jeudi 17 mai 2007

Il n'y a pas qu'à Hollywood qu'on aime les histoires de revenants. La preuve en est faite par Manuscrit trouvé à Saragosse, roman à tiroirs du comte Jan Potocki, modèle d'aristocrate européen (et plus précisément polonais) de la fin du XVIIIe siècle, fils des Lumières mais esprit romantique, multipliant les voyages d'études en Asie centrale, passionné par les doctrines cabalistiques, et sans doute grand dépressif.
Son roman n'a jamais été édité en entier de son vivant; l'édition la plus courante est celle éditée en 1958 par Roger Caillois, dans la langue originelle qui est le français : la note éditoriale est d'une grande maladresse, mais il semblerait qu'elle regroupe plus ou moins la totalité du texte qui nous est connu dans l'original, tandis que l'autre édition, celle publiée par José Corti, intègre les passages connus seulement par des traductions, ce qui a pour effet de doubler le volume du roman. Tout cela n'est pas bien clair, mais la vogue que connaît aujourd'hui ce roman peut permettre d'espérer une édition à la fois intégrale et claire dans ses principes...
Si je parle ici de ce roman, c'est parce que l'édition de Caillois vient de ressortir pour l'anniversaire de la collection L'imaginaire chez Gallimard. C'est une première occasion rêvée pour découvrir ce texte à un prix modeste, d'autant que le livre est accompagné du film de Wojtech Has, réalisé en polonais en 1964: plus qu'un vulgaire bonus, ce film fascinant est à la hauteur de l'imagination foisonnante de Potocki. Il montre aussi remarquablement comment une histoire fantastique peut permettre de faire passer un contenu plutôt subversif aux yeux d'une censure tatillonne : on reste stupéfait qu'un tel film ait pu être réalisé dans un pays communiste dans la grisaille des années 60.
Il faut remarquer aussi la musique : c'est à Krzysztof Penderecki, qui à l'époque était un compositeur novateur, que Has confie son film; la partition électronique réalisée paraît sans doute un peu datée à nos oreilles, comme d'ailleurs à peu près toute la musique électronique de cette époque, mais il est certain qu'elle contribue beaucoup à l'atmosphère mystérieuse de ce film.
Pour ceux qui n'aiment pas sortir des sentiers battus, j'ajouterai que le film a été restauré par Martin Scorcese : ouf, on peut le rattacher à du connu!

Un lien à consulter : plusieurs textes d'une universitaire sur le film et notamment sur les formes déguisées de censure qui ont longtemps pesé sur le film.

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