samedi 27 janvier 2007

Reprise

La reprise du Don Giovanni de Mozart mis en scène par Michael Haneke me semble une excellente occasion pour aborder quelques-uns des problèmes que pose cette pratique à une institution comme l'Opéra de Paris.

Cette production, créée le 27 janvier 2006 et reprise pour la première fois le 20 janvier 2007, était sans doute un modèle de transposition réussie, cohérente et intelligente. Qu'en reste-t-il un an après?

De toute évidence, cette reprise est une reprise bâclée. Passe encore qu'Haneke ne soit pas venu en personne la remonter: mais on se demande comment il est possible qu'Arpiné Rahdjian, qui prend la succession de Mireille Delunsch en Elvire, passe à ce point à côté de son rôle (pas seulement scéniquement d'ailleurs): on peut évidemment en accuser la chanteuse elle-même, mais quand on voit que Peter Mattei avait visiblement oublié une bonne partie de son texte, que l'orchestre semblait déchiffrer la partition sous la direction d'un jeune chef complètement dépassé, et que de manière générale personne ne semblait très sûr de ce qu'il devait faire (figurants compris), on se demande sérieusement comment se sont passées les répétitions!

Pourtant, une reprise à l'Opéra de Paris est toujours préparée avec un luxe de moyens que bien d'autres maisons n'ont pas: on reprend en effet tout le cycle de répétitions, des scène-piano aux scène-orchestre puis jusqu'à une générale. Il est certain que l'Orchestre de l'Opéra aura rarement été dirigé avec un tel amateurisme*... Dans beaucoup d'autres maisons, où une même production est reprise plus souvent mais avec des séries plus courtes (parfois même des représentations isolées), les chanteurs qui ne connaissent pas encore la production travaillent simplement avec une vidéo, un pianiste et un assistant, sur des temps souvent inférieurs à une semaine, et ne découvrent l'orchestre que lors des représentations: parfois cela aboutit à des spectacles bâclés, notamment à Vienne; souvent le niveau est beaucoup plus élevé que ce que nous avons pu voir à Bastille (j'ai souvenir d'un Così de routine à Munich, avec beaucoup de nouveaux, qui était d'une vivacité inouie).

Depuis que Gerard Mortier dirige l'ONP, les reprises se suivent mais ne se ressemblent pas. La toute première représentation de son mandat était une reprise de L'Italiana in Algeri mise en scène par Andrei Serban, que Mortier n'aime pas: reprise bâclée, peut-être volontairement, avec un niveau scénique et musical indigne. Le lendemain à Bastille: reprise éblouissante du Pelléas mis en scène par Robert Wilson, importée du Festival de Salzbourg à l'époque où Mortier le dirigeait. Et ainsi de suite: pour une merveilleuse reprise de Rusalka et un beau Guerre et Paix, et même une Bohème étonnamment fraîche, il a fallu subir des spectacles importés en état de déliquescence (du Couronnement de Poppée de David Alden/Munich à la Maison des Morts [Gruber/Salzbourg], qui avait perdu toute son âme), et d'autres reprises sacrifiées.

Bien sûr, on n'est certainement pas plus à l'abri d'une déception en se cantonnant aux nouvelles productions; il serait tout de même bon de maintenir un minimum d'exigence pour que cesse cette impression de yoyo perpétuel entre spectacles stimulants et pensums...

*Entre Michael Güttler à Bastille et Gustav Kuhn à Garnier dans le diptyque Bartok-Janacek, la situation n'est pas gaie...

lundi 15 janvier 2007

Salles (1) : Genève, Grand Théâtre

Début d'une série sur les différentes salles de spectacle, d'opéra notamment, avec toujours une structure un peu similaire. Le seul point commun entre toutes ces salles est que j'y ai mis les pieds, une ou plusieurs fois... Première étape: la Suisse.

GENEVE - GRAND THEATRE

Institution
Grand Théâtre de Genève
L'institution utilise aussi pour les oeuvres plus intimistes le Bâtiment des Forces Motrice (BFM)

Description matérielle
Théâtre moderne (dans des murs anciens) avec trois balcons, des loges au 1er et au 2e.
L'impresion générale est plutôt jolie et chaleureuse; les espaces publics, notamment de restauration, sont en revanche relativement sinistres.

Programmation
Opéra et danse (Ballets du Grand théâtre: danse contemporaine)
La programmation d'opéra est peu dense, mais relativement variée et intéressante. Les spectacles ont plutôt une esthétique moderne, mais relativement tempérée pour ne pas effrayer le public. La priorité pour l'améliorer serait surtout de donner plus de spectacles!

Placement
Bonne visibilité générale (pas de places très latérales sur les balcons). Il vaudrait mieux éviter le dernier rang de parterre, en basse catégorie mais un peu étouffant (à moins évidemment de vouloir se replacer!).
De manière générale les prix sont un peu élevés par rapport à la qualité et à la réputation du théâtre.

jeudi 11 janvier 2007

Retour au Ring (2)

Le Ring présenté à l'Opéra de Munich entre 2002 et 2006 avait eu une naissance difficile: le metteur en scène Herbert Wernicke était décédé trois semaines avant le début des répétitions de la Walkyrie, obligeant son assistant à ficeler comme il le pouvait un spectacle qui ne pouvait être que provisoire; ensuite, l'Opéra de Bavière avait confié à son metteur en scène de prédilection, David Alden, le soin de faire une nouvelle Walkyrie et de continuer le cycle. Quand on pense aux délais de préparation d'une telle production, on comprend le défi que cela constituait pour David Alden.

Disons-le: ce cyle, malgré cela, est une extraordinaire réussite, dont le seul défaut est la complexité des décors prévus par Alden: ceux-ci nécessitaient au mieux 50 minutes d'entracte à chaque fois, et plus quand la machinerie se grippait (ce qui a amplement été le cas en novembre dernier - raison principale pour le déclassement de cette production). La transition entre Wernicke et Alden n'apparaît pas comme un véritable problème, d'autant qu'Alden revient pour le Crépuscule à certains éléments de l'Or du Rhin, pour boucler la boucle, alors qu'il s'en était fortement éloigné dans les épisodes précédents. Et puis l'Or du Rhin est éloigné temporellement, d'une durée inconnue, des 3 autres, qui se tiennent entre la conception de Siegfried à sa mort tragique, ce qui justifie le saut...

Cette production a suscité lors de sa création la haine d'une partie du public: ce n'est plus guère le cas aujourd'hui, sans doute parce que les nombreuses idées qu'elle contient ont fini par s'imposer dans la tête des spectateurs. David Alden est un metteur en scène dont on peut difficilement nier la puissance visuelle; la forêt de Siegfried, avec ses étranges créatures, ou la surprenante fin du Crépuscule en sont un exemple. A la fin du Crépuscule en effet, quand l'ancien monde disparaît, le plafond de la scène s'abaisse progressivement, pour découvrir un plateau peuplé de plusieurs souris blanches gigantesques (on constatera l'effort financier que cela constitue, pour quelques minutes de spectacle...): voilà les nouveaux habitants d'un monde nouveau. Bien? Mal? Progrès? Barbarie? La face inexpressive des rongeurs laisse toutes les interprétations ouvertes...

Parfois Alden est moins inspiré, et comme toujours dans ce cas le résultat est alors fort ennuyeux; mais cette baisse d'inspiration ne se voit guère que dans la scène finale de Siegfried et dans une partie de l'acte I du Crépuscule. Le reste est d'une invention permanente, d'une grande maîtrise dans le jeu des acteurs, pour la plupart choisis aussi pour leur talent dramatique. Certains pseudo-wagnériens osent affirmer que cela n'a rien à voir avec Wagner: c'est ces gens-là qui ne comprennent rien à Wagner!

à suivre

Sylvie Guillem, artiste retraitée


Sylvie Guillem danse encore: celle qui fut l'une des danseuses classiques les plus admirées, mais aussi les plus contestées, se consacre désormais presque uniquement à l'oeuvre de Russell Maliphant, jeune chorégraphe et danseur anglais. Tous deux ont donné récemment un spectacle au Théâtre des Champs-Elysées, dans le cadre d'une longue tournée européenne.

Guillem est donc encore bien une danseuse, mais peut-on encore dire qu'elle est une artiste? En voyant le résultat, on peut en douter. Certes, elle n'est pas la seule danseuse du monde à avoir dansé une chorégraphie de troisième ordre, mais la défendre à ce point... L'"oeuvre" de Russell Maliphant se veut avant tout spirituelle, imprégnée de zen et, paraît-il, de capoeira. Soit. Ce qu'on voit sur scène est à la fois d'une abyssale naïveté et d'une prétention sans bornes. Spiritualité, certes, mais réduite au niveau du lectorat des magazines féminins. Les lumières sont belles, mais d'une beauté stupide qui saurait difficilement dire ce qu'elle pourrait bien signifier.
Le public, lui, est en bonne part en adéquation avec la misère intellectuelle de ce spectacle. Tant pis pour eux: il y a du plaisir bête.
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