3 décembre – Les médias sont indispensables pour créer des agitations médiatiques inutiles autour de faits détournés en dépit du bon sens. Voilà qu'on nous rebat les oreilles d'une augmentation du budget de la culture en Allemagne. 8 %, les gars, rien de moins ! C'est sans doute factuellement vrai ; mais en déduire, comme je l'ai lu plusieurs fois, que l'Allemagne ferait un effort considérable (8 % !) pour investir dans la culture pendant que la France s'en désintéresserait, c'est surtout une belle marque de stupidité. Ce qui augmente(rait) de 8 %, c'est le budget culturel du Bund, de l'Etat central, qui ne représente pas grand-chose dans le financement de la culture en Allemagne. Pendant ce temps, les principaux financeurs que sont les communes (étranglées par les dettes), les Länder et les radios sabrent à grands traits dans leurs budgets culturels, qui sont sans commune mesure avec ce que dépensent les collectivités territoriales en France. Le sommet de l'horreur, c'est la fusion décidée des deux orchestres de la radio SWR (sud-ouest), celui de Stuttgart à résonnance uniquement locale et celui de Baden-Baden et Fribourg, qui est le symbole de la reconstruction culturelle de l'Allemagne d'après 1945, avec sa politique exceptionnelle en faveur de la création contemporaine sous la direction de chefs comme Hans Rosbaud, Ernest Bour, Michael Gielen, Sylvain Cambreling et aujourd'hui François-Xavier Roth. L'herbe n'est pas toujours plus verte ailleurs.
4 décembre – Il paraît que Cecilia Bartoli a été huée lors d’un
concert (dirigé par Daniel Barenboim) à la Scala : le monde lyrique ne s’en
remet pas, comme il ne se remet pas des huées adressées à Patrizia Ciofi lors
de la générale de La Traviata à
Avignon, ni de celles adressées au metteur en scène Yves Beaunesne à la
générale de Carmen à l’Opéra de
Paris. Malgré les similitudes, ces trois histoires sont pourtant très
différentes.
Les huées visant Patrizia Ciofi, qui avait fait le choix de
s’économiser pour pouvoir assurer au mieux les représentations, sont à la fois
indignes et stupides. Je défendrai toujours le droit de huer chanteur, chef ou
metteur en scène lors d’une représentation, mais on parle ici d’une chanteuse en
répétition qui n’a rien à prouver face à un public venu par privilège.
À Paris, le principe de la répétition s’applique aussi en
partie, mais on peut tout de même partir du principe que le produit « mise
en scène » est fini à ce stade et plus ou moins invariant. Je ne me
prononce bien entendu pas sur la valeur du spectacle que je ne verrai sans
doute pas…
À Milan, c’est encore différent : un public – fût-ce ce public – exprime son opinion sur la
prestation d’une artiste. S’y mêlait sans doute, il est vrai, une animosité
personnelle contre une chanteuse qui n’a pas dit que du bien du public italien,
et à qui on a certainement voulu rendre la monnaie de sa pièce. Vous en
penserez ce que vous voulez, mais j’avoue ne pas réussir à en vouloir au public
milanais. Car, je l’avoue, Mlle Bartoli m’horripile depuis quelques années.
Depuis qu’elle est devenue cette machine à faire des récitals bankable, faisant tourner le disque avec
la régularité métronomique d’un boys band bien huilé, et avec autant place pour la spontanéité sur scène (ses éternelles
quatre mines !). Et depuis que son chant, réduit ou presque au concert
soliste où elle est reine et n’a pas à craindre la concurrence de ses
collègues, est devenu une pure mécanique sans âme. Le contexte n’était
peut-être pas le bon, les hueurs milanais sans doute pas des gens fréquentables,
mais au fond de moi, quelque part, il y a un petit diable qui ricane
joyeusement. Eh oui.
8 décembre – Tiens, Sophie Koch à Metz, chantant Wagner (les Wesendonck et un air de Rienzi) et Strauss (la fin du prologue d'Ariane, bizarrement présentée comme un air). Dans l'écrin du récital (avec le décidément très honorable Orchestre National de Lorraine sous la direction de Jacques Mercier, son parfait directeur musical), la conduite purement instrumentale de la voix gêne moins que sur la scène de Bastille. Je ne succombe pas, mais c'est très agréable, en dehors des quelques bizarreries de prononciation.
9 décembre – Il apparaît que cette Carmen de l'Opéra de Paris est bien pire que ce que j'aurais pu imaginer. Je n'ai jamais cru un seul instant que les nouvelles productions récentes de Faust (Martinoty) ou de Manon (Serreau) puissent être autre chose que des catastrophes, et le résultat m'a donné raison. Pour cette Carmen, à l'inverse, j'avais quelques raisons d'être beaucoup moins pessimiste, à tel point que j'ai eu l'intention de prendre une place (heureusement, le système de réservation révoltant de l'Opéra de Paris m'en a empêché) : cette fois, visiblement, j'avais tort. Je crois que c'est historique, tout de même : metteur en scène hué, Carmen huée, Don José hué. Ce que j'ai entendu de la mise en scène m'a paru fort lamentable en effet ; je suis un peu triste pour Nikolai Shukoff, qu'on a déjà entendu à Paris dans ce rôle, et qui, indépendamment de sa prestation du soir, est un chanteur de valeur. Pour Mlle Antonacci, je dois avouer que les huées ne me surprennent en revanche pas. Sa Carmen de l'Opéra-Comique était déjà peu intéressante, sans couleur, sans profondeur. Mais depuis, il y a eu cette Cassandre (Les Troyens) à Londres, qui m'avait consterné par la dégradation de la voix, désormais réduite à une profération sans timbre. Mais dans le monde de l'opéra d'aujourd'hui, perdre sa voix n'est plus un problème, on peut très bien continuer sans. Voyez Dessay et d'autres.
8 décembre – Tiens, Sophie Koch à Metz, chantant Wagner (les Wesendonck et un air de Rienzi) et Strauss (la fin du prologue d'Ariane, bizarrement présentée comme un air). Dans l'écrin du récital (avec le décidément très honorable Orchestre National de Lorraine sous la direction de Jacques Mercier, son parfait directeur musical), la conduite purement instrumentale de la voix gêne moins que sur la scène de Bastille. Je ne succombe pas, mais c'est très agréable, en dehors des quelques bizarreries de prononciation.
9 décembre – Il apparaît que cette Carmen de l'Opéra de Paris est bien pire que ce que j'aurais pu imaginer. Je n'ai jamais cru un seul instant que les nouvelles productions récentes de Faust (Martinoty) ou de Manon (Serreau) puissent être autre chose que des catastrophes, et le résultat m'a donné raison. Pour cette Carmen, à l'inverse, j'avais quelques raisons d'être beaucoup moins pessimiste, à tel point que j'ai eu l'intention de prendre une place (heureusement, le système de réservation révoltant de l'Opéra de Paris m'en a empêché) : cette fois, visiblement, j'avais tort. Je crois que c'est historique, tout de même : metteur en scène hué, Carmen huée, Don José hué. Ce que j'ai entendu de la mise en scène m'a paru fort lamentable en effet ; je suis un peu triste pour Nikolai Shukoff, qu'on a déjà entendu à Paris dans ce rôle, et qui, indépendamment de sa prestation du soir, est un chanteur de valeur. Pour Mlle Antonacci, je dois avouer que les huées ne me surprennent en revanche pas. Sa Carmen de l'Opéra-Comique était déjà peu intéressante, sans couleur, sans profondeur. Mais depuis, il y a eu cette Cassandre (Les Troyens) à Londres, qui m'avait consterné par la dégradation de la voix, désormais réduite à une profération sans timbre. Mais dans le monde de l'opéra d'aujourd'hui, perdre sa voix n'est plus un problème, on peut très bien continuer sans. Voyez Dessay et d'autres.