au programme : Elektra, un des opéras que j’aime le moins d’un compositeur que j’aime toujours moins, bruyant et caricatural – mais dans une mise en scène de Peter Konwitschny, un des doyens valeureux de cette scène allemande si bouillonnante. Pas de grandes révélations ici comme celles qu’il nous avait offertes dans son Parsifal munichois, quelques idées moins bonnes, mais une production intelligente et efficace, portée par deux chanteuses remarquables : Barbara Schneider-Hofstetter, une Électre vocalement non sans défaut (on peut se passer des consonnes quand l’orchestre couvre, n’est-ce pas ?), mais admirable bête de scène, sans grands effets, mais avec une troublante présence scénique ; et Renée Morloc, qui ne rivalise pas avec les incroyables sortilèges de Waltraud Meier (Salzbourg 2010) du strict point de vue vocal, mais qui, dans un registre plus proche du parlando détimbré habituel, offre un régal de déclamation, plein d’intelligence et très présent.
lundi 11 juin 2012
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