lundi 26 avril 2010

2010/2011 : Quelques nouvelles de province

Je sais, on ne dit plus "en province", on dit "en région". Enfin, c'est ce qu'on dit à Paris. En province, on dit "province"...

Donc, dans les steppes mal famées qui entourent notre belle capitale, on commence à dévoiler les saisons à venir.

La première maison d'opéra hors de Paris, malgré l'atrocité de l'architecture insupportable de la salle, reste l'Opéra de Lyon : la programmation est souvent un peu étrange, avec des spectacles très contemporains et d'absurdes vieilleries (comme la Lulu de Peter Stein récemment). La saison prochaine est sans doute parmi les plus intéressantes de ces dernières années : ce n'est pas tellement la "trilogie Mozart" constituée de la "Trilogie Da Ponte" mise en scène par Adrian Noble depuis un certain nombre d'années qui peut me passionner (d'après le Così fan tutte que j'avais vu à sa création, il s'agit d'un travail d'une honnête modernité, mais qui ne va pas spécialement loin dans la recherche du sens). Beaucoup plus intéressant, le spectacle Stravinsky créé cet été à Aix sera à Lyon dès le mois d'octobre (mise en scène Robert Lepage, avec notamment Renard et Le Rossignol, deux chefs-d'œuvre qui sont beaucoup trop rarement donnés). Mais le véritable événement de la saison, il faudra attendre le mois de juin pour le découvrir : pour la première fois, Jossi Wieler et Sergio Morabito, duo d'un immense talent, sont invités pour créer une nouvelle production en France, après que la même maison eut importé il y a quelques années leur Alcina de Stuttgart (DVD). Non seulement on leur confie rien moins que Tristan, mais en plus l'orchestre sera dirigé par le très talentueux Kirill Petrenko, bien connu à Lyon.
Opéra de Lyon Jean Nouvel
On ne peut en revanche que regretter que ce soit Luisa Miller de Verdi qui est confié à David Alden : le metteur en scène américain mérite mieux que ce pauvre sous-produit de Schiller.
NB que le programme ne sera en ligne que le 27 avril : ceci est tiré de la brochure de saison.

On a beaucoup parlé de l'Opéra de Marseille récemment dans ce blog (cf. notamment les commentaires à ce message) : les articles de presse présentant la nouvelle saison ne font que confirmer l'image que j'ai de cette maison, celle d'une perpétuelle négation du monde moderne. Son nouveau directeur ne trouve rien de mieux que d'inviter Roberto Alagna à chanter Le Cid de Massenet, et de se vanter qu'on jouera à guichets fermés : quand on a aussi peu d'ambitions artistiques, c'est bien le moins. Il relève que l'œuvre n'a plus été jouée à Marseille depuis 1937 : pour de bonnes raisons, ajoutera-t-on, peu rassuré d'un tel retour à la IIIe république mourante*. Samson et Dalila est une oeuvre un peu plus intéressante, mais on attendra de pouvoir espérer une mise en scène ambitieuse pour se décider à se confronter à cet autre chef-d'œuvre en péril. Le reste est plutôt pire :  Andrea Chénier, Cavalleria Rusticana/I Pagliacci... et un Don Giovanni, quelle audace !

Une des rares salles françaises à avoir publié sa programmation en ligne est l'Opéra du Rhin : institution exemplaire dans sa structure qui dessert toute une région, il a tendance depuis l'arrivée de son nouveau directeur Marc Clémeur (encore un Flamand à nom français...) à rentrer dans le rang d'une modernité frileuse, même si le début de saison bénéficie traditionnellement du partenariat avec le festival Musica. On pourra donc y découvrir un opéra récent de Péter Eötvös, Love and other Demons, qui est cela dit une importation et non une nouvelle production, mais en échange les Strasbourgeois ne seront pas épargnés par Hamlet d'Ambroise Thomas, en coproduction avec Marseille justement, et sous les doigts d'un metteur en scène particulièrement superficiel (Vincent Boussard). Le reste est certes moins affirmativement ringard qu'à Marseille, mais on cherche en vain l'étincelle.

Ai-je mentionné enfin la nouvelle saison de Genève ? Les prix y sont indûment élevés, surtout par rapport à la réputation somme toute moderne de la maison, mais on pourra y voir une mise en scène par Mats Ek de l'Orphée et Eurydice de Gluck en provenance de Stockholm...

*Au passage, un article récent du Monde livrait par le biais de Marie-Aude Roux les réactions de Jean-François Kahn à un autre monument du passéisme, la Mignon de l'Opéra-Comique : celui-ci se réjouissait sottement de la résurrection de ce répertoire dont il attribuait la disparition à une idéologie de la modernité postérieure à la guerre (autrement dit, ce serait la faute à Boulez). En réalité, comme bien d'autres exemples le montreraient, ce répertoire français du XIXe siècle a sombré en bonne partie avant la Seconde guerre mondiale, sans qu'il y ait eu besoin de le combattre, devant la concurrence du répertoire italien. Mais M. Kahn aurait tort de se priver d'une telle attaque anti-moderniste sous prétexte que ses arguments sont faux...

PS : je n'ai pas encore commenté la saison de l'Opéra-Comique, en ligne depuis plusieurs jours : je le ferai d'ici quelques jours, quand nous aurons aussi celle du Châtelet : qui se ressemble s'assemble...
Celle du Deutsche Oper Berlin, après celle du Staatsoper (déménagé pour cause de travaux dans la partie Ouest de la ville...), est également en ligne : rien de révolutionnaire comme toujours (on se croirait un peu à l'Opéra de Paris période Hugues Gall...), mais on peut toujours jeter un coup d'oeil aux Troyens mis en scène par David Pountney, qui fait certes du grand spectacle mais ne renonce pour autant pas à l'interprétation...
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