lundi 20 septembre 2010

Ô surprise : de la musique !

Ce n'est pas un plaisir qu'on a tous les jours : hier, je suis entré dans une sympathique église gothique ouverte pour les Journées du Patrimoine. À l'entrée, on me tend un petit fascicule, que je prends en remerciant poliment. Qu'était-ce donc que ce petit fascicule ?
L'église Saint-Maximin de Metz (photo du blog La Lorraine se dévoile)


Eh bien, c'était le programme d'un concert qui commençait moins de deux minutes après. Au programme : musique allemande du Moyen Âge aux Lumières, avec des œuvres de Buxtehude, Schütz, Bach et d'autres, par les quatre chanteurs de la Scola Mettensis et l'organiste Thierry Ferré. La surprise n'aurait pas pu être plus belle.
Sans doute on peut penser que les grands noms de la musique ancienne, à tel ou tel moment, auraient pu faire mieux à tel ou tel moment. Mais au fond, dire cela, c'est ne pas comprendre grand-chose à l'intérêt de ce concert. D'abord parce que les musiciens sont excellents. Et surtout parce qu'à un moment ou à un autre il faudrait aussi réfléchir à ce qui nous amène à un concert, quand ce n'est pas comme ici le pur hasard.
Sans doute le mélomane parisien a-t-il de la chance de disposer, chaque saison, d'au moins 3 intégrales des symphonies de Brahms, sans compter les symphonies données à part. Sans doute est-il très intéressant de disserter sur les qualités respectives des choix de tempo de Jansons, Thielemann, Masur, Chung et autres dans le finale de la 3e. Tout cela est passionnant, mais quand on se trouve confronté à un programme passionnant, intelligemment constitué et offrant des chefs-d'oeuvre trop rarement entendu comme celui-là, on se dit que la vie musicale des grandes villes fait en partie fausse route.

Je ne veux pas entrer dans de grandes considérations sur ce qui explique la routine sclérosante de nos institutions musicales, par exemple l'inertie des mécanismes de subventions qui fait qu'il est moins coûteux d'inviter un orchestre symphonique de cent membres plutôt qu'un ensemble baroque de dix musiciens. Je ne vais pas non plus dire à quel point nous vivons, après des décennies d'élargissement du répertoire, une triste phase de contraction, de repli sur un "grand répertoire" chargé de rassurer le mélomane frileux : j'en ai déjà assez parlé (ici et ici).

Non, je veux parler de ce qui compte : de la musique. Pour apprécier cette musique, il faut remplir quelques conditions :
-ne pas considérer que la forme sonate est l'alpha et l'oméga de la musique ;
-ne pas considérer que la musique est faite pour déclencher des émotions comparables à la "vraie vie", mais que la musique se suffit à elle-même et a le mérite de déclencher des émotions qu'elle seule peut faire naître ;
-penser que les hiérarchies sont faites pour donner des coups de pied dedans ;

-ne pas penser qu'il faut être 50 et faire beaucoup de bruit pour que ce soit intéressant.

L'enthousiasme des Parisiens ces dernières années pour les concerts symphoniques est très sympathique, c'est toujours mieux que les amateurs d'opéra qui ne supportent pas plus de trois minutes de musique sans contre-ut (il y en a, et même beaucoup). Mais le manque de curiosité à l'égard d'autres formes musicales n'en est pas moins triste.
En écoutant ce concert, en écoutant comment les voix s'entrelaçaient, comment les compositeurs jouent à faire se superposer les couches, dans un motet médiéval comme dans la magnifique Passacaille de Buxtehude (à écouter par exemple ici), je pensais à Ligeti, à Atmosphère plus précisément : combien un tel dialogue entre les périodes, entre des genres toujours si séparés, est plus intéressant que l'histoire de la musique linéaire et sans épaisseur que proposent les programmateurs de concert et à laquelle croient beaucoup de sincères mélomanes ! Combien la musique est plus intéressante quand on ne vient pas reconnaître ce qu'on sait déjà, mais confronter des mondes en apparence éloignés ! Combien celui qui aime le baroque mais vous dira que le contemporain c'est nul ne comprend rien au baroque lui-même ! Combien l'amateur de contemporain contempteur de ce qui n'est pas dans sa définition de la modernité ne comprend rien à ce qu'il croit aimer ! Combien tristes sont ces amateurs de piano qui s'imaginent qu'avec ce "roi des instruments" ils épuisent toute la richesse de la musique !

Dans ce répertoire allemand du XVIIe, si souvent qualifié d'austère - parce que protestant, parce qu'allemand surtout -, il y a des cavernes d'Ali Baba, des îles mystérieuses, des paradis ouverts. On connaît la devise qu'écrit Bach pour un des canons de L'Offrande musicale : Quaerendo invenietis - cherche, et tu trouveras.

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