Le Deutsches Theater avec le décor d'Oncle Vania (photo Musicasola) |
Et je n'ai pu m'empêcher de penser à une situation similaire, il y a plus de 10 ans de cela : on jouait au théâtre de l'Odéon Arlequin serviteur de deux maîtres de Goldoni, en dialecte vénitien sans surtitres ; là aussi, le metteur en scène venait de mourir quelques mois auparavant : c'était Giorgio Strehler. Et je me souviendrai toujours du moment, à la fin du spectacle, où Arlequin, lors des saluts, ôtait son masque pour nous laisser en tête à tête avec l'acteur Ferruccio Soleri, lui à qui Strehler disait : "C'est extraordinaire, plus tu vieillis et plus ton Arlequin rajeunit". Et dans le visage de cet homme qui jouait le rôle depuis 25 ans, qui avait lors de ces représentations près de 70 ans, mais qui avait joué un Arlequin bondissant, insaisissable, qui incarnait en quelque sorte le bonheur de la vie qu'on n'arrive jamais à capturer, dans le visage de ce vieil acteur soudain révélé, on ne pouvait s'empêcher de lire la tristesse du deuil. Strehler avait travaillé maintes fois son spectacle, qui avait pris au fil des décennies bien des visages : dans cette ultime version, une sorte d'abstraction mélancolique était venue gommer la vie bouillonnante, et volontiers bruyante, de la commedia dell'arte. Il reste, heureusement, de nombreuses vidéos de son travail, malheureusement peu diffusées : là est le vrai Strehler, méfiez-vous des imitations.
Abonnez-vous ! (vous pouvez aussi vous abonner par mail (case en haut à droite)
J'ai aussi vu cet Arlequin serviteur de deux maîtres. C'était en 2000 ou 2001, j'avais dont 12 ou 13 ans. Là aussi Ferruccio Soleri (merci de m'apprendre son nom) enlevait son masque pour saluer. Ce spectacle avait émerveillé le garçon de 12-13 ans que j'étais alors qui avait littéralement des étoiles dans les yeux. J'en ai tiré une profonde et durable passion pour tout ce qui a trait à la Commedia Dell Arte. Ce spectacle fait partie des plus beaux que j'ai vu de ma vie (à l'égal des Peines de cœurs d'une chatte anglaise d'Alfrédo Arias où les acteurs étaient également tous masqués.) En passant, il me semble que les si beaux décors et peut être même les costumes d'Arlequin étaient bel ét bien d'Ezio Frigerio qui avant d'être le complice conspué de Joel était bel et bien le génial collaborateur de Strehler.
RépondreSupprimer