vendredi 31 décembre 2010

Réveillonnez en musique avec Musicasola

Choisir la bonne musique pour votre réveillon, quel chemin de croix pour une maîtresse de maison accomplie, qui sait à quel point il importe de ne rien laisser au hasard ! Heureusement, Musicasola est là pour vous aider dans cette période si essentielle de l'année.

mardi 28 décembre 2010

Philippe Jordan a perdu le fil d’Ariane

Finies les premières mondaines de l’Opéra de Munich (et leur public au-delà du supportable, et dans une certaine mesure au-delà du réel : ces gens-là existent-ils vraiment ?) : retour en France avec cette bonne vieille Ariane à Naxos, production vue et revue de Laurent Pelly, créée il y a des années quand Hugues Gall dirigeait l’Opéra de Paris, et remontée une fois encore (une dernière fois ?) pour les fêtes sous la direction du successeur de son successeur – bref, que du neuf. Je pourrais développer sur la distribution, avec Riccarda Merbeth enfin à peu près convaincante après deux prestations médiocres, et un Bacchus encore en dessous de ce à quoi Nicolas Joel nous a habitués, mais ce qui m’a le plus frappé une fois encore, c’est l’explosion en vol du directeur musical choisi par Nicolas Joel.


Le regard du dompteur - mais la bête est déjà trop sage (photo J.-F.Leclercq)

jeudi 23 décembre 2010

Calixto Bieito sur tous les fronts

Calixto Bieito, Calixto Bieito, Calixto Bieito encore : après avoir (enfin) découvert l'un des metteurs en scène d'opéra les plus actifs de ces dernières années à l'occasion d'une magnifique production de De la maison des morts de Janáček (j'en avais parlé ici), j'ai eu l'occasion cet automne de découvrir trois productions de Calixto Bieito, deux nouvelles productions (Aida à Bâle, Fidelio à Munich), et une reprise (Armide de - ou plutôt d'après - Gluck).

dimanche 19 décembre 2010

Il faut savoir se contenter du meilleur

Au fond, qu'est-ce que j'attends d'un spectacle ? Que faut-il pour que j'aie le sentiment d'avoir bien employé ma soirée ? Bien sûr, une soirée parfaite, où tous les éléments concordent à niveau égal, c'est extraordinaire - mais ce serait mentir que de dire que je les recherche, ne serait-ce que parce qu'une telle recherche est vaine : tu crois la tenir, elle t'évite (ô soirées attendues avec trop d'impatience et qui ne peuvent que décevoir!), tu crois l'éviter, elle te tient... Et s'il fallait réduire la quantité (il est vrai quelque peu pharaonique) de spectacles que je vois chaque année en prétendant ne garder que les meilleurs, je suis sûr que je perdrais par la même occasion le meilleur, pour ne conserver que le moyen, le prévisible, le tout-venant.

mercredi 15 décembre 2010

Construisons le passé sur les débris de l'avenir

Je vais encore parler des prochaines saisons de l'Opéra de Paris, au cas où vous ne l'auriez pas compris ; accessoirement, je dois avouer que je suis très fier de mon titre, un peu de vanité d'auteur n'a jamais fait de mal à personne. Un bienveillant informateur aussi amoureux que moi de l'ampleur de vues de Nicolas Joel, son si brillant directeur m'avait déjà fait part de quelques pronostics sur la prochaine saison de la maison, que je vous invite à consulter (vous allez voir, c'est passionnant) ; mais comme il me donne aussi des informations sur les saisons suivantes et que je m'en voudrais de ne pas tuer le peu de suspense qui reste, voici un petit récapitulatif de ce qui adviendra, sachant que même dans les maisons bien tenues il arrive que des projets meurent en route, alors pensez dans une maison où la poussière règne en maître !

mercredi 8 décembre 2010

Pina Bausch et son Sacre, avant-goût d'un chef-d'oeuvre

Alors que le Ballet de l’Opéra de Paris s’apprête à reprendre le chef-d’œuvre de Pina Bausch, j’ai bien envie de vous en toucher quelques mots – si ça pouvait donner à quelques mélomanes réfractaires à la chose dansée l’idée de se faire une douce violence, ça serait déjà ça...
Miteki Kudo, Wilfried Romoli dans Le Sacre (photo J. Moatti)

mercredi 1 décembre 2010

David Afkham, Mariss Jansons : décembre à Paris ou le triomphe de l'orchestre

L'un est au début de sa carrière, l'autre au sommet : Paris accueille en ce mois de décembre deux chefs d'orchestre que je ne peux que vous conseiller d'aller entendre, même si, étant toujours en Allemagne, je ne pourrai assister à ces deux concerts.
Le petit nouveau, c'est David Afkham, qui sera demain soir (jeudi 2 décembre) au Théâtre des Champs-Élysées : j'en avais déjà parlé ici, à propos de son triomphal concert salzbourgeois, et j'avais été l'interviewer quelques semaines plus tard pour Resmusica. Le programme comprend un concerto de Prokofiev et surtout, comme à Salzbourg, la 10e symphonie de Chostakovitch (et rien que ça vaut le voyage), l'orchestre n'est que l'Orchestre national de France, mais le chef mérite votre attention. Même s'il a été son assistant au Gustav Mahler Jugendorchester, David Afkham n'a rien à voir avec un Gustavo Dudamel : sa direction n'est spectaculaire ni visuellement, ni pour une oreille superficielle. Son maître est Bernard Haitink : rigueur, concentation, musicalité plutôt que grands sentiments et grands gestes donc.
Le grand maître, c'est Mariss Jansons, qui vient dans les mêmes lieux le samedi 18, avec l'excellent Orchestre de la radio bavaroise : bien sûr, le public parisien, comme à peu près dans toutes les grandes villes musicales, a au moins 3 ou 4 fois par an l'occasion d'entendre la 4e symphonie de Mahler (on se souvient, pour Paris, de la très belle et très âpre interprétation de Pierre Boulez avec la Staatskapelle à Pleyel), mais c'est justement avec Jansons que ça vaut le coup de se déplacer, d'autant qu'il est aussi un des plus grands interprètes de Chostakovitch. Lui aussi est un chef pour qui la musique n'a pas besoin d'adjuvants sentimentaux ou théâtraux, avec une sorte de chaleur dans la communication qu'il établit avec les œuvres, avec ses musiciens et avec le public qui n'appartient qu'à lui. Sa santé, depuis assez longtemps, est fragile, et j'espère sincèrement que ses différents concerts du mois de décembre auront bien lieu ; il reste en tout cas (c'est en quelque sorte regrettable !) beaucoup de places, comme toujours. C'est étrange : le public parisien se précipite au concert d'Abbado en octobre dernier, malgré le prix prohibitif des places, mais ne daigne pas se déplacer pour un chef qui vous emmène exactement sur les mêmes sommets...
Encore une occasion de redire que, si Paris est devenu une voie de garage pour l'opéra, la programmation symphonique y est bien celle d'une capitale mondiale, avec un public qu'on n'aurait pas soupçonné si passionné d'orchestres il y a quelques années !
(Mariss Jansons sera aussi présent à la Salle Pleyel avec son autre orchestre, celui du Concertgebouw, le 14 février...)

PS : non, je n'ai pas vu Mathis der Maler... J'imagine très volontiers que ce spectacle ne doit guère avoir de mal à être le meilleur de la saison de l'Opéra, mais d'une part je n'ai pas de possibilité de le voir, d'autre part je n'estime pas plus que cela Hindemith, ni dans son versant moderniste, ni a fortiori dans son repli néo-classique, et je ne pense pas que du bien d'Olivier Py. Je fais voeu de tenter tout de même l'expérience dans le cas d'une reprise - si possible sans Mathias Goerne, un chanteur dont le succès m'a toujours stupéfait !

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lundi 29 novembre 2010

Trois chanteuses d'aujourd'hui

L’âge d’or du chant ? Mais c’est aujourd’hui, bien sûr, quelle question ! En tout cas pas moins qu'hier, mais sans doute pas plus que demain. Oh, bien sûr, il y en aura pour avoir la nostalgie où le répertoire opératique se limitait au grand répertoire italien de Bellini à Puccini, mais ceux-là passent à côté de tellement de choses ! Et voilà que l’envie me prend de vous parler de trois dames, trois sopranos que j’ai la chance de rencontrer en ce mois de novembre. Aucune des trois n’est une star, mais aucune n’est une inconnue ; je ne prétends pas qu’elles sont les « meilleures » de quelque catégorie que ce soit : ce sont simplement de merveilleuses artistes. Deux d’entre elles ont beaucoup chanté à Paris ces dernières années, la troisième pas assez.
Angela Denoke en Salomé à l'Opéra de Munich : inoubliable

mercredi 24 novembre 2010

Metteurs en scène : deux morts

Jürgen Gosch : un nom à peine connu en France, entre autres parce qu'il n'a jamais travaillé à l'opéra, mais un des metteurs en scène les plus connus en Allemagne, les plus respectés, bien que le scandale ne l'ait pas épargné. Il est mort en juin 2009, quelques jours avant le début des répétitions des Bacchantes d'Euripide qu'il devait monter au Festival de Salzbourg. Un an et demi après son décès, près de trois ans après la première du spectacle, j'ai pu découvrir son travail grâce à Oncle Vania, qu'il avait monté au (très agréable) Deutsches Theater de Berlin. Et tout à coup, on redécouvre ce que veut dire "direction d'acteurs" : il ne s'agit pas simplement de faire bouger de façon à peu près vraisemblable des marionnettes bien élevées, il s'agit de faire qu'un simple geste bouleverse et dise ce qu'aucun texte ne dira jamais. Gosch ne se préoccupe pas de réalisme : le décor (ci-dessous) n'est qu'un espace de jeu, qui plus est dénué de profondeur, dont les acteurs ne sortent jamais (ils se plaquent contre les parois latérales quand ils n'ont pas à jouer) ; il ne se préoccupe pas plus de créer l'agitation permanente qu'on prend trop souvent pour du théâtre (Olivier Py...) ; mais par la précision diabolique de son travail, par les petits éléments de distanciation et d'humour, naît un frémissement de vie qui bouleverse.
Le Deutsches Theater avec le décor d'Oncle Vania (photo Musicasola)

Et je n'ai pu m'empêcher de penser à une situation similaire, il y a plus de 10 ans de cela : on jouait au théâtre de l'Odéon Arlequin serviteur de deux maîtres de Goldoni, en dialecte vénitien sans surtitres ;  là aussi, le metteur en scène venait de mourir quelques mois auparavant : c'était Giorgio Strehler. Et je me souviendrai toujours du moment, à la fin du spectacle, où Arlequin, lors des saluts, ôtait son masque pour nous laisser en tête à tête avec l'acteur Ferruccio Soleri, lui à qui Strehler disait : "C'est extraordinaire, plus tu vieillis et plus ton Arlequin rajeunit". Et dans le visage de cet homme qui jouait le rôle depuis 25 ans, qui avait lors de ces représentations près de 70 ans, mais qui avait joué un Arlequin bondissant, insaisissable, qui incarnait en quelque sorte le bonheur de la vie qu'on n'arrive jamais à capturer, dans le visage de ce vieil acteur soudain révélé, on ne pouvait s'empêcher de lire la tristesse du deuil. Strehler avait travaillé maintes fois son spectacle, qui avait pris au fil des décennies bien des visages : dans cette ultime version, une sorte d'abstraction mélancolique était venue gommer la vie bouillonnante, et volontiers bruyante, de la commedia dell'arte. Il reste, heureusement, de nombreuses vidéos de son travail, malheureusement peu diffusées : là est le vrai Strehler, méfiez-vous des imitations.

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samedi 20 novembre 2010

Berlin, Munich - et Metz encore

En attendant un message un peu plus détaillé (eh oui, c'est parfois difficile d'aller au spectacle ET d'écrire un blog...), quelques liens vers mes dernières critiques pour Resmusica.
Tout d'abord la plus ancienne : presque un mois, une éternité ! Cette Rusalka munichoise, mise en scène par Martin Kusej, je voulais vous en parler plus en détail ici, entrer dans les détails qui ont fait que cette mise en scène ne m'a pas convaincu - et puis finalement, disons-le, le spectacle ne me paraît pas assez intéressant pour justifier un traitement détaillé, surtout en comparaison du spectacle de Jossi Wieler et Sergio Morabito à Salzbourg, dont je vous avais amplement parlé à l'époque : ce spectacle magnifique n'a été ni filmé, ni repris, et ne le sera certainement jamais, ce qui est bien triste. Ce qui m'a à vrai dire le plus agacé, c'est de voir à quel point la critique (officielle et spontanée) s'est partagée selon des clivages trop prévisibles : comme si les amateurs de mises en scène moderne n'étaient pas capables de faire la différence entre une bonne mise en scène moderne et un moderne ratage.
Beaucoup plus intéressant, mais aussi beaucoup plus discret : L'enlèvement au Sérail à Berlin, dans la mise en scène très épurée de Michael Thalheimer. Une mise en scène très moderne pour le coup, mais en toute discrétion. Vraiment, une grande émotion, avec une merveilleuse Christine Schäfer.
Et enfin, sans mise en scène, un beau récital Schumann de Roman Trekel, remplaçant Thomas Quasthoff, et l'accompagnement d'abord erratique, puis soudainement inspiré et magnifique de Daniel Barenboim, qui rappelle soudain qui il est.
Le Schiller-Theater à la fin des travaux de cet été (Photo Thomas Bartilla)

Ces deux spectacles avaient lieu dans le Schiller-Theater, qui sert de salle de remplacement pour la Staatsoper unter den Linden, fermée pour plusieurs années pour travaux : un théâtre moderne, (re)construit après la guerre à quelques pas du Deutsche Oper, assez petit pour qui a l'habitude de Munich ou des opéras de Paris, et donc assez intime : impression agréable, clarté, lumière, proximité de la scène...
Il y a encore deux spectacles berlinois dont je veux absolument vous parler : patience, patience... En attendant, je reviens sur le message que j'avais écrit sur l'Opéra de Metz : le débat a amplement rebondi, et je vous invite à lire non seulement le message, mais aussi et surtout les différents commentaires, dont celui de l'ancien directeur de la maison Laurence Dale, que je remercie. L'ensemble forme un dossier qui n'est pas sans intérêt sur l'identité et les missions des maisons d'opéra de province, je trouve...

vendredi 12 novembre 2010

Opéra de Metz, un nouveau début ?

C'est une vieille histoire : en Lorraine, comme du reste souvent dans les régions de France,les responsabilités sont partagées : si vous habitez Metz, vous êtes priés d'aimer les concerts (avec l'Arsenal et l'excellent Orchestre National de Lorraine, actuellement confié à l'également excellent Jacques Mercier) ; si vous habitez Nancy, vous avez intérêt à aimer l'opéra ou le théâtre (pour la danse, vous avez le choix entre les deux villes).

Cependant, il n'en demeure pas moins que Metz dispose aussi d'un opéra : on en avait parlé, y compris ici, de la suppression projetée des subventions d'État pour quelques petites maisons d'opéra de ce type.

mercredi 10 novembre 2010

Le jardin des délices - Salzbourg 2011

Dernier été avant la réaction : le festival de Salzbourg 2011, sous la direction de Markus Hinterhäuser, est le dernier à se situer dans la lignée aventureuse et moderne commencée par Gerard Mortier en 1992 ; dès 2012 - on connaît déjà une partie non négligeable des projets -, Alexander Pereira assurera un retour vers le passé, vers un festival sans utopies, sans sens, sans désir. Il faut donc en profiter cette année !

Chaque année, la publication du programme au cours du mois de novembre, c'est pour moi un peu comme la nuit de Noel pour un petit enfant : les cadeaux sont là, au pied du sapin, mais il va encore falloir attendre avant d'avoir le droit de les ouvrir ; il y a un côté supplice de Tantale là-dedans... Je vous laisse découvrir en ligne le nouveau programme : j'ai déjà un peu fait mon marché, entre Mahler et Sciarrino, Mozart et Nono, sans compter le théâtre, de la musique de chambre à foison, et bien sûr la très attendue Affaire Makropoulos de Janacek, avec un trio de pointe constitué du chef Esa-Pekka Salonen, du metteur en scène Christoph Marthaler et - bien sûr - de l'indispensable Angela Denoke dans le rôle-titre !

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mardi 9 novembre 2010

Bolchoi et Mariinsky, quelles traditions pour aujourd'hui et demain ?

NB: le message précédent sur les prochaines saisons de l'Opéra de Paris (côté opéra, pas côté danse) a été actualisé, avec de nouvelles informations inédites... Mais pourquoi l'Opéra de Paris laisse-t-il donc fuiter tout cela ?

On va finir par oublier que le Bolchoi et le Mariinsky ont leur siège quelque part au beau milieu de la sainte Russie, tant on les a pour ainsi dire à demeure en Europe occidentale : Le Mariinsky vient de faire un petit passage au Châtelet, le Bolchoi arrive à l’Opéra Garnier au printemps, sans parler d’étapes à Londres, Lausanne ou Baden-Baden. On pouvait avoir l’impression, il y a quelques années, que le but de cette activité frénétique était simplement l’argent, les troupes venant chercher en Occident l’argent dont manquait si cruellement la Russie post-soviétique. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

vendredi 5 novembre 2010

À quoi bon le Savoir s'il n'est soutenu par la Foi ?

Disons-le franchement : je peine à croire qu'il puisse y avoir des erreurs dans les informations de Jérôme Pesqué transmises dans le message précédent, mais une source digne de foi (bref, quelqu'un qui est vraiment en relation avec le milieu musical, pas quelqu'un qui cherche à toute force à s'y introduire par tous les trous de souris possible - on se doute qu'il n'est pas toujours aisé de se faire aussi petit) m'indique que Stéphane Degout a mieux à faire que de chanter Valentin dans Faust, et on le comprend (cet air, mon Dieu, cet air...) : ce sera donc plutôt Wolfram (Tannhäuser) et Thésée (Hippolyte et Aricie).

Je n'ai pas mis les pronostics des saisons ultérieures, parce que je crois que trop de prévision tue la prévision ; mais la même source me signale également une reprise de Pelléas dans la mise en scène de Robert Wilson produite par Gerard Mortier à Salzbourg en 1995 et coproduite par Hugues Gall à Paris, selon le bon principe qui veut que la modernité d'hier, d'accord, mais alors, celle d'aujourd'hui... Ce sera toujours avec l'excellent Stéphane Degout, et je ne sais pas si ce sera la saison prochaine ou plus tard ; quant à la Forza, le spectacle s'annonce historique : en plus de la sottise et de la vulgarité de l'oeuvre, la mise en scène pourrait être signée d'un autre ancien directeur de la maison, Jean-Louis Martinoty...

Heureusement, le présent est plus réjouissant, avec au programme des prochains jours deux spectacles berlinois dont je ne manquerai pas de vous parler.

PS : La même source que je remercie encore m'indique une reprise de la mise en scène honorable mais pas passionnante du Rake's Progress de Stravinsky mis en scène par Olivier Py, sous la direction de l'excellent Jeffrey Tate ; et Elektra, également dans la saison 2012/13, ne sera pas dirigée par Seiji Ozawa - si tant est, de toute façon, que sa santé lui permette à un moment ou à un autre de revenir réellement aux affaires...


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jeudi 4 novembre 2010

Déjà 2011/2012 ? Ou plutôt 1971/1972 ?

C’est un sport international tellement répandu qu’on parle de l’inscrire au programme des Jeux Olympiques : le pronostic de saison, autrement dit « Quel sera le programme de l’Opéra de X pour la saison prochaine ? ». D’habitude, c’est à la fin de l’hiver que de telles ardeurs s’éveillent ; cette année, je ne sais pourquoi, le forum ODB a oublié d’hiverner et s’y met donc dès l’automne. Je vais faire de la peine à Jérôme Pesqué, l’entrepreneur du forum et wannabe pape du monde lyrique français, mais tant pis : ces choses-là ne sont pas sous copyright, et il n’y a pas de raison que lui seul profite de ces informations que lui collectent tant de petites mains bénévoles ; et pour aller jusqu’au bout des choses, je ne me fatigue pas même à changer la mise en page (mais j'ai corrigé une ou deux fautes d'orthographe) :


2011-2012

dimanche 31 octobre 2010

Munich, portrait culturel (2) : L'offre musicale

Munich, combien d'orchestres ? Deux, trois, cinq, sept ? On n'en finit plus de les compter, mais seuls trois sont essentiels. Trois orchestres de niveau international dans une ville comme Munich, c'est il est vrai déjà remarquable, peut-être unique au monde - dommage, alors, que tous les trois aient quelques soucis concernant leur direction. J'ai déjà parlé du cas du Bayerisches Staatsorchester, autrement dit Orchestre national de Bavière, autrement dit orchestre de l'Opéra (le seul, le vrai) : j'ajouterai simplement qu'il suffit de voir comment cet orchestre joue vraiment les représentations de ballet pour comprendre toute la différence avec l'Orchestre de l'Opéra de Paris.

vendredi 22 octobre 2010

Mahler à tous les étages

Quelle idée de mourir à 51 ans ! D’abord, c’est trop jeune de toute façon, ensuite ça devrait être interdit quand on a un tel génie, et enfin ça tombe mal pour les anniversaires, ces anniversaires qui font vivre l’industrie du disque et les Folles journées de Nantes : voilà notre Mahler fêté à la fois en 2010, pour les 150 ans de sa naissance, et en 2011, pour les cent ans de sa mort. Il aurait été tellement plus malin de mourir à 75 ans, ça aurait fait un grand anniversaire tous les quarts de siècle… (ça fait le même effet avec 25 ans, mais même le plus précoce des génies romantiques n’a pas osé).

dimanche 17 octobre 2010

Remaniement : Musicasola ministre de la culture

Comme on parle toujours plus de remaniement,dans un esprit œcuménique et réconciliateur, j'ai décidé d'offrir mon aide bénévole au gouvernement pour lui suggérer un certain nombre de pistes pour éviter de nommer des individus aussi nuisibles que MM. et Mme Aillagon, Albanel et Mitterrand au Ministère de la Culture. Voici donc mon programme pour la recréation d'un nouveau ministère de la culture. Je me limite au domaine de la musique et du théâtre, qui sont l'objet de ce blog, mais les besoins ne sont guère moins grands dans les autres domaines.

1. Fin de la confusion Culture et Communication
On ne peut être à la fois responsable de l'Ensemble Intercontemporain et de TF1, la télé du temps de cerveau disponible. La Direction générale des Médias et des Industries Culturelles est rattachée au Ministère de l'Industrie.

2. Suppression des CCN et CDN
Les Centres Chorégraphiques et Dramatiques Nationaux sont supprimés.

3. Création de Théâtres nationaux
En remplacement des CCN et CDN sont créé des théâtres nationaux cofinancés par l'État et les collectivités territoriales. Ils sont dirigés principalement par des responsables administratifs. Leur mission est d'être des centres de création tournés essentiellement vers le public des régions dans lesquels ils sont implantés, et non du Festival d'Avignon et des théâtres publics parisiens. Ils ne sont pas la propriété exclusive d'un artiste unique. Les tournées sont possibles, mais elles ne doivent plus être qu'une partie secondaire de l'activité des institutions. Leur activité est centrée sur un théâtre, mais ils ont pour mission de produire et diffuser des spectacles dans l'ensemble de la région dans laquelle ils sont implantés, en particulier en direction des villes moyennes.
Ils disposent de troupes permanentes dans le domaine de la danse classique et contemporaine, du théâtre et de l'opéra, de façon à assurer la présence quotidienne des artistes dans la vie sociale des régions. Une attention particulière est accordée à la recréation d'un réseau de troupes de danse classique.
La tutelle de l'Etat s'assure de l'utilisation des financements publics pour des activités de création et de la pertinence des tarifications de façon à assurer un accès large à la culture sans démagogie.

4. Mesures concernant l'Opéra National de Paris et l'Opéra Comique
Le statut de l'Opéra de Paris sont redéfinies pour renforcer sa mission d'innovation dans le domaine du théâtre musical. L'Opéra-Comique est rattaché à l'Opéra National de Paris.
Le financement de l'Opéra National de Paris, comme celui des autres Opéras nationaux, est assurée conjointement par l'État et par la Ville.
La tarification de l'Opéra National de Paris est entièrement revue. Les abonnements libres sont supprimés.

5. Orchestres parisiens
Les subventions de l'Etat aux orchestres Pasdeloup, Colonne et Lamoureux ainsi qu'à l'Ensemble orchestral de Paris sont supprimées. Les montants correspondants et les emplois associés sont répartis entre :
-Les ensembles spécialisés en musique baroque et en musique contemporaine pour stabiliser leurs structures, leur permettre d'employer leurs musiciens sur des contrats à durée indéterminée et accroître leur activité.
-Les orchestres symphoniques en région, pour leur permettre d'accroître leur activité et de diversifier leur répertoire, en particulier en direction de la musique contemporaine.

6. Patrimoine théâtral et musical
Un effort particulier est fait pour la rénovation des lieux de spectacle en région pour :
-Améliorer le confort et l'accueil des spectateurs (y compris l'accueil à distance par la création de billetteries en ligne performantes) ;
-Réorganiser la production des spectacles pour permettre un accroissement global de l'activité : création de lieux de répétition, rénovation des machineries de scène et de l'ensemble des installations techniques ainsi que des ateliers.

7. Communication culturelle
Le spectacle, c'est mieux que la télé : les citoyens, notamment en province, doivent être encouragés à fréquenter de façon plus assidue les salles de spectacle.

Bien sûr il y aurait sans doute plein d'autres choses à faire... Mais il faut raison garder, après tout un ministre n'est jamais qu'un homme comme les autres...
Mais je prends vos idées supplémentaires...
(NON, pas de préférence nationale en matière de répertoire ou de choix des artistes !)

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mercredi 13 octobre 2010

Munich, portrait culturel (1) : Opéra et théâtre

On le sait depuis quelques jours : le nouveau directeur musical de l'Opéra de Bavière à compter de 2013 sera le Russe Kirill Petrenko, qu'on avait pu remarquer en France dans les remarquables Tchaikovski qu'il avait dirigé à l'Opéra de Lyon (dans les mises en scène insipides de Peter Stein, mais rien n'est parfait dans ce bas monde). Il remplace ainsi Kent Nagano, qui a dû jeter l'éponge en raison de l'attitude de l'intendant de la maison, Nikolaus Bachler, à son égard. Nagano est un chef remarquable qui a fait beaucoup pour la maison, beaucoup plus que Bachler en tout cas : il est donc très regrettable que les choses finissent ainsi, mais la tristesse est moindre du fait que les politiques ont au moins fait le bon choix pour le remplacer. Kirill Petrenko, paraît-il, n'est pas quelqu'un de facile, notamment du fait de son perfectionnisme et de ses doutes (qui l'honorent tant qu'ils ne l'empêchent pas de diriger) ; on n'aura donc pas un directeur musical à tout faire, produisant des représentations en série, mais on risque bien d'avoir quelques soirées vraiment mémorables.
Klein, aber fein ? Le deuxième opéra de Munich ressemble à son grand frère

Après tout, cette nomination peut être l'occasion de faire un rapide portrait culturel - ou en tout cas musical - de cette ville, mal connue des Français qui l'assimilent trop souvent uniquement à la (très réellement insupportable) fête de la bière. Je ne parlerai pas des musées, mieux connus mais tous assez vieillots, avec cette présentation germanique destinée à écraser le spectateur plutôt qu'à lui parler d'égal à égal, moins haïssable sans doute que l'Empire Habsbourg (traumatisme muséal : le Kunsthistorisches Museum de Vienne - mais c'est une autre histoire), mais suffisante pour m'en détourner ; mais plutôt de tout ce qui concerne la musique. Sans doute, Munich comme métropole musicale est mieux connue aujourd'hui qu'autrefois, notamment du fait de la multiplication des tournées d'orchestre, mais elle réserve quelques surprises, des bonnes mais aussi des moins bonnes... Suivez le guide !

dimanche 10 octobre 2010

Regietheater et Eurotrash (4) : De la sainte Fidélité

Les épisodes précédents : ce que Regietheater veut dire (et de l'ego des metteurs en scène) ; l'art de la transposition ; quelques DVD à voir pour ne pas mourir glottophile.

Je m'en veux de recourir à des cas aussi faciles, dont la charité devrait détourner pudiquement mes yeux : mais pensez à des spectacles aussi marquants que Mireille mis en scène par Nicolas Joel*, Demofoonte de Jommelli (Cesare Lievi, Salzbourg/Ravenne/Paris) ou la récente Donna del Lago de Garnier. Si vous avez vu ces spectacles et êtes comme la quasi-totalité des gens avec qui j'ai pu parler, vous vous êtes ennuyé à ces spectacles comme il ne devrait pas être permis de s'ennuyer. Vous voyez où je voulais en venir : ces trois spectacles sont des fers de lance d'une tendance du monde lyrique, qui reproche aux metteurs en scène modern(ist)es de trahir les œuvres, en faisant de la fidélité à l'œuvre la première vertu d'une mise en scène.

jeudi 7 octobre 2010

Ne pas être à Paris peut parfois être un avantage comparatif pour parler de la vie musicale parisienne : j'ai ainsi l'honneur de pouvoir faire une critique du concert qui aura lieu ce dimanche matin au Théâtre des Champs-Elysées, concert auquel mes lecteurs parisiens, bien évidemment, ne manqueront pas d'être malgré le prix toujours dissuasif des Concerts du Dimanche matin (25 €, c'est bien peu pour ceux qui paient leurs places parfois plus de 100 €, mais c'est beaucoup pour ceux qui vivent dans les hauteurs des salles de concert - ce qui est mon cas, à tel point que je finis souvent par préférer les places les plus bizarres que peuvent parfois offrir les salles).
Donc, un concert où la tête d'affiche s'appelle Alfred Brendel.

vendredi 1 octobre 2010

Musicasola sur les routes

Vous l'avez peut-être remarqué, ce blog aime aller se promener sur les routes européennes, entre Salzbourg, Londres, Lyon*, Bâle, Munich, Paris et la Lorraine. Cette fois, c'est du sérieux : entre octobre et décembre, je serai en Allemagne, avec beaucoup de spectacles à Munich au programme (à l'Opéra, dans les théâtre, à l'Orchestre de la Radio bavaroise avec Mariss Jansons et d'autres), mais aussi un petit peu de Berlin dans l'histoire. Ce sera l'occasion pour moi de vous parler plus en détail de la vie culturelle allemande, qui a de quoi faire rêver les Français, y compris en direct d'une ville de province. En tout cas, je ne crois pas que j'aurai moins de choses à dire que depuis la France...

Des voisines de spectacle fort sages : les statues de l'Opéra de Munich
Des voisines de spectacle on ne peut plus calmes : statues de l'Opéra de Munich

Je serai tout de même à Paris pour un concert au mois d'octobre. Je vous laisse trouver lequel, ce n'est vraiment pas difficile...

*Allez, je vous le dis dès aujourd'hui : je serai à la première de Tristan und Isolde à l'Opéra de Lyon le 4 juin. Je viens d'avoir un coup au cœur, et je transmets l'information : ce ne sera finalement pas mon cher Jossi Wieler qui mettra en scène ce spectacle (qui aurait été ses débuts en France), mais La Fura dels Baus, le collectif catalan qui a signé un Ring très remarqué (disponible en DVD), dont je redoute le goût pour le spectaculaire creux (voir La Flûte enchantée importée par Mortier à l'Opéra Bastille). Nous verrons...

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dimanche 26 septembre 2010

Reprenons - La rentrée à l'Opéra de Paris

Tout le monde l'a noté : la nouvelle saison de l'Opéra de Paris commence bien doucement. Renaud Machart en a profité pour écrire un article très critique, ce qui est une bonne chose, mais dont les critiques tombent à peu près totalement à plat, ce qui n'est pas bien malin. Le problème n'est pas que l'Opéra commence sa saison, comme tout le monde, par des reprises.

Mais il n'est pas admissible, pour un critique professionnel, d'accuser le metteur en scène Willy Decker de la médiocrité de deux des trois productions présentées, alors que n'importe quel amateur un peu informé sait que ces très vieilles productions (Eugène Onéguine date de 1997, Le Vaisseau fantôme, donné à l'Opéra pour la première fois en 2000, était l'achat d'une production plus ancienne encore) n'ont plus rien à voir avec Decker, qui a bien d'autres choses à faire et n'a jamais été invité à l'Opéra pour les remonter.
Il Trittico : Suor Angelica ( Photo Marco Brescia, Teatro alla Scala)

lundi 20 septembre 2010

Cecilia Bartoli à Salzbourg

Cette fois, c'est officiel : Cecilia Bartoli prend la direction du Festival de Pentecôte à Salzbourg à partir de 2012.

Ce festival, qui dépend du festival d'été, était dirigé jusque là par Riccardo Muti. On avait pu voir à l'Opéra Garnier une production qui en provenait, Demofoonte de Jommelli, un des spectacles les plus ennuyeux - scéniquement et musicalement - jamais donnés à Paris. Le festival de Pentecôte est l'ancien Festival baroque de Salzbourg ; Jürgen Flimm, directeur du festival de 2007 à 2010, a cru bon de le confier à l'ennemi juré du baroque, celui qui comme les royalistes parlant de la Révolution Française aurait pu prendre pour mot d'ordre à propos du baroque "Rien compris, rien appris", le mot d'ordre des réactionnaires qui jugent qu'essayer de comprendre, c'est déjà capituler.

Choisir Cecilia Bartoli, c'est donc d'abord revenir sinon intégralement au baroque (cf. son album récent de musique romantique), du moins revenir à une approche plus stimulante que les marbres glacés de Muti. Ce n'est en revanche pas forcément un choix très audacieux pour ce qui concerne les mises en scène : Bartoli a beaucoup chanté dans des productions propres sur elles, du type de celles de Cesare Lievi, un metteur en scène aimé aussi de Muti. Mais ce n'est en rien étonnant : le directeur du Festival qui vient de choisir Mlle Bartoli n'est autre qu'Alexander Pereira, en poste à Salzbourg à partir de septembre 2011 ; actuellement directeur de l'Opéra de Zurich, une des rares maisons où Mlle Bartoli a daigné faire de l'opéra en version scénique ces dernières années.

Il a d'ailleurs été également annoncé que la production annuelle de Pentecôte serait reprise lors du festival d'été, pour environ 5 représentations, ce qui est toujours une stratégie commerciale douteuse : qui, dans ces conditions, fera le voyage à la Pentecôte ?

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Ô surprise : de la musique !

Ce n'est pas un plaisir qu'on a tous les jours : hier, je suis entré dans une sympathique église gothique ouverte pour les Journées du Patrimoine. À l'entrée, on me tend un petit fascicule, que je prends en remerciant poliment. Qu'était-ce donc que ce petit fascicule ?
L'église Saint-Maximin de Metz (photo du blog La Lorraine se dévoile)

mardi 14 septembre 2010

Car la critique a aussi du cœur

Tout d'abord, laissez-moi vous raconter une petite histoire.
C'était à Salzbourg, il y a à peine plus d'un mois (ça faisait longtemps que je ne vous avais pas parlé de Salzbourg). Ce soir-là, l'excellent pianiste András Schiff offrait au public salzbourgeois, à la fois nombreux et enthousiaste, un copieux programme Schumann/Beethoven. Juste avant que le concert ne commence, entre un couple sur le côté du balcon du Großes Festspielhaus un très vieux couple. On est habitué, à Salzbourg comme partout dans le monde musical, à voir un public pas tout jeune, mais ceux-là dépassaient nos attentes : aucun des deux n'était particulièrement ingambe, mais Monsieur avait un déambulateur, et si Madame occupait un siège ordinaire, Monsieur avait réservé une place de fauteuil roulant, qu'il n'avait pas : je vous laisse imaginer avec combien de précautions les ouvreurs l'installèrent sur le plan médian du déambulateur.

mardi 7 septembre 2010

Le crépuscule des idoles, ou comment s'en débarrasser

Quoi de neuf à l'opéra ? Eh bien... Placido Domingo, Ruggero Raimondi, Edita Gruberova... Et c'est tout ? Ah non, j'oubliais : Alain Duault, bien sûr ! Que de fraîcheur, que d'audace, que de dynamisme !


Vous l'avez deviné : je vais vous parler du récent Rigoletto produit par la RAI et diffusé ce week-end en mondiovision. Et vous l'avez sans doute aussi deviné : je ne l'ai pas vu, ce qui est notoirement la meilleure qualification possible pour en parler. Le Dieu auquel on rend un culte dans ce projet, ce n'est pas un compositeur, c'est un chanteur, l'omniprésent Placido Domingo. Bien sûr, il ne faudrait pas dire que s'il se met à aborder des rôles de baryton (Boccanegra récemment, ici Rigoletto - mais sans public !), c'est parce que sa voix est à l'agonie : non, il faut conserver le mythe de l'indestructible Placido. Son statut dominant dans le monde lyrique, il le doit certainement à beaucoup de qualités réelles, mais il le doit surtout à sa participation à l'une des plus lamentables entreprises de dévoiement culturel, les fameux Trois ténors. Sans doute, ce n'était pas pire que les bêtises de Roberto Alagna (Luis Mariano ou les "créations" de ses frères), ou l'album Mexico de Rolando Villazon (qui a lui aussi de bonnes raisons de faire oublier l'état de sa voix lyrique). Mais il ne faut pas non plus se laisser aveugler : sans cette aventure commerciale, sa notoriété ne serait pas ce qu'elle est (on peut comparer avec Jonas Kaufmann, qui n'a certes pas le même répertoire, mais a un talent et une intelligence audible incomparable, avec pourtant une notoriété bien moindre).

Dans le domaine de la mode, une marque continue au-delà de la mort de son créateur ; dans le domaine de l'opéra, on ne peut pas pérenniser une marque quand la voix n'est plus là : ainsi s'explique la pathétique survie médiatique de Domingo, comme celle de Ruggero Raimondi ou, dans un tout autre style, celle d'Edita Gruberova, accueillie récemment en triomphe lors d'un invraisemblable récital parisien.

 Je l'avoue : aucun de ces trois chanteurs ne m'a jamais beaucoup intéressé, sur scène comme en conserve. Mais ce n'est rien à côté de ce qu'ils sont devenus. J'ai écouté l'un des nombreux Simon Boccanegra donnés par Domingo ces derniers mois, et j'ai écouté avec plus encore d'intérêt et de stupéfaction le concert de louanges que n'ont pas manqué d'entonner ses thuriféraires : je peux comprendre qu'on privilégie l'émotion à la justesse, mais il y a des limites, surtout quand en plus j'ai bien du mal à détecter la moindre émotion, sinon celle que donnent les ruines au touriste consciencieux. Le contraste entre ces aboiements mal maîtrisés et le chant immensément cultivé, intelligent et sensible de sa partenaire Anja Harteros n'aurait pu être plus grand.

Il en va de même pour les deux autres chanteurs cités : si la carrière de Raimondi est en dents de scie depuis un bon moment, celle d'Edita Gruberova est florissante dans les quelques villes qui veulent bien d'elles, et j'ai bien assez à mon goût été témoin du culte que lui vouent les "mélomanes" de Munich. Un journal autrichien a même parlé d'école de style à propos de sa récente Norma salzbourgeoise. Oui mais voilà, elle aussi est une grande spécialiste des compromis avec la justesse, des vocalises savonnées, des attaques basses (tiens, les attaques basses : j'aurais pu évoquer aussi un autre monument effrité, une certaine Jessye Norman...). Un tel culte n'a plus rien à voir avec l'amour de la musique, beaucoup plus avec les phénomènes qui entourent des stars aussi profondes que Claude François ou Michael Jackson : l'important, ce n'est pas (plus) ce qu'on entend.
Rigoletto a Mantova
Avec la Rai, la vulgarité est toujours gagnante : un opéra très bête, des vieilles stars, des vieilles pierres, et on croit faire de l'art...

Certains lecteurs au cœur large se demanderont peut-être pourquoi je prends tant de peine à dire du mal de ces braves gens : en soi, c'est vrai, ils ne me gênent pas plus que je ne sais quelle starlette d'aujourd'hui, ou que l'élection à l'Académie Française de grands intellectuels comme Jean-Loup Dabadie ou Valéry Giscard d'Estaing. Ce qui me gêne en revanche beaucoup, c'est d'abord l'image lamentable et fausse que de tels spectacles, que la télévision française devrait mépriser, donnent de l'opéra, en reproduisant les clichés les plus datés. Qui n'aurait vu en matière d'opéra que la Mireille de Nicolas Joel, les retransmissions régulières du Festival d'Orange et ce Rigoletto aurait bien des raisons de penser que ce n'est qu'une histoire de vieilles barbes dans des décors et costumes poussiéreux, qu'à l'opéra les histoires sont de toute façon idiotes et que le chant lyrique a quelque chose du beuglement d'un quelconque bétail enroué.

Et puis, quelle tristesse de voir de tels monuments décatis cacher les cohortes innombrables d'interprètes ô combien plus passionnants qu'ils ne l'ont jamais été. Ce n'est pas du jeunisme : quand Franz Mazura, à 80 ans, chantait encore Schigolch (dans Lulu de Berg), c'était bouleversant, superbe, étincelant d'intelligence. La question n'est pas l'âge, mais l'intelligence, la musicalité, l'intelligibilité, et quand même un petit peu l'état de la voix. De tous ces points de vue, et pour qu'on ne m'accuse pas de ne rien aimer parce que je dis du mal de 4 (quatre !) chanteurs, voici quelques noms de chanteurs en activité très supérieurs à tous les Norman, Gruberova, Domingo ou Raimondi du monde :

Sandrine Piau, Juliane Banse, Ian Bostridge, Elina Garanca, Jonas Kaufmann, Waltraud Meier, Angela Denoke, Dorothea Röschmann, Christoph Prégardien, Magdalena Kozena, Anja Harteros, Lawrence Zazzo, Anne-Sofie von Otter, Stéphane Degout, Charlotte Hellekant, Luca Pisaroni, Christine Schäfer, Mireille Delunsch, John Tomlinson, Rosemary Joshua, Christian Gerhaher, Gérard Lesne, Silvia Tro Santafé, Toby Spence, Topy Lehtipuu, Nikolai Schukoff, Mariusz Kwiecien, Diana Damrau, Michael Volle, Evgeny Nikitin, Malena Ernman, René Pape, Anatoli Kotscherga, Genia Kühmeier, Nina Stemme, Piotr Beczala, et caetera, et caetera,et caetera,et caetera,et caetera...

J'espère que ça vous suffira...

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vendredi 3 septembre 2010

L'opéra est-il une république bananière ?

95 % ? 96 % 97, 98, 99, 100 %, bientôt 101, 102, 103 % : jusqu'où ira-t-on ?

Vous l'avez remarqué, j'imagine : chaque fois qu'une maison d'opéra ou un festival de premier plan font le bilan de leurs saisons, les taux de remplissage des salles qu'ils affichent fièrement ont toujours, ces dernières années, des allures de résultats électoraux façon bloc soviétique. On se bat aujourd'hui pour afficher un pour cent de plus que l'an passé, bientôt, à moins de franchir la barre des 100 %, on se battra pour des dixièmes.

Bien sûr, il y a un côté positif là-dedans : mieux vaut, c'est évident, que les salles soient pleines ; mieux vaut que les subventions publiques, là où elles existent, soient utilisées pour des spectateurs que pour des salles vides. Après tout, le temps où l'opéra était le comble du ringard, le divertissement des bourgeois les plus flétris, le refuge des bien-pensants n'est pas si loin, et il ne faut pas oublier que si l'Opéra de Paris, au début des années 70, ou le festival de Salzbourg vingt ans plus tard sont tombés dans les mains de ces dangereux révolutionnaires qu'étaient Rolf Liebermann et Gerard Mortier, c'est qu'ils étaient à l'article de la mort et que leurs tutelles ne savaient plus à quels saints se vouer : les crises du passé pourraient revenir. Que les salles d'opéra soient aujourd'hui pleines, c'est une bonne chose, bien sûr. Mais ce n'est pas qu'une bonne chose. Le patient a les joues bien pleines et bien roses, mais des examens complémentaires s'imposent.

lundi 30 août 2010

Salzbourg 2010, suite et fin

Avant de vous laisser tranquille avec Salzbourg, et en attendant la publication du programme complet en novembre, quelques petites remarques diverses pour finir.

I. Quand, même, un tout petit peu de théâtre
Je ne vais pas m'étendre sur Angst (La Peur) d'après Stefan Zweig, mis en scène par Jossi Wieler : très beau spectacle soutenu par des acteurs exceptionnels. J'aurais voulu vous montrer une image du magnifique décor d'Anja Rabes, qui entretenait des liens très subtils et très intéressants avec la pièce : hélas, le Festival ne nous fournit pas de photos permettant de voir l'ensemble du décor (c'est d'ailleurs souvent le cas, comme si seules les stars de la scène ou du chant méritaient d'être vues.  Vous n'aurez donc qu'une photo beaucoup plus neutre, avec la merveilleuse actrice hollandaise Elsie de Brauw ; ça aura au moins le mérite de rappeler que Salzbourg, c'est aussi du théâtre...


Il y a d'ailleurs un sous-festival de jeunes compagnies du monde entier, le Young Directors Project, qui a ceci d'intéressant pour les non-germanistes que les pièces sont données avec des sous-titres allemands et anglais. Je n'ai rien vu cette année, mais la pièce qui a gagné le concours afférent est française : il s'agit de Notre terreur par la compagnie D'Ores Et Déjà autour du metteur en scène Sylvain Creuzevault. La pièce sera reprise au Théâtre de la Colline à Paris en septembre : je rattraperai l'occasion manquée...

II. Vivre à Salzbourg : luxe, calme et chambres d'hôte

jeudi 26 août 2010

Salzbourg 2010 : les concerts (2)

III. Musique de chambre à tous les étages : Brahms et les autres

Markus Hinterhäuser est un malin : la musique de chambre, ça ne vend pas, c'est bien connu ; donc, pour en mettre quand même le plus possible dans son programme de concert, il a inventé la série Szenen, consacrée chaque année à un compositeur de l'époque romantique (Schumann-Szenen, Liszt-Szenen...), mais l'éclairant de tous les côtés, du baroque au contemporain. Cette année, c'est Brahms qui est à l'honneur : je ne vais détailler les nombreux concerts proposer, seulement signaler quelques coups de coeur :

mercredi 25 août 2010

Protestation

Actuellement, le président de la République française et son gouvernement mènent des opérations infâmes, contraires aux droits de l'homme et condamnés par des hommes et des femmes de tous les horizons sociaux, de toutes les sensibilités politiques et religieuses et de tous les pays du monde. Justifier les infractions aux droits de l'homme, dont le développement dans ce pays est discret mais constant depuis 2002, par un souci d'efficacité dans la lutte contre la criminalité, c'est la définition même de la barbarie. Quand en outre les victimes de ces exactions sont pour la très grande majorité innocents des actes dont on les accuse collectivement, et quand ceux qui les ordonnent connaissent cette innocence mais instrumentalisent les peurs animales de leurs concitoyens, ces exactions deviennent impardonnables.

La suite des critiques salzbourgeoises va venir très vite, mais je tenais à joindre ma protestation à celles déjà exprimées.

lundi 23 août 2010

Salzbourg 2010 : les concerts (1)

J'ai parlé dans le message précédent de Salzbourg côté opéra, en sachant bien que c'est en général tout ce qu'en retiennent les Français, en parfaite conformité d'ailleurs avec les mondains. Mais Salzbourg, ce n'est pas qu'un festival d'opéra, je dirais même que c'est en minorité un festival d'opéra : il y aussi du théâtre (je n'ai vu qu'une pièce, mais remarquable, j'en parlerai plus tard), et il y a surtout plus de cinquante programmes de concerts différents : ce n'est pas les Proms (qui durent plus longtemps, d'ailleurs), mais on n'en est pas si loin dans l'étendue de l'offre proposée. Orchestre, musique de chambre, récitals, tout y est, à l'exception regrettable du baroque. Suivez le guide...

vendredi 20 août 2010

Salzbourg 2010 : les opéras

Jürgen Flimm, au cours des quatre années peu enthousiasmantes de son mandat-éclair à la tête du plus grand festival du monde, n'a pas tout raté : en 2008, il avait présenté une magnifique Rusalka mise en scène par Jossi Wieler et tout aussi réussie musicalement que scéniquement, et l'Eugène Onéguine (Daniel Barenboim/Andrea Breth) qui avait ouvert son mandat en 2007 était paraît-il une belle réussite (mais je ne l'avais pas vue et n'ai pas non plus vu le DVD). En 2010, désolé : si je n'avais pas envie que vous continuiez à lire cet article, je dirais qu'il n'y a rien à voir.

D'ailleurs, c'est un peu injuste : d'abord parce que la création de Wolfgang Rihm Dionysos, handicapée par une mise en scène plate (eh oui, Pierre Audi...), valait vraiment qu'on y laisse traîner une oreille (j'en ai parlé longuement là). Ensuite parce que le spectacle le plus attendu des mélomanes peut difficilement être qualifié d'échec.

C'est de Lulu que je veux parler : sous la direction de Marc Albrecht, c'est Vera Nemirova qui mettait en scène avec des décors du peintre Daniel Richter. Le facteur glamour, indispensable à Salzbourg pour de l'opéra, était fourni par Patricia Petibon : disons-le franchement, je n'en attendais pas grand-chose, et ce que j'ai entendu ne m'a pas du tout convaincu. Bien sûr, à chaque fois qu'une chanteuse ose affronter Lulu, pour peu qu'en plus elle ait le jeu de jambes adéquat, on crie au miracle : ce qui fut fait pour Mademoiselle Petibon. Maintenant, si on a le malheur de s'intéresser un peu à la partition, les choses changent : ce qui frappe, c'est surtout qu'elle chante tout le spectacle ou presque dans un état de crispation qui montre avant tout que le rôle n'est pas du tout acquis. Les quelques pitreries qui sont sa marque de fabrique n'y changent rien, d'autant plus qu'elles la conduisent souvent à en oublier la partition - quant à l'accent français parfois très prononcé, il est peut-être charmant aux yeux des germanophones, mais il me gêne beaucoup.
Je vous épargne le reste : un fragment du seul décor correct. © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus


mardi 17 août 2010

Salzbourg 2011 : l'opéra

Oh certes, j'ai souvent dit que l'opéra, à Salzbourg, ce n'était pas l'essentiel, et croyez-moi, ce n'est pas l'édition 2010 qui m'aura fait changer d'avis (mais oui, j'en reparlerai !). Cela dit, comme un blog allemand bien informé a la bonne idée de donner des informations un peu plus détaillées que celles dont on disposait jusqu'alors pour l'édition 2011, je m'en vais un peu vous commenter lesdites informations...

Commençons, comme il se doit, par les informations sans intérêt :
-À Salzbourg, on ne joue pas les opéras de Mozart parce qu'on pense qu'ils sont intéressants, mais parce que c'est rentable : Claus Guth aura donc l'insigne honneur de reprendre son cycle Da Ponte - Les Noces de Figaro créées en 2006 et déjà reprises en 2007 et 2009 (!), très bon spectacle dans un genre "contemporain modéré" ; Don Giovanni, créé en 2008 et redonné cette année, médiocre et agité ; Così fan tutte, créé en 2009, dont Guth lui-même a reconnu l'échec, mais qu'il va essayer de sauver par une nouvelle mouture (tous sont disponibles en DVD, Les Noces depuis longtemps, les deux autres depuis cet été). L'élément le plus intéressant, ce sont les chefs : je parlerai plus tard de Yannick Nézet-Séguin, jeune chef canadien qui a dirigé cette année Don Giovanni ; les deux autres noms sont plus intéressants : Robin Ticciati, jeune chef prometteur qu'on avait pu entendre en Mozart-Matinee en 2009 ; et surtout une vieille connaissance, Marc Minkowski. En soi, ce dernier nom n'a rien de surprenant : depuis Mortier, c'est un habitué du festival, un des rares Français à y faire carrière, et ce avec pas mal de succès à son actif. MAIS... jusqu'à présent, le Philharmonique de Vienne avait gardé le monopole de ces opéras à Salzbourg, or une confrontation Minkowski/Vienne semble totalement irréaliste (à cause de la fermeture d'esprit des Viennois, je tiens à le dire tout de suite). DONC : bonne surprise, un Mozart débarrassé de la pesanteur de cet orchestre (cf. critique de Don Giovanni à suivre...).

-On le savait depuis longtemps : le pudding indigeste de Hofmannsthal et Strauss intitulé La femme sans ombre fait son retour au festival. On peut garantir que la recette originale n'y sera pas allégée : c'est Christian Thielemann qui dirigera, et le très chic et très vide Christof Loy mettra en scène.

-Mais le sommet du conservatisme est évidemment atteint par le Muti annuel. Au moins, Riccardo Muti ne massacrera pas comme il a l'habitude des œuvres qu'il ne comprend pas, comme Orphée et Eurydice de Gluck cette année. Ce sera Macbeth de Verdi, une oeuvre pas spécialement salzbourgeoise mais qui est au coeur du répertoire de Muti. Mise en scène du chef de fil des réactionnaires du théâtre allemand, Peter Stein.

Venons-en maintenant à LA production intéressante, mais alors, pour le coup, vraiment intéressante, tellement que j'éprouve le besoin d'entretenir le suspense le temps que vous cliquiez :

dimanche 15 août 2010

Dionysos à Salzbourg en quête d'images

On va reparler ici de Salzbourg en détail : en attendant, voici une première - longue - critique de l'évènement du festival en matière d'opéra, première création mondiale depuis 2006...

Dionysos encore : quarante-quatre ans après avoir créé Les Bassarides de Henze, qui restent sans doute la plus inoubliable des créations lyriques du festival, Salzbourg s’ouvre une fois encore à la présence mystérieuse du dieu grec, à travers la figure du plus enthousiaste de ses adorateurs modernes : c’est en effet Nietzsche qui est au centre du nouvel opéra de Wolfgang Rihm, qui partage avec Henze sa position d’indépendance au sein de la scène musicale contemporaine.





J. M. Kränzle, M. Erdmann



La première scène est éblouissante, sans doute une des plus belles scènes d’opéra de ces vingt dernières années : N., qui est aussi bien Nietzsche qu’un fantasme d’homme nietzschéen, est tenté par deux nymphes sans pouvoir, par sa propre faute, entrer en communication avec elles, même quand l’une se révèle être Ariane – qu’un étranger n’aura alors nulle peine à lui enlever. On entre ainsi dans l’Or du Rhin pour arriver à l’univers de toutes les Arianes lyriques, et les trois dauphins qui se moquent de l’homme impuissant sont tout à la fois les nymphes de l’opéra de Strauss, les Filles du Rhin et les trois dames de la Flûte enchantée, un opéra que Rihm reconnaît comme modèle non pas pour son caractère initiatique, mais pour son caractère composite.

dimanche 8 août 2010

Admirations (9) : Johan Simons

Un orateur attique, Isocrate si mes souvenirs sont bons, voulant faire montre de son habileté oratoire, avait choisi de composer un discours défendant l’indéfendable, et il avait ainsi fait l’éloge d’Hélène, la pas innocente origine de la guerre de Troie. Faire l’éloge de Johan Simons pour des lecteurs français et largement parisiens, c’est un peu le même genre de cause perdue ; et pourtant je ne connais guère d’autres artistes, dans le domaine du spectacle vivant, qui mérite moins la réputation qui lui est faite.

Johan Simons, c’est ce metteur en scène hollandais déjà sexagénaire qui, après avoir été pendant longtemps à la tête de groupes théâtraux de son pays, va prendre la tête du plus contemporain des théâtres de Munich ; pour ce qui concerne la France, il a fait parler de lui surtout à l’occasion des deux mises en scène d’opéra que lui a commandées Gerard Mortier, Simon Boccanegra de Verdi (qui avait bénéficié d’une diffusion en direct sur Arte) et Fidelio de Beethoven. Mais on a pu voir aussi ces dernières années quelques spectacles théâtraux à Paris, un Casimir et Caroline en particulier : venu d’Avignon où il avait fait scandale, il avait reçu une réception tiède à Nanterre où j’avais été le voir, ce qui ne l’a pas empêcher de triompher dans sa version allemande quelques mois plus tard.

Disons-le tout net : s’il y a un problème entre Johan Simons et le public français, c’est bien du côté du public qu’est le problème, pas du côté du metteur en scène. J’ai toujours dit que le public avait des excuses, vu la médiocrité sidérante de ce qui lui est proposé par les institutions indigènes (ai-je déjà dit ici à quel point Les Trois sœurs de Tchékhov montées à la Comédie-Française par Alain Françon, dans une production sensément inspirée de Stanislavski, me paraît – plus qu’un simple ratage – une véritable déroute de la pensée ?).

J’avais vu Boccanegra à la fin de la première série ; j’avais donc pu « bénéficier » avant de le voir des tombereaux d’insultes et de sarcasmes déversés par une bonne partie de la presse et par les forums. Je n’en étais pas sorti enthousiasmé, mais tout même plus qu’interrogatif sur la violence suscitée par un spectacle qui me semblait au minimum digne et intéressant – il est toujours difficile de pénétrer du premier coup dans des univers étrangers.

Hiob d'après Joseph Roth : l'acteur André Jung

L’intuition était bonne : ma curiosité une fois éveillée m’a conduit aux Kammerspiele à Munich, le théâtre qu’il va diriger dès la saison prochaine, pour voir Hiob, adaptation d’un roman de Joseph Roth*. Cette fois, foin de curiosité, d’intuition, d’interrogations : certes, le roman est bouleversant par lui-même, mais l'émotion qui naît de ce spectacle n'est pas qu'un sous-produit de celle du texte. Les moyens de Simons sont tout sauf spectaculaires : une direction d'acteurs réglée avec grand soin, des décors allusifs qui accompagnent l'action sans jamais prétendre empiéter sur elle ou monopoliser l'attention du spectateur. En voyant entrer André Jung qui joue le rôle principal, ce pauvre juif d'Europe de l'Est que les malheurs vont conduire à l'abîme avant que le salut ne vienne au moment le plus imprévu, on se dit qu'on n'a certainement pas envie de passer deux heures avec ce type rébarbatif sous sa grosse toque noire et ses grosses lunettes. Une heure après, un seul regard dans le silence suffit à crucifier le spectateur chaviré.

L'art de Simons est un art d'extrême concentration, un art du silence, un art où le geste compte plus que la parole. Rien d'étonnant donc qu'il puisse glisser sur un public d'opéra, et même sur la frange la plus moderniste de celui-ci : Simons n'est pas de ceux qui proposent de brillantes réinterprétations comme Tcherniakov, ni des virtuoses de la transposition, ni des rois de la scénographie : c'est un artiste de l'empathie, un de ceux qui creusent l'émotion en profondeur, jusqu'au coeur de notre souffrance. Parmi les grands metteurs en scène d'aujourd'hui, c'est peut-être de Marthaler que son art se rapproche le plus, le Marthaler de La Traviata plus que le Marthaler ironique et mélancolique des pièces qu'il monte de A à Z ; mais avec une dimension douloureuse, intense, profondément intime.

Vraiment, chers amis français, à défaut de pouvoir revoir les spectacles dont je viens de parler, je voudrais vous demander deux choses :
1) Particulièrement aux amateurs de mises en scène contemporaines, mais aussi aux autres : suspendez votre jugement jusqu'à ce que vous puissiez revoir une mise en scène de Simons, et si vous n'avez pas apprécié les deux productions parisiennes, oubliez-les pour le moment ;
2) Regardez ce formidable DVD dont j'ai déjà parlé, L'enlèvement au sérail de Mozart mis en scène par Simons à Amsterdam (Opus Arte), où Simons fait naître la comédie la plus drôle et la plus émouvante de cette même intensité, de cette même réduction gestuelle que j'aime dans ses travaux plus tragiques. Et reparlez-moi de Simons quand vous l'aurez vu.

*Un traducteur mal embouché, au lieu de le laisser en français sous son titre original – Job, donc, du nom du personnage biblique – a cru bon de l’affliger d’un titre français déplorable, La pesanteur de la grâce. Le roman n’en reste pas moins une des choses les plus belles que j’aie lu ces dernières années : recommandation très chaleureuse donc, en allemand pour ceux qui peuvent –niveau de langue encore assez accessible.


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samedi 31 juillet 2010

Musiques en ligne

Un message d'attente pour ceux qui ne peuvent se passer de ce blog plus d'une semaine (comme je les comprends) : les indispensables vidéos d'Arte live web, disponibles sans doute au moins quelques jours encore, un peu plus j'espère...

D'abord, Aix-en-Provence : l'événement de l'été, tout le monde en a parlé, c'est le Don Giovanni mis en scène par Dmitri Tcherniakov, révélé à Paris par Gerard Mortier : il a choisi une perspective très individuelle, qui vampirise sans complexe l'œuvre choisie, et ce avec un talent fou, une cohérence remarquable, et un sens du moment théâtral remarquable. Si cette production, avec tous ses présupposés, ne vous apprend rien sur Don Giovanni, c'est que vous ne comprenez de toute façon rien à cette œuvre.


Toujours Aix, mais je n'ai pas vu : les œuvres de Stravinsky présentées en coproduction avec Lyon (octobre 2010) sont des chefs-d'œuvre tellement plus intéressants que les bêtises du grand répertoire lyrique qu'il ne faudrait surtout pas manquer cette production confiée au magicien Robert Lepage...


Avignon enfin, avec un spectacle de Christoph Marthaler, que je n'ai également pas encore eu le temps de voir ; les critiques ont été timorées, mais que valent les critiques ? Et puis je reste persuadé qu'il y a toujours cent fois plus à apprendre d'un Marthaler moyen que de bien des spectacles réussis de nos stars françaises (Alain Françon et ses Trois soeurs empoussiérées de la Comédie-Française, un des pires spectacles de théâtre récents.


Un peu de musique pour finir : on n'entendra jamais assez de lieder dans ce bas monde où seul le bel canto et la grande machine symphonique semblent attirer les foules... Sylvia Schwartz, Anne-Sofie von Otter, Christoph Prégardien, rien de moins...


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samedi 24 juillet 2010

Admirations (8) : Gerard Mortier

Est-ce déjà la nostalgie ? Un aimable lecteur avait été intrigué il y a peu par un message ancien où je disais de Gerard Mortier qu'il était plus moderne en paroles qu'en action. Le temps a passé depuis, à tel point d'ailleurs que je n'ai pas retrouvé le message auquel il était fait allusion (mais j'ai bien pu écrire quelque chose comme ça), et il me reste tellement d'images fortes de ces cinq années que le moment me paraît opportun pour revenir un peu sur ces années de mandat.

Simon Boccanegra mis en scène par Johan Simons

Tout, sous Mortier, ne m'a pas plu. D'abord parce que je me suis trompé : je ne vous mets pas les liens parce que ce serait trop facile, mais j'ai commencé par dire du mal sur des artistes comme Christoph Marthaler (dont la Katja Kabanova, par laquelle je l'ai connu, n'est toujours pas le spectacle le plus convaincant que je connaisse de lui) ou Krzysztof Warlikowski, parce qu'ils venaient d'un autre monde théâtral à côté duquel les productions même les plus modernes de l'époque Gall ou du Châtelet font pâle figure.
Ensuite, parce qu'il s'est trompé : l'idée de faire parader les productions les plus réussies de ses mandats précédents n'a guère été couronnée de succès, à la fois parce que certaines avaient déjà vieilli et parce que beaucoup ont été présentées sous forme de reprises bâclées qui ne leur rendaient pas justice. D'où, sans doute, l'impression d'un blocage temporel, d'une modernité d'hier auquel je faisais référence. De tous ces spectacles, je n'ai finalement pas gardé d'autre grand souvenir que Les Troyens, production réellement majeure d'Herbert Wernicke. Le tout étant aggravé par une communication particulièrement agaçante, à la fois très maîtrisée et pleine d'incohérences.

samedi 17 juillet 2010

Culture de gauche, culture de droite

C'est l'été, l'actualité musicale est limitée, on a déjà fait le bilan de la triste année inaugurale du tandem Nicolas Joel/Philippe Jordan à l'Opéra de Paris, que peut-on bien faire ?

Eh bien, par exemple, s'amuser un peu sur les conceptions différentes de la culture entre gauche et droite. Voilà donc une série d'oppositions, que je vous laisse interpréter à votre guise (ce serait trop simple si je disais pourquoi), à prendre cum grano salis...
Comment ça, vous avez l'impression que les choses à gauche ont l'air plus sympathiques ?


Gauche
Droite
Boulez
Dutilleux
Mortier
Joel
Prééminence de l’œuvre
Prééminence des interprètes
Musique de chambre
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samedi 10 juillet 2010

L'art de la catastrophe

Vieilles lunes : au moment où Nicolas Joel va fêter la fin d'une première saison particulièrement déplorable, il me paraît bon de rappeler aux bons souvenirs des lecteurs de ce blog quelques-unes des catastrophes les plus mémorables dans l'histoire récente de l'Opéra de Paris. Une catastrophe, c'est ce moment où tout le monde a honte de ce qu'il voit, où personne sur scène ne semble vraiment croire à ce qu'il fait, où on est trop accablé pour huer. Je parle ici essentiellement de mise en scène : on va voir que, comme par hasard, l'odeur de catastrophe a volontiers tendance à contaminer aussi la musique. Dans la plupart des cas, j'ai eu la "chance" d'assister moi-même aux spectacles concernés, parfois à la première (les dates sont toujours celles de la première)...

NB que la sélection n'est pas faite uniquement en fonction de mes goûts : puisque j'ai essayé de lister les productions qui ont unanimement fait un flop, cela veut dire nécessairement que je ne les ai pas aimées moi non plus, mais je n'aurais pas eu de mal à faire quelques ajouts si j'avais jugé seulement selon mes goûts...

samedi 3 juillet 2010

Nicolas Joel, (dépôt de) bilan

"C'est une question de goûts. J'ai les miens, certains en ont d'autres. Et puis la mise en scène ne fait pas tout : il faut aussi se préoccuper de ce que l'on entend."
Nicolas Joel, Le Monde, 18 mars 2010

Pour décrire la profondeur de la pensée artistique de Nicolas Joel, il faut recourir à Pelléas et Mélisande (citation contre citation...) : "Voyez-vous le gouffre, Pelléas ? Pelléas ? - Oui, je crois que je vois le fond du gouffre".

Mais foin de mauvais esprit, obéissons avec joie aux pensées du guide suprême et, par conséquent, préoccupons-nous de ce que l'on entend.
Quand on me parle de ce que j'entends, à l'opéra, j'ai toujours la grande faiblesse de penser d'abord aux oeuvres, à ce que le compositeur et son librettiste ont écrit, les chanteurs et les chefs viennent après. C'est sans doute indécent et idiot, mais c'est comme ça. Bien sûr, aucun directeur d'opéra ne peut renoncer à faire du cash avec des œuvres certes limitées, mais qui ont au moins le mérite d'attirer un certain public, toutes ces Tosca, Rigoletto ou autres : ce n'est donc pas la énième reprise de la misérable production de Tosca (Werner Schroeter), que Mortier avait également exploité sans pitié pour boucler les fins de mois.

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