Non, ce n'est pas la Reine de la Nuit, mais Ginevra dans Ariodante à Bâle (photo Tanja Dorendorf, T+T Fotografie) |
1er juin, Munich – Aller revoir le Wozzeck de l’Opéra de Munich, dirigé par Kent Nagano et mis en scène par Andreas Kriegenburg, ce n’est pas vraiment ce que j’appelle de l’audace ou une prise de risque immodérée. Simplement, quand vous avez une des plus belles mises en scène qui soit, un chef d’orchestre qui sait faire aimer cette musique comme à peu près aucun autre (sinon Carlos Kleiber avant lui), eh bien voilà, vous tombez dans la facilité, et vous cédez. Et sans honte. Critique Resmusica.
2 juin, Stuttgart – Là, c’est un peu moins évident : c’est sûr, quand on aime Janáček, on ne peut pas se priver de l’occasion de découvrir Osud en scène, surtout quand la production réunit deux de mes artistes favoris, Jossi Wieler et Sylvain Cambreling (cet excellent chef si mal traité à Paris). Oui mais : il arrive que l’oubli soit juste, et il l’est. Impossible de s’intéresser à cette histoire médiocre qui semble avoir mis le compositeur à la torture. Par contre, Schönberg, encore Schönberg : on n’en finit pas de redécouvrir que le « Pape du dodécaphonisme » est surtout un immense compositeur. Die glückliche Hand, bizarre théâtre presque abstrait condensé en 18 minutes, est un chef-d’œuvre de plus. Critique Resmusica.
3 juin, Bâle – Rien à faire, on finit toujours à un moment ou à un autre par passer par Bâle ; ici, ce n’était pas tout à fait sur le chemin, mais presque. Au programme, Ariodante de Haendel, Stephan Pucher à la mise en scène, Andrea Marcon dans la fosse, pour un spectacle bien plus intéressant que ce que j’en attendais (Ariodante, c’est quand même un des pires livrets de Haendel !). Et quel bel orchestre que ces tout jeunes musiciens de La Cetra ! Critique Resmusica.
7 juin, Nancy – Surprise, des Variations Goldberg à l’Institut Goethe de Nancy, devant une salle comble, remplie avant tout des mamies qui suivent les cours maison. Interprétation très honnête de Pieter-Jan Belder (le claveciniste à la chaîne du label à petit prix Brilliant), mais instrument un peu trop clinquant.
10 juin, Metz – Jamais très agréable : pas de places de presse pour Salzbourg cette année, donc pas de critiques pour Resmusica. Afflux de journalistes attirés par le star system défendu par le nouveau patron Alexander Pereira ? Défiance de ces vieilles gens contre les médias internet qui – il suffit de lire les critiques stipendiées de Marie-Aude Roux dans Le Monde pour s’en convaincre – sont tellement moins pertinents que l’authentique presse imprimée avec du vrai encre qui pue sur du papier grisâtre ? Ou mesure personnelle occasionnée par mes messages ici même (qui n’ont rien à voir avec mon travail pour Resmusica) pas spécialement favorables à la tournure nationaliste et conservatrice de la nouvelle direction ? Je ne penche pas pour la première hypothèse. Tant pis, j’y serai tout de même.
14 juin, Metz – Natalie Stutzmann à l’Arsenal de Metz, c’est une habitude, puisqu’elle y est en résidence avec l’ensemble Orfeo 55 qu’elle a fondé (l’Arsenal a une intéressante politique de résidence, dont on ne parle jamais hors de Metz, mais qui est vraiment très fructueuse, je trouve – en musique plus qu’en danse peut-être, du reste. On a ainsi eu le compositeur Philippe Leroux, qui s’y est je trouve vraiment révélé, le claveciniste Pierre Hantai, on a aujourd’hui le compositeur Thierry Pécou). Mais voilà : d’abord je trouve dommage qu’elle s’associe à nouveau avec Lisa Larsson, qui n’est vraiment pas à son niveau (son air de Cléopâtre, ce soir, est un naufrage) ; ensuite, comment dire ? Mon goût pour les opéras de Haendel ne s’affaiblit pas avec le temps, comme l’a montré le récent Ariodante bâlois ; mais les servir en tranches de cette façon, qui plus est en mettant autant en avant les rares duos, ce n’est pas leur rendre un si bon service. C’est bizarre, j’ai un très bon souvenir du gala Rameau de Marc Minkowski au Châtelet avant la guerre, alors qu’il s’agissait d’un mille-feuille du même ordre. Ici, non, la sauce ne prend pas.
15 juin, Strasbourg – De l’art d’offrir un bon concert mais de mériter des gifles quand même. Le bon concert, c’est Amandine Beyer qui donne avec son ensemble des concertos de Vivaldi (dont les Quatre saisons) : efficace et intelligent, pas du tout showy mais pas sans virtuosité ; une interprète séduisante qui permet de sortir enfin du tunnel des JO du violon baroque (plus vite, plus haut, plus fort) dont les Quatre saisons avaient été longtemps l’épreuve maîtresse.
Les gifles ne sont donc pas pour elle, mais pour le Festival de Strasbourg qui l’a organisé. Disons-le : je ne sais pas qui sont ces gens, mais ils ont tout faux. D’abord, le Festival de Strasbourg, quel Festival de Strasbourg ? Tout le monde connaît Musica, beaucoup de gens connaissent de nom le vénérable Festival de Colmar même s’il fait son âge ; mais qu’est-ce que c’est que ce festival sans identité, sans communication, sans cohérence ? Un site internet indigent nous apprend qu’il a 80 ans ; il est organisé par une Société des Amis de la Musique, cet héritage des cercles bourgeois d’autrefois qui garantit une absence totale de dynamisme (la vie musicale à Nancy, hors orchestre et opéra, est encore organisée autour de ce genre d’associations, et ce n’est vraiment pas brillant) ; il est composé d’une dizaine de concerts sans grand effort de cohérence, et les places n’y sont pas données. Pour ce concert-ci, précisément, c’est 35 € pour tout le monde – quant on sait ce qu’est l’acoustique et la visibilité d’une église (ici la magnifique mais délabrée Saint-Pierre-le-Jeune), ce genre de tarification n’est pas bien maline.
Mais il y a pire : figurez-vous que les 8 ou 10 premiers rangs sont entièrement réservés aux entreprises. Oui, il y a du mécénat, là comme ailleurs. Oui, ces gens-là ont besoin de sentir qu’ils ne se mouchent pas de même étoffe que les autres. Mais tout de même. 8 à 10 rangs, c’est beaucoup. Fait-on de la musique pour les entreprises ? L’amour de la musique ne compte-t-il pour rien ? Veut-on absolument démontrer que la musique classique est réservée à une élite – une élite de l’argent, d’abord, mais surtout ici une élite du pouvoir ? Ces gens-là, ces soi-disant « amis de la musique », n’ont rien compris. Ils ne sont pas seulement idiots, ils sont aussi nuisibles.
27 juin, Metz – Mon compte Twitter est pollué par les retweets de l'Opéra de Paris qui font un triomphe pour Renée Fleming dans Arabella. Bien sûr, je n'irai pas voir ce spectacle : non seulement l’œuvre n'a qu'un très mince intérêt (non, Hofmannsthal n'est pas le génie du théâtre parfois décrit), mais en plus la Fleming, au-delà de ses allures de star, a largement eu l'occasion de me convaincre de son incapacité à chanter Strauss : allemand exotique, phrasés hasardeux (ah, ces coups de glotte à mi-phrase !), vulgarité franche... Quand en plus c'est Philippe Jordan qui dirige, lui qui avait crucifié une Ariadne auf Naxos à Bastille il y a quelques années ; quand en plus c'est le médiocre Marelli qui met en scène (après Mussbach au Châtelet, les Parisiens ne sont pas gâtés dans cette œuvre !), la coupe est pleine. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à m'abstenir : l'Opéra, malgré la star, ne parvient pas à vendre toutes les places pour ce spectacle, qui est d'ailleurs une fausse nouvelle production de plus (le spectacle vient de Graz, d'où il est venu dans les valises du directeur musical de Graz passé à Paris).
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