Dire que Jan Fabre, entre autres, est un chorégraphe, c'est toujours un peu étrange. Au fond, ce que cela nous dit, c'est que la danse contemporaine aujourd'hui est bonne fille : qui veut échapper à la tyrannie des diktats associés au mot théâtre (narration, personnages, texte) dit qu'il fait de la danse ; qui veut faire de jolis spectacles qui plaisent bien aux branchés qui lisent Technikart aussi. Les spectacles de Jan Fabre ont leur public, mais aussi leurs mécontents, ces spectateurs éternellement abonnés au Théâtre de la Ville et éternellement enclins à partir en cours de spectacle. Je ne sais pas qui est ce public, je sens simplement, instinctivement, que j'en fais partie beaucoup plus que je ne fais partie du camp d'en face. J'avais fait une critique du dernier spectacle de Fabre donné place du Châtelet, cette Orgie de la tolérance qui avait été, je trouve, si mal compris par une grande masse des critiques : on y avait vu une dénonciation systématique et manichéenne des maux du monde d'aujourd'hui, là où il dénonçait, avec ironie et verve, la tyrannie des bien-pensants, ceux qui précisément construisent leur identité sur ce genre de dénonciations stéréotypées et en font une arme de pouvoir. Sans doute ce spectacle n'a-t-il pas été compris, notamment par ceux qu'il attaquait, mais je ne suis pas sûr que ce moraliste subtil s'en inquiète outre mesure. L'Avare n'a jamais faire rire personne plus que les Harpagon d'hier et d'aujourd'hui...
Art politique, art moral, art complexe : quoi de plus utile aujourd'hui ?
