jeudi 12 janvier 2012

Amadis en mode Economie d'énergie

Amadis de Gaule, l’opéra de Johann Christian Bach donné pendant quelques jours à l’Opéra-Comique, c’est une bénédiction pour un critique : ça ne casse pas la tête, on ne fâchera personne, c’est parfait pour un dimanche après-midi en mode ralenti, et en plus c’est vite écrit.

Pourquoi voulez-vous une mise en scène, puisque vous avez un décor et des costumes ?


Oui, bon, bien sûr, ce n’est pas une conception très dynamique de l’opéra, mais après tout c’est toujours moins gênant que les simagrées dorées sur tranche de Benjamin Lazar (qui est à la mise en scène ce que les éditions Jean de Bonnot sont à la bibliophilie). On met des jolis décors à l’ancienne (mais moins beaux que les maquettes de décors XVIIIe qu’on possède), on dit aux chanteurs de se placer en avant-scène et de ne pas trop bouger pour ne pas froisser leurs costumes, et le tour est joué. Du coup, il est un peu difficile de savoir quoi penser de l’œuvre elle-même : à force de nous dire par tous les moyens que de toute façon l’histoire n’en vaut pas la peine, on finit presque par le croire.
Je suis pour ma part très convaincu de l'intérêt musical de cette période qui, en terre germanique, va de la mort de Bach aux grandes œuvres de Mozart, et ne crois pas que la tragédie lyrique n'a dû son salut qu'à Gluck (comme si, par exemple, il n'y avait pas déjà un monde entre Hippolyte et Les Boréades, pour se contenter de Rameau ; comme si la tragédie lyrique n'avait pas son mouvement propre). Cette période, heureusement, est un peu mieux connue désormais ; je ne parviens pas à me débarrasser de l'impression que, aux côtés de nombreux compositeurs de talent, elle a un peu manqué de compositeurs de génie - encore que, bien sûr, Haydn est déjà actif, mais notre myopie fait que nous le rattachons inévitablement à la période qui suit. Ce que nous avons entendu à l'Opéra-Comique entre assez bien dans cette catégorie : beaucoup de plaisir et un sens dramatique non négligeable, mais qui ne me fera pas oublier Rameau. Bien coachés par la presse, les spectateurs autour de moi n'ont pas arrêté de faire des comparaisons avec Mozart : comme dans toutes les partitions de ce genre - et il n'est pas difficile de préfigurer Mozart quand lui-même a absorbé goulûment toutes les influences de son époque !
Que dire d’autre ? L’Opéra-Comique continue sa politique ultraréactionnaire pure et dure, mais cette fois on a au moins le plaisir de la découverte, un orchestre vaillant et agréable (Jérémie Rhorer, autre chose quand même que le misérable Spinosi de la récente Flûte du TCE), une distribution correcte (avec un point noir, Allison McHardy, et un élément intéressant, la haute-contre Philippe Do). Le temps passe agréablement, ma foi ; mais j’avoue ne pas avoir pu m’empêcher de penser au Phaéton de Lully mis en scène par Christopher Alden et dirigé par George Petrou à Sarrebruck (critique Resmusica) : il est temps qu’à Paris aussi on apprenne à faire du baroque français autre chose qu’un aimable divertissement sans conséquence. Je ne suis pas sûr que la production d'Hippolyte et Aricie  que l'Opéra de Paris s'apprête à un importer soit de nature à faire changer les choses.

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