jeudi 11 janvier 2007

Retour au Ring (2)

Le Ring présenté à l'Opéra de Munich entre 2002 et 2006 avait eu une naissance difficile: le metteur en scène Herbert Wernicke était décédé trois semaines avant le début des répétitions de la Walkyrie, obligeant son assistant à ficeler comme il le pouvait un spectacle qui ne pouvait être que provisoire; ensuite, l'Opéra de Bavière avait confié à son metteur en scène de prédilection, David Alden, le soin de faire une nouvelle Walkyrie et de continuer le cycle. Quand on pense aux délais de préparation d'une telle production, on comprend le défi que cela constituait pour David Alden.

Disons-le: ce cyle, malgré cela, est une extraordinaire réussite, dont le seul défaut est la complexité des décors prévus par Alden: ceux-ci nécessitaient au mieux 50 minutes d'entracte à chaque fois, et plus quand la machinerie se grippait (ce qui a amplement été le cas en novembre dernier - raison principale pour le déclassement de cette production). La transition entre Wernicke et Alden n'apparaît pas comme un véritable problème, d'autant qu'Alden revient pour le Crépuscule à certains éléments de l'Or du Rhin, pour boucler la boucle, alors qu'il s'en était fortement éloigné dans les épisodes précédents. Et puis l'Or du Rhin est éloigné temporellement, d'une durée inconnue, des 3 autres, qui se tiennent entre la conception de Siegfried à sa mort tragique, ce qui justifie le saut...

Cette production a suscité lors de sa création la haine d'une partie du public: ce n'est plus guère le cas aujourd'hui, sans doute parce que les nombreuses idées qu'elle contient ont fini par s'imposer dans la tête des spectateurs. David Alden est un metteur en scène dont on peut difficilement nier la puissance visuelle; la forêt de Siegfried, avec ses étranges créatures, ou la surprenante fin du Crépuscule en sont un exemple. A la fin du Crépuscule en effet, quand l'ancien monde disparaît, le plafond de la scène s'abaisse progressivement, pour découvrir un plateau peuplé de plusieurs souris blanches gigantesques (on constatera l'effort financier que cela constitue, pour quelques minutes de spectacle...): voilà les nouveaux habitants d'un monde nouveau. Bien? Mal? Progrès? Barbarie? La face inexpressive des rongeurs laisse toutes les interprétations ouvertes...

Parfois Alden est moins inspiré, et comme toujours dans ce cas le résultat est alors fort ennuyeux; mais cette baisse d'inspiration ne se voit guère que dans la scène finale de Siegfried et dans une partie de l'acte I du Crépuscule. Le reste est d'une invention permanente, d'une grande maîtrise dans le jeu des acteurs, pour la plupart choisis aussi pour leur talent dramatique. Certains pseudo-wagnériens osent affirmer que cela n'a rien à voir avec Wagner: c'est ces gens-là qui ne comprennent rien à Wagner!

à suivre

Sylvie Guillem, artiste retraitée


Sylvie Guillem danse encore: celle qui fut l'une des danseuses classiques les plus admirées, mais aussi les plus contestées, se consacre désormais presque uniquement à l'oeuvre de Russell Maliphant, jeune chorégraphe et danseur anglais. Tous deux ont donné récemment un spectacle au Théâtre des Champs-Elysées, dans le cadre d'une longue tournée européenne.

Guillem est donc encore bien une danseuse, mais peut-on encore dire qu'elle est une artiste? En voyant le résultat, on peut en douter. Certes, elle n'est pas la seule danseuse du monde à avoir dansé une chorégraphie de troisième ordre, mais la défendre à ce point... L'"oeuvre" de Russell Maliphant se veut avant tout spirituelle, imprégnée de zen et, paraît-il, de capoeira. Soit. Ce qu'on voit sur scène est à la fois d'une abyssale naïveté et d'une prétention sans bornes. Spiritualité, certes, mais réduite au niveau du lectorat des magazines féminins. Les lumières sont belles, mais d'une beauté stupide qui saurait difficilement dire ce qu'elle pourrait bien signifier.
Le public, lui, est en bonne part en adéquation avec la misère intellectuelle de ce spectacle. Tant pis pour eux: il y a du plaisir bête.
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