lundi 1 octobre 2007

FESTIVALS (1) : Bayreuth, à quoi bon ?

Mon chemin a croisé cet été trois des plus importants festivals de l'ère germanique: Bayreuth par la radio, Salzbourg à la marge, et Munich intensément. Petit tour d'horizon, à l'usage des Français.


C’est un fait trop peu connu dans le monde musical : le site internet du Festival de Bayreuth est un haut lieu de l’humour musical. Toujours dirigé d’une main de fer par le même pas nonagénaire Wolfgang Wagner – ou par ses proches, mais ne faisons pas de mauvais esprit –, l’antique festival se fend en effet régulièrement de communiqués qui sont de véritables bijoux. Ma perle préférée est sans doute le démenti – car la plupart de ces communiqués sont des démentis – concernant le titre de « directrice désignée du Festival » maladroitement accordé à Katharina Wagner, fille du chef, metteuse en scène et peut-être successeur de son père. Passe encore qu’on prenne la peine de nier l’évidence concernant le souhait du père et de la fille de voir celle-ci accéder à la direction du Festival – le plus étonnant est qu’il est bien précisé que ces rumeurs sont d’autant plus infondées qu’« il n’existe pas actuellement de situation qui mettrait cette succession sous les feux de l’actualité » (je traduis de mémoire)…

Et il y a aussi l’« affaire Wottrich » : après avoir annulé toutes ses représentations après la première de la Walkyrie l’an passé, le ténor a été contraint de renoncer à certaines représentations de la reprise de cette année, pour maladie. Oui, pour maladie : toute autre supposition relève, nous dit-on, de la fantasmagorie et « est de nature à nuire à la réputation de l’artiste ». On ne nous dit pas, bien sûr, quelles seraient ces supputations : peut-être pourrait-il s’agir de l’état vocal déplorable dudit Endrik Wottrich, amplement confirmé par la retransmission radio de la Walkyrie de cette année malgré tous les artifices techniques mis en œuvre ?

Passons sur le fait que Wottrich, fortement hué en 2006, soit le compagnon de ladite Katharina : seule son influence, en vérité, peut justifier un tel choix de distribution, et surtout son maintien contre vents et marées. Le problème, c’est qu’il n’y a pas que le cas Wottrich : je n’ai eu du festival de Bayreuth, où je n’ai jamais mis les pieds, que des reflets radiophoniques. Mais ceux-ci, joints à la lecture des distributions, me suffisent amplement pour savoir que je n’ai guère à le regretter. Bien sûr, tout n’est pas mauvais – ce serait beaucoup demander : le Wotan d’Albert Dohmen, par exemple, mérite d’être entendu.

Mais que dire d’un premier acte de Walkyrie où un Wottrich à bout de voix dialogue avec une Sieglinde (Adrianne Pieczonka) en parfaite santé vocale, mais sans une once d’investissement laissant apparaître une quelconque vision du rôle ? Que dire, surtout, de la direction invertébrée, qui se veut chargée d’une densité instrumentale très allemande mais qui n’est que pâteuse, de Christian Thielemann ? Le plus si jeune chef, qui se veut l’héritier d’une « grande tradition », est salué par beaucoup comme le nouveau génie de la direction à l’allemande : ce n’est pas avec un sens théâtral aussi terne qu’il me convaincra. Que dire, enfin, d’un Robert Holl, qui n’a ni la voix, ni le style, ni le sens de la déclamation de Gurnemanz (Parsifal), et qui rend interminable un monologue qui est sans doute le plus beau de tout l’œuvre de Wagner ?

Certains me répondront peut-être en invoquant la fatalité, le déclin du chant wagnérien, voire le déclin du monde en général. Voire ; mais qui a entendu le Ring donné à Munich en novembre dernier, comme moi, sait que toutes ces lamentations ne sont que de plats stéréotypes. Christopher Ventris, Philip Langridge, Waltraud Meier, John Tomlinson – et j’en passe : tous ces noms me font encore tressaillir, tant ils incarnent une forme de perfection wagnérienne à laquelle je n’aurais pas forcément cru moi-même avant de les entendre. Certes tous ne sont pas jeunes, mais la question n’est pas là : pourquoi Bayreuth n'est-il pas le lieu où on entend les meilleurs wagnériens du moment ?

On peut être reconnaissant à Wolfgang Wagner d’avoir toujours eu la volonté de renouveler la mise en scène wagnérienne sans s’enfermer dans un conservatisme mortifère – avec, peut-être, un succès moindre ces dernières années ; mais à quoi sert un tel investissement, si l’aspect musical vient trahir ces bonnes intentions ?

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