jeudi 21 janvier 2010

Plans sur la comète

Puisque :
- Paris est en train de devenir une sous-préfecture du point de vue lyrique ;
- ma région Lorraine (entre un Opéra-Théâtre de Metz voué aux décors pompiers et aux fonds de tiroir du répertoire français, et Nancy qui n'a plus trop l'air de savoir où il va [comment peut-on reprendre l'épouvantable mise en scène de Médée de Cherubini par Yannis Kokkos ?]) continue à rester à l'écart du monde lyrique ;
-les festivals français sont rares et trop chers (pourquoi aller voir le très intéressant spectacle Stravinsky de Robert Lepage à Aix-en-Provence puisqu'il sera donné pour le tiers du prix à Lyon la saison suivante ?),


... je me trouve obligé de me rabattre (avec grand plaisir, en fait) sur le vaste monde pour trouver des propositions artistiques intéressantes dans le domaine lyrique. Voici donc quelques-unes des représentations où j'irai traîner mes guêtres :

  • à Zurich, reprise des Königskinder de Humperdinck, un chef-d'œuvre majeur toujours largement ignoré du grand public ; mieux vaut voir Jonas Kaufmann ici que dans je ne sais quel drame bourgeois français...
  • à Bâle, j'attends avec curiosité de découvrir pour la première fois une mise en scène de Calixto Bieito, étiqueté provocateur n° 1 de la scène lyrique européenne. Ce n'est pas que la provocation m'intéresse en soi (j'en vois du reste beaucoup moins que les lyricomanes, qui voient une provocation dans tout ce qu'ils ne comprennent pas), mais j'aime trop la découverte pour passer à côté de son travail, qui plus est pour une (autre) œuvre majeure du répertoire lyrique, à savoir De la maison des morts de Janáček. Gerard Mortier avait monté cet ouvrage à Paris, mais Klaus Michael Grüber, qui remontait un spectacle qu'il avait fait il y a plus de dix ans, avait visiblement perdu le feu sacré ; il en était résulté un spectacle pesant, qui plus est massacré par l'orchestre : il est temps d'effacer ce mauvais souvenir.
  • à Lyon, l'immense Karita Mattila s'unira une fois de plus à sa compatriote Kaja Saariaho pour rendre hommage à Émilie du Châtelet, femme de lettres et de science des Lumières : on peut être un peu circonspect sur le genre du monodrame (qui plus est pendant une heure et demie), mais le défi est séduisant.
  • à Munich, on a beau être très inquiet de l'évolution de la maison, on ne peut pas s'empêcher de revenir à ses premières amours et de trouver malgré tout pas mal de choses à voir. On ira voir d'abord le nouvel opéra de Peter Eötvös (qu'autrefois aurait coproduit le Châtelet...), La tragédie de l'homme, ce qui sera l'occasion de découvrir le metteur en scène Balázs Kovalik, tandis que le CNSM local remonte un des plus grands succès d'Eötvös, Trois soeurs
  • La maison s'attaque aussi au bon répertoire français, pas les sottises à la Mireille, avec Dialogues des Carmélites de Poulenc : c'est Dmitri Tcherniakov, qu'on a déjà vu à Paris avec un Macbeth irritant et passionnant et à Munich avec Khovanchtchina (DVD !), qui s'empare de l'épopée révolutionnaire. On se réjouit déjà du contraste avec le traitement primaire de la même période par Giancarlo del Monaco pour l'indicible Andrea Chénier que Nicolas Joel a eu le front de nous présenter il y a un mois.
  • Verra-t-on, toujours au même endroit, Medea in Corinto de Johann Simon Mayr ? On le souhaite en tout cas, car cette rareté presque absolue (David Alden a monté très récemment cette œuvre à Saint-Gall - on ne peut pas être partout !) est confiée à Hans Neuenfels : ce dernier, connu en France pour son très réjouissant jeu de massacre à partir de La chauve-souris de Johann Strauss, cadeau empoisonné de Gerard Mortier au passé mal digéré du public autrichien, est un artiste majeur du théâtre germanique, et il sera aidé par Anna Viebrock, qui est peut-être la plus grande décoratrice actuelle (aux côtés de Christoph Marthaler et Jossi Wieler notamment). On est même prêt, pour ce faire, à subir Nadja Michael, ce qui n'est pas peu dire.
  • Parmi les reprises, toujours à Munich, je me réjouis surtout de l'Enlèvement au Sérail de Martin Duncan, une production que presque personne n'aime sauf moi (ça arrive) : les dialogues sont remplacés par une conteuse, qui donne un ton assez mélancolique à l'histoire, tandis que les personnages sont comme perdus sur des sofas en suspension, entre volonté de fuir et désir de communiquer ; il y a aussi, fin juillet, quelques représentations wagnériennes qu'il serait dommage de manquer...
  • Pour Wagner, on ira aussi à Francfort. Ou plus exactement, on ira à Francfort pour d'autres raisons, mais il se trouve qu'on pourra y voir Parsifal mis en scène par Christoph Nel : après l'inoubliable spectacle de Krzysztof Warlikowski, assassiné par Nicolas Joel, voilà une nouvelle occasion de se confronter à ce chef-d'œuvre absolu, dans une production d'un metteur en scène que je connais surtout par sa Walkyrie du célèbre Ring de Stuttgart, un spectacle certes inégal, mais qui contient un premier acte d'une intensité incroyable.
Je crois que c'est tout... je reparlerai ici de ces différents spectacles, si j'en ai le temps et si j'ai quelque chose à dire...

Une telle activité voyageuse surprendra sans doute certains lecteurs : mais Internet a changé la vie des amateurs d'opéra, qui désormais, surinformés sur tout ce qui se passe dans le moindre théâtre municipal hongrois, n'hésitent plus à voyager dans toute l'Europe pour voir les spectacles qui les intéressent. C'est sans doute coûteux, certes, mais moins qu'on le croit : moins qu'une semaine aux sports d'hiver, moins qu'une grosse voiture, moins qu'un paquet de cigarettes par jour, moins que le PMU ou le poker en ligne...

Zut alors, je me rends compte d'un grave problème dans ma liste : point de Verdi, point de Puccini, point d'Anna Netrebko ou de Roberto Alagna chantant Tino Rossi. Comme c'est dommage.
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