lundi 24 août 2009

Journal salzbourgeois - Dimanche 16 août - Le XXe siècle de Barenboïm, Boulez et… Riccardo Muti

Le vingtième siècle est à l’honneur le temps d’un dimanche : le matin – comme il se doit – visite aux Wiener, sous la direction d’un de leurs chefs préférés (qui n’est pas le mien, loin de là), Riccardo Muti, que l’intendant Flimm semble hélas considérer comme incontournable. Le responsable des concerts du festival, Markus Hinterhäuser, a raconté comment il a dû batailler pour convaincre Muti et les Philharmoniker, tous aussi conservateurs, d’oser mettre à leur programme une œuvre de Varèse, Arcana, qui pourtant est sans doute la plus aisément digestible, pour un tel orchestre, des grandes fresques symphoniques de Varèse. On aimerait avoir son appréciation du résultat : quelqu’un a dû dire à Muti que la musique « contemporaine » (!) proscrivait la sentimentalité, car le produit livré semble sorti du congélateur, sans élan, carré comme une marche militaire : la partition sans la musique, en quelque sorte. Le public, pas vraiment à la recherche de sons nouveaux, en ressort logiquement tout aussi congelé que l’œuvre ainsi ânonnée.

La suite du concert, étonnamment, se révèle beaucoup plus convaincante, avec l’ample Faust-Symphonie de Liszt (autre héros de cette édition du festival) : si le mouvement choral final, déjà souvent attaqué, ne semble guère défendable, le reste de la partition s’avère remarquablement construit, même si le prétexte programmatique est parfois un peu simpliste. Dans ce monde qu’ils maîtrisent beaucoup mieux, Muti et son orchestre réalisent un travail artisanal sans reproche : rien ne viendra mettre en évidence la modernité de la partition, bien sûr, mais les sonorités sont magnifiques à défaut d’être toujours portées par une pensée musicale profonde.

La suite de la journée est consacrée, avec des bonheurs divers, aux jeunes musiciens du West Eastern Divan Orchestra en musique de chambre. Un premier concert, l’après-midi, est entièrement consacré à la musique de Pierre Boulez, dont on connaît les liens avec le mentor de l’orchestre Daniel Barenboim. Ce dernier dirige d’abord Messagesquisse, pour violoncelle solo et six violoncelles : l’œuvre n’est pas, sans doute, la plus riche de Boulez, mais on se demande un peu si la légèreté de ce qu’on entend n’est pas un peu due tout de même à l’interprétation.

Suit alors Anthèmes I pour violon, remplaçant Anthèmes II qui joint au violon un environnement électronique et qui disparaît ainsi du programme. Qu’on se rassure, le spectateur n’est pas privé de sons électroniques pour autant : dans sa grande générosité, M. l’Intendant soi-même (pour une fois présent à un concert) y pourvoit lui-même grâce à la sonnerie de son portable. Merci beaucoup.

La victime de cet affront n’est autre que Michael Barenboim, premier violon de l’orchestre, qui montre avec aisance qu’il ne doit pas qu’à son nom d’occuper ce poste : l’interprétation est techniquement sans faille et musicalement très habitée.

Les jeunes musiciens sont rejoints ensuite par Pierre Boulez lui-même, qui avait assisté de la salle au début du concert et vient alors les diriger dans son chef-d’œuvre Le marteau sans maître. La tension est palpable chez les musiciens, le rendu pas forcément aussi parfait que celui des membres de l’Intercontemporain qui connaissent l’œuvre par cœur, mais on retrouve avec plaisir cette musique toujours fascinante, avec l’apport précieux d’Hilary Summers, l’interprète privilégiée de la partie vocale. Aux saluts, l’ovation du public se transforme en un hommage spontané au maître français malgré les efforts de celui-ci pour rester au second plan : l’émotion et la gratitude du public sont palpables.

Le soir, cette copieuse journée de concerts prend fin avec les mêmes interprètes que le concert précédent, dans un répertoire plus varié : le juvénile octuor pour cordes de Mendelssohn y est encadré par deux classiques du XXe siècle, la 1ère Symphonie de chambre de Schoenberg (très post-romantique et bien moins intéressante que la seconde) et le Concerto de chambre de Berg, ces deux dernières œuvres dirigées par Daniel Barenboim. L’octuor est joué très correctement, mais on aimerait, de la part de solistes d’un orchestre de jeunes, un peu plus d’élan juvénile. Dans les deux autres œuvres, la direction de Barenboim ne paraît pas produire un effet miraculeux : la symphonie est d’une appréciable homogénéité, le concerto de Berg plus difficile. Il est vrai que les deux solistes eux-mêmes sont tellement inégaux que cette œuvre magnifique en devient difficile à suivre : on retrouve avec plaisir le jeu remarquable de Michael Barenboim, mais le jeune pianiste palestinien Karim Said est largement dépassé par les exigences de la partition ; certains autres musiciens, en particulier les cuivres, montrent malheureusement qu’ils sont encore loin d’un niveau professionnel. La soirée en reste donc à un niveau plus sympathique qu’enthousiasmant : la générosité du projet humaniste du West Eastern Divan Orchestra ne saurait être mise en cause, et cela seul justifie amplement son existence ; mais, d’un point de vue strictement musical, on préfèrera en rester, en matière d’orchestres de jeunes, au splendide Gustav Mahler Jugendorchester qui, semble-t-il, viendra l’an prochain au Festival de Salzbourg.


Le site du Festival de Salzbourg

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