samedi 8 septembre 2007

È morto - or gli perdono

Telle est l'oraison funèbre que Tosca lance, dédaigneusement, devant le corps du vil Scarpia à la fin du 2e acte de l'opéra de Puccini.

Vous avez déjà deviné que je vais vous parler du décès de Luciano Pavarotti, chanteur d'opéra devenu sur le tard chanteur de variété, et que je ne vais en dire exactement la même chose que ce qu'on lit à satiété dans les journaux. Je n'avais, évidemment, rien contre la personne de M. Pavarotti, et je m'associe, bien sûr, à la douleur de sa famille, de ses proches, de ses fans, de ses fournisseurs et de ses médecins (je ne m'associe pas à la douleur de ses éditeurs discographiques, car il n'y a rien de tel qu'un mort pour doper les ventes).

L'icône Pavarotti représentait tout ce qu'il peut y avoir de détestable dans l'opéra. Le répertoire, d'abord: pendant longtemps centré classiquement sur le répertoire italien du début du XIXe jusqu'à Puccini, ce qu'on ne peut lui reprocher sinon comme le signe d'un manque d'imagination et de curiosité confondant, puis progressivement réduit à une poignée d'airs inlassablement répété. Son manque absolu de talent scénique ramenait le monde de l'opéra cinquante ans en arrière, et il est trop facile d'invoquer ici son physique ou, plus tard, sa santé: il est vrai que son répertoire ne devait pas l'inciter à prendre au sérieux le caractère théâtral de l'opéra; le problème est qu'il a ainsi nourri les pires stéréotypes sur l'opéra qui, bien plus sûrement que les difficultés à acquérir des places ou le prix de ces places, empêchent bien des gens souvent plus cultivés que les amateurs d'opéra de s'y intéresser, alors que le monde de l'opéra dans son ensemble (les gesticulations frénétiques qui tiennent lieu de talent d'acteur chez M. Villazon ne me sont pas plus sympathiques, du reste). Et, évidemment, il y a le fléau des fans, que plus que tout autre il a nourri par sa médiatisation irraisonnée.
Le cross-over n'a pas été inventé par Luciano Pavarotti, mais, devant le déclin de sa voix, il a exploité ce filon jusqu'à la corde, avec la complicité des médias. Ce n'est, au fond, pas plus nuisible que Céline Dion, mais croire que cela a pu amener une seule personne à ouvrir ses oreilles, c'est une terrible naiveté.
Mais, me dira-t-on, et sa voix? Sans doute, sans doute - mais il y a des centaines de chanteurs qui ont, eux aussi, une voix, mais ont en plus l'intelligence et le goût; qui cherche trouve...

Tout cela, bien sûr, ne disparaîtra pas avec sa mort. Anna Netrebko, avec une voix plutôt moins solide, a d'une certaine facon pris le relais, et d'autres aussi. Maintenant, laissons le marketing faire ses affaires, et revenons à la musique.
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