vendredi 15 mai 2009

La révolte des tutus - Contre Daniil Simkin (et Natalia Osipova)

Le titre de cette note fait suite à celle-ci...

Qui ? Quoi ? Certains, sans doute (et surtout la partie mélomane de mes lecteurs [mais ne fuyez pas, ça vous concerne aussi]) se demandera sans doute pourquoi diable s'en prendre à ces deux honorables citoyens russes, d'ailleurs tous deux titulaires d'un site internet qu'on pourra aller consulter pour s'informer (ici et ici), et tous deux également chouchous du monde semi-légal (et souvent pas légal du tout) de Youtube.

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Le point commun entre ces deux danseurs russes, et quelques autres, c'est le goût du spectaculaire, d'une danse fondée sur des aptitudes gymniques hors norme, qui marque beaucoup les foules. La source de cette évolution, bien entendu, n'est autre que Sylvie Guillem, ancienne gymnaste dont l'hyperlaxité appliquée au ballet classique a fait la célébrité, et même la légende. On rejoint ici la question de la virtuosité en musique : et on tombe ainsi, inévitablement, sur la question du style.

La définition de la danse classique, on le sait, est toujours ambigue, les critères pouvant mélanger technique, répertoire (le ballet romantique français et Petipa ?) et style. Le style, d'ailleurs, ne doit pas être confondu avec la technique : si les interactions entre style et technique sont incontestables, on peut aussi utiliser la technique ainsi produite pour d'autres styles, quitte à la dévoyer ou, comme Forsythe, à l'interroger et à la magnifier. Le style, c'est l'art de se servir de cette technique : là où une Guillem, un Simkin, une Osipova vont chercher à sauter le plus haut possible, à multiplier les tours de force, à lever la jambe au moindre prétexte, le plus étant le mieux, un danseur classique - mais aussi, sans doute, sous d'autres formes, un danseur de tout style - est quelqu'un qui sait retenir son geste, travailler l'intensité de son geste plutôt que l'extension à tout prix, qui se soumet à une chorégraphie, qui privilégie l'expression sur l'impression, et l'impression profonde sur l'impression immédiate. Cela s'appelle Tamara Rojo, cela s'appelle Agnès Letestu.

La danse classique continue à passionner le public et à remplir les salles, à tel point que - redisons-le - il est temps de réfléchir à faire revivre cet art indispensable dans les nombreuses régions de France et d'ailleurs où on l'a achevé sans scrupule il y a quelques décennies. Mais ne nous y trompons pas : le danger que court cet art, ce n'est pas la concurrence de la danse contemporaine, désormais trop bien établie pour avoir à lutter contre le classique. Le danger vient de l'intérieur, de cette sotte virtuosité en quête de performances qui le dénature.
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