jeudi 16 juillet 2009

Wajdi Mouawad roi d'Avignon :

Je ne suis jamais allé au Festival d'Avignon, entre autres parce qu'il fait à mon goût trop chaud - ce qui n'est pas forcément une raison de très grand poids artistique. On le sait, ne pas avoir vu un spectacle n'est jamais, pour un critique de théâtre n'est pas une raison suffisante pour ne pas en parler, et à écouter les critiques, à regarder le programme de cette édition 2009, quelques réflexions me viennent.

Ne pas y aller, finalement, ce n'est pas très important : il y a toujours des spectacles qu'on a vus ailleurs (ainsi pour moi de l'ambigu Éloge de la tolérance de Jan Fabre, que j'ai critiqué ici, ou d'une des trois parties de la trilogie de Jan Lauwers), tandis que d'autres devraient venir au cours de la prochaine saison (avec quelques-uns de mes metteurs en scène préférés, Krzysztof Warlikowski, Johan Simons, Christoph Marthaler) ; c'était déjà le cas pour moi pour les Wiener Festwochen ou les Rencontres Théâtrales de Berlin : mondialisation, ou plutôt européisation de la culture...

En ce qui concerne l'artiste en résidence du festival Wajdi Mouawad, j'avais vu il y a plusieurs années une des quatre pièces de la tétralogie qu'il présente cette année, Incendies. La quasi-unanimité critique comme l'adoubement institutionnel qui lui est donné cette année ne peuvent que me faire réfléchir, et même si Mouawad est libano-québécois, cela ne fait que renforcer mes pires diagnostics sur l'état du théâtre en France, sinon sur celui de la culture en général.

Wajdi Mouawad est un de ces artistes dont il est difficile de dire du mal, tant l'emprise de son histoire personnelle est prégnante. En voyant Incendies, j'avais pourtant été navré par le simplisme du dramaturge : une écriture de téléfilm sentimental, certes sans doute au service d'idées généreuses (mais on ne sais pas trop lesquelles, à part l'opposition au mal), mais exprimées sous une forme tellement simplistes qu'elles en perdent tout impact émotionnel (hormis auprès du public abonné à de tels téléfilms) et toute crédibilité en tant qu'idées. Cette idée qu'au fond la sincérité vaut tous les talents du monde est une idée d'une perversité abyssale, mais parfaitement contemporaine : l'idée que l'évidence simple, le produit du bon sens, vaut mieux que la complexité du travail d'analyse, dont le triomphe est précisément qu'il ne produit pas un sens unique (dans tous les sens du terme...).

Le théâtre de Wajdi Mouawad, exactement comme le travail d'un Sidi Larbi Cherkaoui - autre artiste à passé migratoire, mais ce n'est sans doute qu'un hasard - n'est qu'en apparence un théâtre politique, un théâtre dérangeant: en faisant de la complexité du monde un divertissement (détournement) lénifiant, il ne fait qu'aller dans le sens du vent. Et que penser d'un festival qui mélange ce simplisme complaisant avec des artistes plus exigeants comme Simons ou Warlikowski ? Un supermarché culturel ?

Bien sûr, pour ceux qui n'aiment pas le théâtre mais aiment la chaleur, il reste Orange, son public démocratique à 220 € la place, sa proverbiale audace artistique, et ses ovations spontanées comme à un discours de Nicolas Sarkozy...
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