lundi 30 août 2010

Salzbourg 2010, suite et fin

Avant de vous laisser tranquille avec Salzbourg, et en attendant la publication du programme complet en novembre, quelques petites remarques diverses pour finir.

I. Quand, même, un tout petit peu de théâtre
Je ne vais pas m'étendre sur Angst (La Peur) d'après Stefan Zweig, mis en scène par Jossi Wieler : très beau spectacle soutenu par des acteurs exceptionnels. J'aurais voulu vous montrer une image du magnifique décor d'Anja Rabes, qui entretenait des liens très subtils et très intéressants avec la pièce : hélas, le Festival ne nous fournit pas de photos permettant de voir l'ensemble du décor (c'est d'ailleurs souvent le cas, comme si seules les stars de la scène ou du chant méritaient d'être vues.  Vous n'aurez donc qu'une photo beaucoup plus neutre, avec la merveilleuse actrice hollandaise Elsie de Brauw ; ça aura au moins le mérite de rappeler que Salzbourg, c'est aussi du théâtre...


Il y a d'ailleurs un sous-festival de jeunes compagnies du monde entier, le Young Directors Project, qui a ceci d'intéressant pour les non-germanistes que les pièces sont données avec des sous-titres allemands et anglais. Je n'ai rien vu cette année, mais la pièce qui a gagné le concours afférent est française : il s'agit de Notre terreur par la compagnie D'Ores Et Déjà autour du metteur en scène Sylvain Creuzevault. La pièce sera reprise au Théâtre de la Colline à Paris en septembre : je rattraperai l'occasion manquée...

II. Vivre à Salzbourg : luxe, calme et chambres d'hôte

jeudi 26 août 2010

Salzbourg 2010 : les concerts (2)

III. Musique de chambre à tous les étages : Brahms et les autres

Markus Hinterhäuser est un malin : la musique de chambre, ça ne vend pas, c'est bien connu ; donc, pour en mettre quand même le plus possible dans son programme de concert, il a inventé la série Szenen, consacrée chaque année à un compositeur de l'époque romantique (Schumann-Szenen, Liszt-Szenen...), mais l'éclairant de tous les côtés, du baroque au contemporain. Cette année, c'est Brahms qui est à l'honneur : je ne vais détailler les nombreux concerts proposer, seulement signaler quelques coups de coeur :

mercredi 25 août 2010

Protestation

Actuellement, le président de la République française et son gouvernement mènent des opérations infâmes, contraires aux droits de l'homme et condamnés par des hommes et des femmes de tous les horizons sociaux, de toutes les sensibilités politiques et religieuses et de tous les pays du monde. Justifier les infractions aux droits de l'homme, dont le développement dans ce pays est discret mais constant depuis 2002, par un souci d'efficacité dans la lutte contre la criminalité, c'est la définition même de la barbarie. Quand en outre les victimes de ces exactions sont pour la très grande majorité innocents des actes dont on les accuse collectivement, et quand ceux qui les ordonnent connaissent cette innocence mais instrumentalisent les peurs animales de leurs concitoyens, ces exactions deviennent impardonnables.

La suite des critiques salzbourgeoises va venir très vite, mais je tenais à joindre ma protestation à celles déjà exprimées.

lundi 23 août 2010

Salzbourg 2010 : les concerts (1)

J'ai parlé dans le message précédent de Salzbourg côté opéra, en sachant bien que c'est en général tout ce qu'en retiennent les Français, en parfaite conformité d'ailleurs avec les mondains. Mais Salzbourg, ce n'est pas qu'un festival d'opéra, je dirais même que c'est en minorité un festival d'opéra : il y aussi du théâtre (je n'ai vu qu'une pièce, mais remarquable, j'en parlerai plus tard), et il y a surtout plus de cinquante programmes de concerts différents : ce n'est pas les Proms (qui durent plus longtemps, d'ailleurs), mais on n'en est pas si loin dans l'étendue de l'offre proposée. Orchestre, musique de chambre, récitals, tout y est, à l'exception regrettable du baroque. Suivez le guide...

vendredi 20 août 2010

Salzbourg 2010 : les opéras

Jürgen Flimm, au cours des quatre années peu enthousiasmantes de son mandat-éclair à la tête du plus grand festival du monde, n'a pas tout raté : en 2008, il avait présenté une magnifique Rusalka mise en scène par Jossi Wieler et tout aussi réussie musicalement que scéniquement, et l'Eugène Onéguine (Daniel Barenboim/Andrea Breth) qui avait ouvert son mandat en 2007 était paraît-il une belle réussite (mais je ne l'avais pas vue et n'ai pas non plus vu le DVD). En 2010, désolé : si je n'avais pas envie que vous continuiez à lire cet article, je dirais qu'il n'y a rien à voir.

D'ailleurs, c'est un peu injuste : d'abord parce que la création de Wolfgang Rihm Dionysos, handicapée par une mise en scène plate (eh oui, Pierre Audi...), valait vraiment qu'on y laisse traîner une oreille (j'en ai parlé longuement là). Ensuite parce que le spectacle le plus attendu des mélomanes peut difficilement être qualifié d'échec.

C'est de Lulu que je veux parler : sous la direction de Marc Albrecht, c'est Vera Nemirova qui mettait en scène avec des décors du peintre Daniel Richter. Le facteur glamour, indispensable à Salzbourg pour de l'opéra, était fourni par Patricia Petibon : disons-le franchement, je n'en attendais pas grand-chose, et ce que j'ai entendu ne m'a pas du tout convaincu. Bien sûr, à chaque fois qu'une chanteuse ose affronter Lulu, pour peu qu'en plus elle ait le jeu de jambes adéquat, on crie au miracle : ce qui fut fait pour Mademoiselle Petibon. Maintenant, si on a le malheur de s'intéresser un peu à la partition, les choses changent : ce qui frappe, c'est surtout qu'elle chante tout le spectacle ou presque dans un état de crispation qui montre avant tout que le rôle n'est pas du tout acquis. Les quelques pitreries qui sont sa marque de fabrique n'y changent rien, d'autant plus qu'elles la conduisent souvent à en oublier la partition - quant à l'accent français parfois très prononcé, il est peut-être charmant aux yeux des germanophones, mais il me gêne beaucoup.
Je vous épargne le reste : un fragment du seul décor correct. © Salzburger Festspiele / Monika Rittershaus


mardi 17 août 2010

Salzbourg 2011 : l'opéra

Oh certes, j'ai souvent dit que l'opéra, à Salzbourg, ce n'était pas l'essentiel, et croyez-moi, ce n'est pas l'édition 2010 qui m'aura fait changer d'avis (mais oui, j'en reparlerai !). Cela dit, comme un blog allemand bien informé a la bonne idée de donner des informations un peu plus détaillées que celles dont on disposait jusqu'alors pour l'édition 2011, je m'en vais un peu vous commenter lesdites informations...

Commençons, comme il se doit, par les informations sans intérêt :
-À Salzbourg, on ne joue pas les opéras de Mozart parce qu'on pense qu'ils sont intéressants, mais parce que c'est rentable : Claus Guth aura donc l'insigne honneur de reprendre son cycle Da Ponte - Les Noces de Figaro créées en 2006 et déjà reprises en 2007 et 2009 (!), très bon spectacle dans un genre "contemporain modéré" ; Don Giovanni, créé en 2008 et redonné cette année, médiocre et agité ; Così fan tutte, créé en 2009, dont Guth lui-même a reconnu l'échec, mais qu'il va essayer de sauver par une nouvelle mouture (tous sont disponibles en DVD, Les Noces depuis longtemps, les deux autres depuis cet été). L'élément le plus intéressant, ce sont les chefs : je parlerai plus tard de Yannick Nézet-Séguin, jeune chef canadien qui a dirigé cette année Don Giovanni ; les deux autres noms sont plus intéressants : Robin Ticciati, jeune chef prometteur qu'on avait pu entendre en Mozart-Matinee en 2009 ; et surtout une vieille connaissance, Marc Minkowski. En soi, ce dernier nom n'a rien de surprenant : depuis Mortier, c'est un habitué du festival, un des rares Français à y faire carrière, et ce avec pas mal de succès à son actif. MAIS... jusqu'à présent, le Philharmonique de Vienne avait gardé le monopole de ces opéras à Salzbourg, or une confrontation Minkowski/Vienne semble totalement irréaliste (à cause de la fermeture d'esprit des Viennois, je tiens à le dire tout de suite). DONC : bonne surprise, un Mozart débarrassé de la pesanteur de cet orchestre (cf. critique de Don Giovanni à suivre...).

-On le savait depuis longtemps : le pudding indigeste de Hofmannsthal et Strauss intitulé La femme sans ombre fait son retour au festival. On peut garantir que la recette originale n'y sera pas allégée : c'est Christian Thielemann qui dirigera, et le très chic et très vide Christof Loy mettra en scène.

-Mais le sommet du conservatisme est évidemment atteint par le Muti annuel. Au moins, Riccardo Muti ne massacrera pas comme il a l'habitude des œuvres qu'il ne comprend pas, comme Orphée et Eurydice de Gluck cette année. Ce sera Macbeth de Verdi, une oeuvre pas spécialement salzbourgeoise mais qui est au coeur du répertoire de Muti. Mise en scène du chef de fil des réactionnaires du théâtre allemand, Peter Stein.

Venons-en maintenant à LA production intéressante, mais alors, pour le coup, vraiment intéressante, tellement que j'éprouve le besoin d'entretenir le suspense le temps que vous cliquiez :

dimanche 15 août 2010

Dionysos à Salzbourg en quête d'images

On va reparler ici de Salzbourg en détail : en attendant, voici une première - longue - critique de l'évènement du festival en matière d'opéra, première création mondiale depuis 2006...

Dionysos encore : quarante-quatre ans après avoir créé Les Bassarides de Henze, qui restent sans doute la plus inoubliable des créations lyriques du festival, Salzbourg s’ouvre une fois encore à la présence mystérieuse du dieu grec, à travers la figure du plus enthousiaste de ses adorateurs modernes : c’est en effet Nietzsche qui est au centre du nouvel opéra de Wolfgang Rihm, qui partage avec Henze sa position d’indépendance au sein de la scène musicale contemporaine.





J. M. Kränzle, M. Erdmann



La première scène est éblouissante, sans doute une des plus belles scènes d’opéra de ces vingt dernières années : N., qui est aussi bien Nietzsche qu’un fantasme d’homme nietzschéen, est tenté par deux nymphes sans pouvoir, par sa propre faute, entrer en communication avec elles, même quand l’une se révèle être Ariane – qu’un étranger n’aura alors nulle peine à lui enlever. On entre ainsi dans l’Or du Rhin pour arriver à l’univers de toutes les Arianes lyriques, et les trois dauphins qui se moquent de l’homme impuissant sont tout à la fois les nymphes de l’opéra de Strauss, les Filles du Rhin et les trois dames de la Flûte enchantée, un opéra que Rihm reconnaît comme modèle non pas pour son caractère initiatique, mais pour son caractère composite.

dimanche 8 août 2010

Admirations (9) : Johan Simons

Un orateur attique, Isocrate si mes souvenirs sont bons, voulant faire montre de son habileté oratoire, avait choisi de composer un discours défendant l’indéfendable, et il avait ainsi fait l’éloge d’Hélène, la pas innocente origine de la guerre de Troie. Faire l’éloge de Johan Simons pour des lecteurs français et largement parisiens, c’est un peu le même genre de cause perdue ; et pourtant je ne connais guère d’autres artistes, dans le domaine du spectacle vivant, qui mérite moins la réputation qui lui est faite.

Johan Simons, c’est ce metteur en scène hollandais déjà sexagénaire qui, après avoir été pendant longtemps à la tête de groupes théâtraux de son pays, va prendre la tête du plus contemporain des théâtres de Munich ; pour ce qui concerne la France, il a fait parler de lui surtout à l’occasion des deux mises en scène d’opéra que lui a commandées Gerard Mortier, Simon Boccanegra de Verdi (qui avait bénéficié d’une diffusion en direct sur Arte) et Fidelio de Beethoven. Mais on a pu voir aussi ces dernières années quelques spectacles théâtraux à Paris, un Casimir et Caroline en particulier : venu d’Avignon où il avait fait scandale, il avait reçu une réception tiède à Nanterre où j’avais été le voir, ce qui ne l’a pas empêcher de triompher dans sa version allemande quelques mois plus tard.

Disons-le tout net : s’il y a un problème entre Johan Simons et le public français, c’est bien du côté du public qu’est le problème, pas du côté du metteur en scène. J’ai toujours dit que le public avait des excuses, vu la médiocrité sidérante de ce qui lui est proposé par les institutions indigènes (ai-je déjà dit ici à quel point Les Trois sœurs de Tchékhov montées à la Comédie-Française par Alain Françon, dans une production sensément inspirée de Stanislavski, me paraît – plus qu’un simple ratage – une véritable déroute de la pensée ?).

J’avais vu Boccanegra à la fin de la première série ; j’avais donc pu « bénéficier » avant de le voir des tombereaux d’insultes et de sarcasmes déversés par une bonne partie de la presse et par les forums. Je n’en étais pas sorti enthousiasmé, mais tout même plus qu’interrogatif sur la violence suscitée par un spectacle qui me semblait au minimum digne et intéressant – il est toujours difficile de pénétrer du premier coup dans des univers étrangers.

Hiob d'après Joseph Roth : l'acteur André Jung

L’intuition était bonne : ma curiosité une fois éveillée m’a conduit aux Kammerspiele à Munich, le théâtre qu’il va diriger dès la saison prochaine, pour voir Hiob, adaptation d’un roman de Joseph Roth*. Cette fois, foin de curiosité, d’intuition, d’interrogations : certes, le roman est bouleversant par lui-même, mais l'émotion qui naît de ce spectacle n'est pas qu'un sous-produit de celle du texte. Les moyens de Simons sont tout sauf spectaculaires : une direction d'acteurs réglée avec grand soin, des décors allusifs qui accompagnent l'action sans jamais prétendre empiéter sur elle ou monopoliser l'attention du spectateur. En voyant entrer André Jung qui joue le rôle principal, ce pauvre juif d'Europe de l'Est que les malheurs vont conduire à l'abîme avant que le salut ne vienne au moment le plus imprévu, on se dit qu'on n'a certainement pas envie de passer deux heures avec ce type rébarbatif sous sa grosse toque noire et ses grosses lunettes. Une heure après, un seul regard dans le silence suffit à crucifier le spectateur chaviré.

L'art de Simons est un art d'extrême concentration, un art du silence, un art où le geste compte plus que la parole. Rien d'étonnant donc qu'il puisse glisser sur un public d'opéra, et même sur la frange la plus moderniste de celui-ci : Simons n'est pas de ceux qui proposent de brillantes réinterprétations comme Tcherniakov, ni des virtuoses de la transposition, ni des rois de la scénographie : c'est un artiste de l'empathie, un de ceux qui creusent l'émotion en profondeur, jusqu'au coeur de notre souffrance. Parmi les grands metteurs en scène d'aujourd'hui, c'est peut-être de Marthaler que son art se rapproche le plus, le Marthaler de La Traviata plus que le Marthaler ironique et mélancolique des pièces qu'il monte de A à Z ; mais avec une dimension douloureuse, intense, profondément intime.

Vraiment, chers amis français, à défaut de pouvoir revoir les spectacles dont je viens de parler, je voudrais vous demander deux choses :
1) Particulièrement aux amateurs de mises en scène contemporaines, mais aussi aux autres : suspendez votre jugement jusqu'à ce que vous puissiez revoir une mise en scène de Simons, et si vous n'avez pas apprécié les deux productions parisiennes, oubliez-les pour le moment ;
2) Regardez ce formidable DVD dont j'ai déjà parlé, L'enlèvement au sérail de Mozart mis en scène par Simons à Amsterdam (Opus Arte), où Simons fait naître la comédie la plus drôle et la plus émouvante de cette même intensité, de cette même réduction gestuelle que j'aime dans ses travaux plus tragiques. Et reparlez-moi de Simons quand vous l'aurez vu.

*Un traducteur mal embouché, au lieu de le laisser en français sous son titre original – Job, donc, du nom du personnage biblique – a cru bon de l’affliger d’un titre français déplorable, La pesanteur de la grâce. Le roman n’en reste pas moins une des choses les plus belles que j’aie lu ces dernières années : recommandation très chaleureuse donc, en allemand pour ceux qui peuvent –niveau de langue encore assez accessible.


Abonnez-vous ! (vous pouvez aussi vous abonner par mail (case en haut à droite)
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...