vendredi 24 octobre 2008

Admirations (4) - Christophe Rousset

Le clavecin est un instrument béni. Bien sûr, le cercle de ses amis est réduit, et la nécessaire intimité du récital de clavecin, qui ne s'accommode guère des très grandes salles conquises par le piano ; et la musique pour clavecin nécessite une habitude d'écoute qui ne la rend pas immédiate, sauf exceptions, pour le béotien. C'est peut-être cette discrétion qui fait que, loin des pressions que subissent les pianistes ou violonistes starisés, il y ait tant de bons clavecinistes : j'aurais ici pu parler de la discrète et décidée Céline Frisch, du maître Gustav Leonhardt, de l'original Pierre Hantaï, de l'érudit chalereux Bob van Asperen. Je vais parler ici d'un autre claveciniste qui me tient à cœur, Christophe Rousset.
Un adjectif pour lui aussi ? "Solaire", sans aucun doute. Les voies imprévisibles d'un Hantaï sont passionnantes à suivre, même quand on s'y perd ; chez Rousset, il y a la suprême politesse de l'élégance, une gourmandise joyeuse, une manière simple et directe de parler à l'auditeur. On pourrait craindre que cette légèreté apparente ne soit qu'une forme de superficialité, ou de concession aux goûts du public : aucune facilité dans cette apesanteur, qui est au contraire le talent suprême du vulgarisateur. La clarté absolue qui se dégage de Christophe Rousset à son clavecin, mais aussi dans les meilleures de ses prestations de chef d'orchestre, ne nous épargne pas les abîmes, ne les transforment pas en attractions pour touristes où on joue à avoir peur. Les abîmes sont là, on ne les contourne pas - mais on suit le guide avec confiance, avec désir, car on sait que là où il nous mène, on apprendra beaucoup.
Je ne sais pas comment est Christophe Rousset dans la vie, et cela ne m'intéresse pas beaucoup, mais cette légèreté qui est souvent comme une révélation s'accompagne d'une autre qualité immense : la chaleur humaine. Loin de l'image hautaine du claveciniste à son instrument, ce musicien sait mieux que quiconque faire du concert un moment intime où on se sent bien, et donc réceptif à une musique dont on n'a pas percé tous les secrets.

Je renonce à toute tentation de faire ici une discographie même sélective : je me contenterai d'en appeler encore et toujours à la réédition de son intégrale Couperin chez Harmonia Mundi - en un temps où la mode est aux gros coffrets, ce ne serait pas bien difficile...
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