lundi 28 mai 2007

Le prix de la gratuité

Les concerts gratuits à Radio France, c'est fini, et paradoxalement on ne s'en plaindra pas. Créés en 2001 par René Koering, ces concerts regroupés sur une poignée de week-ends chaque année depuis seront en effet victimes du vaste chantier de rénovation qui commencera dans toute la Maison Ronde. La musique y gagnera certainement, puisque la très laide et très peu pratique Salle Olivier-Messiaen (photo) deviendra une salle de répétition pour les orchestres, tandis qu'un nouvel auditorium de 1500 places verra le jour.
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Quel bilan peut-on tirer de cette expérience?
Au niveau de la programmation, les expériences positives s'unissent aux concerts indigestes. A vrai dire, le partage entre les deux est souvent trop simple à faire: les plus mauvais concerts sont souvent ceux des orchestres maison (National de France et Philharmonique de Radio France); ceux-ci ne sont déjà pas très bons en général, mais le manque de répétitions et de motivation sont encore plus flagrants lors des concerts gratuits. Beaucoup de bons concerts, en revanche, notamment dans le domaine baroque: on se souviendra longtemps d'un concert Monteverdi avec Gaële Le Roi et Sandrine Piau, accompagnées par Christophe Rousset et trois musiciens...
Au niveau de la fréquentation, les débuts avaient été positifs, si on considère comme positif le fait de faire faire une heure de queue à certains en étant incapable de les accueillir ensuite (car on ne réserve pas); depuis, les choses ont bien changé : si les concerts d'orchestre, même mauvais, font toujours plus ou moins le plein, la plupart des concerts frappent par des centaines de places vides. Que la subvention généreusement dispensée dans ces concerts serve à faciliter l'accès de tous à la musique, soit; qu'elle finance des places vides, c'est déjà plus douteux!
En outre, il faut parfois s'interroger sur la qualité du public. Oublions immédiatement toute idée d'un public populaire: on est dans le XVIe arrondissement, pas loin du XVe, le public est largement local et ces gens sont pour la plupart tout à fait capables de payer. Et ce public apparaît particulièrement mal élevé, avec la complicité passive des organisateurs: on rentre et sort quand on veut, en plein pendant la musique; on passe d'une place à l'autre, on tripote généreusement son programme (oui, cela fait du bruit); et on amène les enfants, avant de se rendre compte en général au bout d'une demi-heure que ce n'est pas de leur âge (d'où départ souvent bruyant et précipité). Le magnifique concert du pianiste Ivan Klansky hier en aura été un parfait, et triste, exemple.
Il convient donc de s'interroger sur l'intérêt de la gratuité: on a souvent souligné que ce qui est gratuit est ce qui ne vaut rien, et que dans le domaine culturel cela entraînait souvent manque de respect et désaffection à moyen terme. Il faut surtout souligner qu'un concert gratuit ne coûte pas moins cher à produire qu'un concert payant: quelle légitimité y a-t-il à ce que l'Etat subventionne à 100% certaines places de concert ? Je ne me réjouis pas des prix élevés des places au TCE ou à Pleyel, mais je ne suis pour autant pas du tout sûr que le public en soit moins populaire. Le fait de faire payer, même de façon symbolique, les places de concert, c'est aussi une sorte de "test de motivation"; dans notre société du "trois pour le prix de deux", de la "bonne affaire" comme motivation suprême, l'étiquette magique "gratuit" attire des gens plus fascinés par ce mot qu'intéressés par la musique.
Adieu donc, salle Olivier-Messiaen; adieu, concerts gratuits: nous ne vous regretterons pas!

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