Quelle espèce d'animal est-ce donc que ce Jan Fabre ? Descendant de l'entomologiste Jean-Henri Fabre (d'où les scarabées et hannetons qui parcourent son œuvre), chorégraphe, écrivain, et (surtout ?) "plasticien" comme on dit, c'est-à-dire auteur d'une œuvre visuelle sur tout support, des dessins sur papier (souvent au Bic, sinon avec des substances corporelles diverses) à la sculpture monumentale, voilà bien quelqu'un qui résiste avec opiniâtreté aux classements, et qui ne laisse pas indifférent. Son exposition au Louvre, dans les salles de peinture flamande, avait ulcéré les uns et enthousiasmé les autres, dont je suis, tant son jeu tentaculaire avec le monde plein de mort, de sang, de volupté perverse qui est celui des peintres flamands créait des résonances profondes chez le spectateur, contraint de revoir les peintures sous une lumière décapante qui leur ôtaient la couche de crasse de la culture conformiste et bourgeoise.
Dire que Jan Fabre, entre autres, est un chorégraphe, c'est toujours un peu étrange. Au fond, ce que cela nous dit, c'est que la danse contemporaine aujourd'hui est bonne fille : qui veut échapper à la tyrannie des diktats associés au mot théâtre (narration, personnages, texte) dit qu'il fait de la danse ; qui veut faire de jolis spectacles qui plaisent bien aux branchés qui lisent Technikart aussi. Les spectacles de Jan Fabre ont leur public, mais aussi leurs mécontents, ces spectateurs éternellement abonnés au Théâtre de la Ville et éternellement enclins à partir en cours de spectacle. Je ne sais pas qui est ce public, je sens simplement, instinctivement, que j'en fais partie beaucoup plus que je ne fais partie du camp d'en face. J'avais fait une critique du dernier spectacle de Fabre donné place du Châtelet, cette Orgie de la tolérance qui avait été, je trouve, si mal compris par une grande masse des critiques : on y avait vu une dénonciation systématique et manichéenne des maux du monde d'aujourd'hui, là où il dénonçait, avec ironie et verve, la tyrannie des bien-pensants, ceux qui précisément construisent leur identité sur ce genre de dénonciations stéréotypées et en font une arme de pouvoir. Sans doute ce spectacle n'a-t-il pas été compris, notamment par ceux qu'il attaquait, mais je ne suis pas sûr que ce moraliste subtil s'en inquiète outre mesure. L'Avare n'a jamais faire rire personne plus que les Harpagon d'hier et d'aujourd'hui...
Art politique, art moral, art complexe : quoi de plus utile aujourd'hui ?
Abonnez-vous ! (vous pouvez aussi vous abonner par mail (case en haut à droite)
mardi 15 juin 2010
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
tout à fait d'accord avec cette analyse, et particulièrement par rapport à l'oeuvre du plasticien Fabre, par contre l'oeuvre de l'homme de spectacle ne me semble guidée que par la nécessité de provocation et s'appuie sur des techniques de fanatisation des interprètes qui s'apparentent aux agissements des sectes... En résumé c'est souvent plastiquement beau mais humainement détestable.
RépondreSupprimer