dimanche 31 octobre 2010

Munich, portrait culturel (2) : L'offre musicale

Munich, combien d'orchestres ? Deux, trois, cinq, sept ? On n'en finit plus de les compter, mais seuls trois sont essentiels. Trois orchestres de niveau international dans une ville comme Munich, c'est il est vrai déjà remarquable, peut-être unique au monde - dommage, alors, que tous les trois aient quelques soucis concernant leur direction. J'ai déjà parlé du cas du Bayerisches Staatsorchester, autrement dit Orchestre national de Bavière, autrement dit orchestre de l'Opéra (le seul, le vrai) : j'ajouterai simplement qu'il suffit de voir comment cet orchestre joue vraiment les représentations de ballet pour comprendre toute la différence avec l'Orchestre de l'Opéra de Paris.


Parmi ces trois orchestres, les Münchner Philharmoniker sont le seul à être municipal et non national. On a beaucoup parlé de la décision de la ville de ne pas renouveler le contrat de Christian Thielemann, et les musiciens de l'orchestre ont été traités de tous les noms par les mélomanes munichois, et même hués par le public : la manière dont Thielemann a justifié son "renvoi" en accusant les musiciens d'en être la cause a eu son efficacité, il n'empêche que c'était une bonne décision, tant les conceptions musicales de Thielemann sont mortifères (bonne chance à Dresde !). En revanche, la décision de confier l'orchestre, pour trois ans, à Lorin Maazel, est inqualifiable : ce n'est pas tant qu'"il sourit comme un crocodile, et il dirige aussi comme un crocodile", comme le dit son génial collègue Michael Gielen - c'est surtout que cela donne l'impression d'avoir acheté un nom sans trop se préoccuper du contenu : un chef en fin de carrière, sans élan, sans imagination, et capable de tomber dans des abîmes de vulgarité incroyables. Attendons 2014.

Le troisième orchestre, c'est bien sûr l'orchestre symphonique de la Radio bavaroise, dont le nom n'est pas beaucoup plus glamour que le site internet, mais sur lequel les louanges n'en pleuvent pas moins. Pour le coup, la lune de miel avec son directeur musical continue comme au premier jour : mais il est vrai qu'il s'agit de Mariss Jansons, dont je ne me lasse jamais de tout ce qu'il peut apporter sur les œuvres, cette chaleur humaine, cette volonté de parler au public par la musique, cette humilité devant chaque pièce...
S'il fallait le critiquer, je ne vois guère que sa frilosité face à la musique contemporaine à lui reprocher, d'autant plus que l'orchestre a des missions dans ce domaine (il anime presque depuis sa naissance la série Musica Viva, un des rares lieux où la musique d'aujourd'hui a sa place à Munich). Mais j'avais parlé de problèmes concernant la direction des trois orchestres : ici, ce n'est donc pas l'identité du chef qui pose problème, c'est son état de santé, qui l'a conduit à annuler toute une série de concerts depuis le printemps. Je trouve parfois que Munich ne se rend pas assez compte, en partie à cause du culte de Thielemann, du trésor qu'elle a à demeure avec cet orchestre et son chef (et ses chefs invités : cet automne Haitink, Chailly, Harding, Rattle...) ; au moins le public parisien, qui vient toujours plus nombreux à leurs concerts parisiens, l'a-t-il quant à lui compris...

Mais, on s'en doute, les orchestres ne constituent qu'une partie de l'offre musicale de Munich. Pour qui arrive de Paris (ou même de Berlin ou de Vienne), le panorama est un peu déconcertant. Inutile de chercher quelque chose qui correspondent aux sites internet de la Salle Pleyel, de la Philharmonie ou du Konzerthaus :  il n'y a rien de commun, et il va falloir affronter les sites des producteurs privés pour trouver votre bonheur. Oui, les producteurs privés, équivalents des Jeanine Roze, Philippe Maillard ou du peu aimable Piano**** : à Paris, leur pouvoir de nuisance est limité par le fait que leur offre est largement regroupée par les salles de concert ; à Munich, c'est un peu le cas pour la Philharmonie, dont on peut trouver la programmation sur le site du complexe culturel à laquelle elle appartient, mais au milieu d'un océan de manifestations sans rapport ; mais la plus chargée d'histoire des salles munichoises, la Herkulessaal de la Résidence, n'a pas même de site internet.
La Philharmonie : une bonne tête, non ? Mais ne vous y fiez pas...
Il existe cependant un site qui regroupe une bonne partie de l'offre et qui peut être un point de départ pas si mauvais pour trouver son bonheur, la billetterie MünchenTicket qui, je crois, dépend de la ville de Munich mais avec statut privé. Et là, on va commencer à parler d'argent. München Ticket, c'est le paradis des frais de réservation, et l'achat de places de concert peut vite devenir douloureux. Musique de chambre, orchestres invités, piano : tout cela, ce sont les producteurs privés, et leur logique de tarification obéit à une logique bien éloignée de celle des salles parisiennes (où le TCE, privé, ne se distingue d'ailleurs pas des salles publiques). Si vous voulez aller voir Juan Diego Florez le 1er décembre, vous payerez de 39 à 139 € (hors frais, bien sûr) : après tout, c'est le star system, à ceci près que pour 39 €, non seulement vous serez au bout du monde, mais vous n'entendrez pas grand-chose (voir prochain message...). Si vous voulez aller entendre l'excellent Quatuor Artemis en janvier, les prix seront évidemment moins élevés : 51 € en première catégorie, c'est correct - sauf que... la dernière catégorie, elle, est à 28 € ! Peu importe aux producteurs privés que les salles ne soient que très moyennement remplies, la logique est aristocratique, et surtout elle est antédiluvienne : les prix des moins bonnes places étaient autrefois souvent beaucoup plus élevés qu'aujourd'hui, quitte à ce qu'elles restent vides. Les organisateurs de concert, à Munich, sont au service des plus riches (qui ne manquent certes pas) ; leur demander de participer à la démocratisation de la musique classique serait sans doute considéré comme vulgaire.
Si la qualité des orchestres peut attirer les mélomanes à Munich, cet aspect-là - et la richesse des orchestres invités - fait plutôt la publicité pour Paris...

Photo © Gasteig München GmbH / Matthias Schönhofer

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1 commentaire:

  1. Pascal Gottesmann31/10/10 11:14

    En comparaison avec les prix de Munich, si vous voulez aller entendre le même Juan Diego Florez à Marseille le 31/01/11, il vous en coutera entre 8 et 37 Euros.

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