mercredi 13 octobre 2010

Munich, portrait culturel (1) : Opéra et théâtre

On le sait depuis quelques jours : le nouveau directeur musical de l'Opéra de Bavière à compter de 2013 sera le Russe Kirill Petrenko, qu'on avait pu remarquer en France dans les remarquables Tchaikovski qu'il avait dirigé à l'Opéra de Lyon (dans les mises en scène insipides de Peter Stein, mais rien n'est parfait dans ce bas monde). Il remplace ainsi Kent Nagano, qui a dû jeter l'éponge en raison de l'attitude de l'intendant de la maison, Nikolaus Bachler, à son égard. Nagano est un chef remarquable qui a fait beaucoup pour la maison, beaucoup plus que Bachler en tout cas : il est donc très regrettable que les choses finissent ainsi, mais la tristesse est moindre du fait que les politiques ont au moins fait le bon choix pour le remplacer. Kirill Petrenko, paraît-il, n'est pas quelqu'un de facile, notamment du fait de son perfectionnisme et de ses doutes (qui l'honorent tant qu'ils ne l'empêchent pas de diriger) ; on n'aura donc pas un directeur musical à tout faire, produisant des représentations en série, mais on risque bien d'avoir quelques soirées vraiment mémorables.
Klein, aber fein ? Le deuxième opéra de Munich ressemble à son grand frère

Après tout, cette nomination peut être l'occasion de faire un rapide portrait culturel - ou en tout cas musical - de cette ville, mal connue des Français qui l'assimilent trop souvent uniquement à la (très réellement insupportable) fête de la bière. Je ne parlerai pas des musées, mieux connus mais tous assez vieillots, avec cette présentation germanique destinée à écraser le spectateur plutôt qu'à lui parler d'égal à égal, moins haïssable sans doute que l'Empire Habsbourg (traumatisme muséal : le Kunsthistorisches Museum de Vienne - mais c'est une autre histoire), mais suffisante pour m'en détourner ; mais plutôt de tout ce qui concerne la musique. Sans doute, Munich comme métropole musicale est mieux connue aujourd'hui qu'autrefois, notamment du fait de la multiplication des tournées d'orchestre, mais elle réserve quelques surprises, des bonnes mais aussi des moins bonnes... Suivez le guide !

Munich, son opéra ? Non pas : ses opéras. Luxe suprême, Munich dispose de deux opéras, tous deux nationaux, tous deux disposant de théâtres à l'italienne, l'un étant simplement une sorte de modèle réduit de l'autre. Inutile, je crois, de présenter ici le principal, l'Opéra National de Bavière dont j'ai ici maintes fois parlé. L'autre, appelé Staatstheater am Gärtnerplatz, porte un nom peu accrocheur, mais ce n'est pas son seul problème. Tandis que son grand frère remplit les salles sans problème avec des places dépassant parfois les 200 €, le petit, avec quelques centaines de places en moins et des tarifs qui ne dépassent jamais 60 €, ne parvient pas à faire le plein, souvent pas même pour ses premières. Certes, les subventions sont deux fois moins élevées - mais les spectateurs sont 70 % moins nombreux. Pour le coup, les décisions de l'État bavarois me laissent pantois : certes, il décide de ne pas renouveler le contrat de l'intendant actuel, qui continue sans grande imagination ce qui a toujours été la politique de la maison, de l'opérette, du grand répertoire opératique, quelques raretés par ci par là, sans audace ni dans les mises en scène ni dans le répertoire contemporain - mais il le remplace par un homme dont le profil est exactement similaire. Mais évidemment, il serait mal venu de demander aux Munichois de s'inspirer de ce qui se passe dans la détestée rivale Berlin : l'Opéra Comique de Berlin, au bord de la fermeture il y a quelques années, a su atteindre une dimension internationale, à défaut de salles vraiment pleines, en invitant des metteurs en scène innovants et en travaillant le répertoire contemporain. Pas de ça chez nous...

Puisque nous parlons de mise en scène, parlons de théâtre parlé : Munich a moins de théâtres que Berlin, où il faut des heures pour choisir ce qu'on va bien pouvoir aller voir dans ce domaine, mais le choix reste vaste et d'un niveau remarquable. Je ne connais pas le Volkstheater, dont le directeur Christian Stückl a fait quelques mises en scène d'opéra, dont le Palestrina munichois disponible en DVD (que je ne conseille qu'à moitié, vu l'œuvre...), mais il faudra bien que j'y mette les pieds ; en revanche, je connais bien les deux grands théâtres de la ville.
Le Cuvilliés. Ma photo n'est pas très belle, mais le théâtre non plus

À ma gauche, le Staatsschauspiel, national comme son nom l'indique, et dirigé par un vieux routard du théâtre munichois : Dieter Dorn, lui aussi (un peu) connu des amateurs d'opéra (en DVD notamment L'Upupa de Henze), a dirigé le théâtre dont je vais parler ci-après depuis 1983 avant de passer en 2001 à cet équivalent munichois de la Comédie-Française : un peu une statue du Commandeur du théâtre à Munich. Les spectacles que j'ai pu y voir sont de bonne facture, ils ne sont pas poussiéreux, mais pas non plus très vivifiants.
Le théâtre dispose de plusieurs salles : le Residenztheater situé juste à côté de l'Opéra, moderne mais d'une acoustique étonnamment difficile, est la "grande salle" ; le Marstall que je ne connais pas est la petite salle, tandis que le célèbre Cuvilliés sert de salle de prestige, malgré sa petite taille : théâtre rococo plus ou moins conservé en l'état (les ornements démontés pendant la seconde guerre mondiale ont été remontés, après le pilonnage de la Résidence par les bombes, dans un autre lieu de ladite Résidence), il est connu pour avoir été le lieu de la création de l'Idoménée de Mozart. On y joue parfois encore des opéras (comme la sublime Cenerentola dont je vous avais parlé), mais c'est le théâtre qui est le quotidien de cette salle, qu'à vrai dire je n'aime pas particulièrement.

Si le présent est un peu endormi, l'avenir de l'institution est plus réjouissant : c'est un homme de théâtre bien connu des amateurs d'opéra (je ne ferai pas une liste de ses productions disponibles en DVD...) qui viendra succéder à Dieter Dorn la saison prochaine, un certain Martin Kušej...

À ma droite (sans arrière-pensée politique, ce serait d'ailleurs plutôt l'inverse !) : les Kammerspiele, institution municipale dont la salle principale est un charmant théâtre Art Nouveau. Lors du départ de Dieter Dorn en 2001, la ville de Munich avait voulu donner un tour plus contemporain à l'institution ; elle avait donc choisi Frank Baumbauer, qui a réussi à en faire un théâtre vivant, avec un public fidèle et enthousiaste (et plus jeune que chez le voisin...). On craignait que le départ de cet homme discret mais si inventif donne l'occasion à la ville de faire un retour en arrière : point du tout, c'est à un des metteurs en scène phares de la direction de Baumbauer qu'il est fait appel, Johan Simons, dont j'ai déjà maintes fois fait l'éloge ici. Il vient d'ouvrir sa direction avec une nouvelle adaptation d'un roman de l'Autrichien Joseph Roth : les critiques sont enthousiastes, j'attends avec impatience de la découvrir à mon tour...

à suivre : orchestres et salles de concerts

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2 commentaires:

  1. Sais pas... Compter des daubes a Munich n'est pas tres difficile non plus. Les oeuvres du repertoire se font avec des mises en scene "prehistoriques" (Cosi, Nozze, et puis Tannhauser, Tristan... + le repertoire italien) Lohengrin etait un ratage de Jones, ainsi que Don Giovanni (que je n'ai pas vu mais globalement semble etre considere une daube), puis Tosca catastrophique... Je ne peint pas tout en noir. C'est un grand theatre et il y a de tres grands moments a vivre la bas.

    Toutefois, Bale, Stuttgart, Berlin [et meme Zurich, Freibourg] sont a mon sens meilleurs en termes de l'offre artistique.

    L'interet de Munich et Francfort est ce qu'ils offrent des stars... et on est de retour vers le point du depart.

    Sinon Bachler est un peu l'equivalent de Nicolas Joel ;)

    Est0ce que tu sais ce que Nagano fera apres la fin de sa fonction au BSO ?

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  2. Tu remarqueras que je n'ai pas parlé de mise en scène à l'Opéra de Bavière dans ce message... Il faut bien comprendre qu'on est dans une maison de répertoire, obligée de présenter tout le grand répertoire, donc forcément pas toujours dans des mises en scène fraîches...
    Pour Bachler=Joel, c'est quand même un peu excessif. Bachler a dirigé le principal théâtre de Vienne avant de venir à Munich, de façon impeccablement contemporaine ; son premier spectacle a été un Macbeth mis en scène par Kusej, pas une Mireille... Cette saison, on recommence par un Kusej (Rusalka), et on continue en décembre par Bieito (Fidelio) ! Maintenant, c'est évident que sa manière de (ne pas) faire vivre le répertoire est préoccupante, et du coup on voit des représentations de répertoire d'une médiocrité qu'on ne connaissait pas sous Sir Peter Jonas.
    Pour Nagano, aucune idée ; il est toujours DM de son orchestre canadien!

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