Un chanteur, un pianiste, quoi de plus intime, quelle meilleure occasion de faire naître une musique de l'intime dont les subreptices charmes, qui ne sont guère dans l'air du temps, n'ont jamais attiré et n'attireront jamais un vaste public, ne quittent jamais ceux qui leur ont une fois succombé ?
Et pourtant, ce répertoire du Lied, avec cette Zweisamkeit ("solitude à deux") qui le caractérise, n'a pas manqué de susciter la créativité des transcripteurs de tout poil : on connaissait depuis longtemps les transcriptions par Liszt de certains Lieder de Schubert, voilà qu'au contraire ce sont, depuis quelques années, les diverses orchestrations de ses Lieder qui reviennent à la mode. C'est notamment Claudio Abbado, avec des chanteurs comme Anne Sofie von Otter ou Thomas Quasthoff, qui a lancé cette mode, avec des concerts et un disque où les collaborateurs intempestifs du pauvre Schubert se nommaient Reger, Berlioz, Britten ou Webern : avec toute mon admiration pour Claudio Abbado, je dois avouer ne jamais avoir été très convaincu par cette tentative : les orchestrations réalisées, souvent banales, n'ont rien du génie de celles d'un Mahler ou d'un Berg faisant des versions orchestrales de leurs propres Lieder.
Plus innovante sans doute est la tentative de "recomposition" du Voyage d'Hiver pour ténor et (volumineux) ensemble réalisée par Hans Zender, avec un grand succès dont témoignent de nombreux concerts* et plusieurs enregistrements (chez Kairos [Prégardien/Cambreling] et RCA [Blochwitz/Zender]) : comme obsédée par le rythme lancinant d'une marche comme perdue dans le brouillard, marche immobile que d'incertaines trouées éclairent par ci d'un trait de guitare Biedermeier, par là d'une trompette à l'indiscrète pétulance, cette réinterprétation composite ne me convainc pourtant, jusqu'à présent, qu'à moitié, tant l'instrumentation bigarrée choisie par Zender fait perdre pour un profit incertain le dépouillement de la partition originale.
Toute autre est la démarche d'Aribert Reimann, compositeur confirmé, particulièrement à l'aise avec la voix, et non moins expérimenté accompagnateur, qui connaît le répertoire du Lied comme personne. Lui a pris plusieurs Lieder épars de Mendelssohn, Schumann, Brahms et Schubert pour composer des cycles où la voix de soprano est rejointe par la richesse de timbres du quatuor à cordes. Le plus remarquable de ses travaux est peut-être le cycle consacré à Mendelssohn, compositeur constamment méprisé en France, Oder soll es Tod bedeuten? (Serait-ce la mort, dernier vers du Lied Neue Liebe) : loin de rompre l'intimité du dialogue entre la chanteuse et son accompagnateur, le recours au quatuor, qui accompagne le poème mais relie également les Lieder entre eux par des transitions d'une intelligence chambriste remarquable. Ces cycles sont eux aussi bien défendus au disque, par Juliane Banse d'une part (Tudor, avec le quatuor Cherubini), Christine Schäfer (Capriccio, avec le quatuor Petersen), tous deux également recommandables... Particulièrement conseillé aux mélomanes qui penseraient que la musique vocale est condamnée à tomber dans la vulgarité des récitals de starlettes façon Netrebko ou Villazon...
*On peut écouter en ligne ce cycle par Hans Peter Blochwitz sur le site de la radio lettone (à 20 h 10).
Titre : Qui a inventé cette petite chanson? (titre d'un des plus intrigants des Lieder de Mahler)
vendredi 27 février 2009
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