vendredi 15 septembre 2006

Rentrée

Je viens de voir le film Adieu ma concubine, qui n'est sans doute pas un très bon film, mais qui parle d'opéra chinois. Je n'y connais absolument rien ; ce qui m'a intéressé, c'est la manière dont, dans l'opéra chinois, ce n'est pas seulement la musique et le texte qui sont transmis de génération en génération, mais aussi la gestuelle, les costumes et même le maquillage des acteurs.
Ce n'est pas le cas dans notre monde opératique occidental. Certains le regrettent sans doute, et les nombreux spectateurs qui ont hué le metteur en scène Andrei Serban pour la première représentation de Lucia di Lammermoor à l'Opéra Bastille samedi dernier en font sans doute partie. La production de Serban n'est pas intouchable, et je trouve à cette reprise, comme souvent avec les reprises de l'ère Mortier, une certaine mollesse dans l'exécution de la mise en scène, sans doute due aux conditions de répétition. Mais il y a de nombreuses belles idées, de belles images que ceux qui ont de la beauté en scène une vision stéréotypée ne savent pas voir. L'actualisation de Serban, qui évite la maladresse de situer l'action dans une époque trop déterminée, est nourrie à la substance de l'oeuvre, où la violence est omniprésente, et où à la fin la violence apparaît comme la seule réponse à la violence. L'utilisation du personnage anecdotique de Normanno, le sbire d'Arturo, est remarquable ; face au pouvoir de la religion (Raimondo, au rôle extrêmement trouble) et aux forces de la politique (Arturo/Enrico), il est entre autres les forces de l'argent, et cette trinité sinistre domine admirablement la mise en scène de Serban, face à l'innocence en danger de Lucia. Celle-ci perd son innocence très tôt, confrontée à la complexité du monde : dès le 2e acte finalement, elle est contrainte de rentrer dans des jeux troubles pour ne pas être broyée par une machine qui la dépasse.
On me reprochera de consacrer trop de place à la mise en scène et pas assez à la partie musicale. Je répondrai que ce qu'on appelle " la partie musicale " se réduit souvent à un jeu de bons et de mauvais points pour les chanteurs et le chef, ce qui m'intéresse vraiment très peu; j'ajouterai quand même que, pour une oeuvre qui n'est pas le sommet de la création musicale de l'Occident, nous avons pu assister à une exécution de niveau très satisfaisant: dominée par une Natalie Dessay au timbre désormais assombri (je veux dire par là enrichi) et à l'incarnation sans faille, la soirée présentait en outre un excellent baryton, Ludovic Tézier (belle voix sombre et incarnation sobre -son personnage n'est pas un méchant d'opérette) et un ténor qui tient la route sans séduire. Très médiocre en revanche le malheureux Arturo, l'époux assassiné. Pidò efficace, parfois un peu bruyant.

Ceux qui n'ont pas aimé pouvaient toujours aller au Théâtre des Champs-Elysées voir la tiède soirée Roland Petit, vue la veille, qui montrait bien que la médiocrité satisfaite et bénie par le temps remporte toujours un grand succès...
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