samedi 7 avril 2007

Kabuki

NB : comme vous le constaterez, ce message est le premier à être illustré d’une photo personnelle, prise en l’occurrence précisément lors de la représentation concernée.

Du Kabuki à l’Opéra Garnier : on n’avait jamais vu ça. À tel point que, la nostalgie du pays natal s’ajoutant au prestige (qui m’étonne toujours, mais passons) des dorures néobaroques du lieu, la salle était truffée de Japonais et de Japonaises, dont un bon nombre en kimono.

Mais les bizarreries ne s’arrêtent pas là : ce spectacle, tout d’abord, est inclus dans la programmation de ballets de l’Opéra en tant que « Compagnie invitée », alors qu’on voit mal le rapport avec le ballet (classique ou contemporain) occidental, le Kabuki étant très peu dansé, et qu’il existe une série ad hoc dans la programmation de l’Opéra, Frontières (série d’ailleurs disparue l’an prochain). Ensuite, il paraît que la scène de Garnier est plus petite de 40% que la scène où la famille Ichikawa exerce ses talents dans son pays natal : pourquoi diable n’a-t-on pas alors donné ce spectacle à Bastille, qui aurait été bien plus appropriée malgré son manque de glamour ?

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Mais halte aux récriminations : bien sûr qu’il était intéressant, même dans ces conditions, de découvrir ce répertoire qui nous est si inconnu. Il faut cependant se méfier de nos réflexes, quand il s’agit de recevoir un tel spectacle : la temporalité n’est pas la même, le rapport entre le texte et la musique, entre la narration (toujours prise au sein d’ensembles narratifs plus vastes) et l’atmosphère ne sont pas les mêmes. Sinon on tombe dans la world music, digestion par la bonne conscience occidentale d’autres modes de pensée musicaux auxquels elle ne comprend rien ; mais la musique japonaise, avouons-le, est moins immédiatement digestible que la musique africaine, par exemple : une sorte de récitatif (peu) accompagné, où la valeur musicale semble ne pouvoir être dissociée de la valeur narrative et poétique.

J’ai donc bien du mal à commenter ce que j’ai vu, mais je n’en suis pas moins heureux de l’avoir vu. La différence principale avec l’opéra occidental, a fortiori l’opéra contemporain des deux pièces du XIXe siècle présentées à Garnier, c’est la nature totalement différente des émotions que ces deux genres entendent susciter : faible palette d’émotions fortes en Occident, large éventail d’émotions ténues et miroitantes en Orient. Des valeurs comme la grâce, l’intelligence, la bonne éducation, occupent une place importante dans le Kabuki, conformément à notre image folklorique du Japon « d’avant » (et sans doute la nostalgie de ce Japon-là est-elle la première justification de la survivance du Kabuki) ; mais la présence de la menace venue des forces de la nature dans les deux pièces est troublante : l’ivrognerie du sage conseiller de la première pièce rejoint ici le monstre qui se cachait dans la belle princesse de la seconde pièce.

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