Mes héros. Surtout Tabea Zimmermann, mais les autres aussi (photo Marco Borggreve) |
Donc cette fameuse biennale. S'il y a bien un projet inactuel, dans le monde de la musique d'aujourd'hui, c'est bien celui-là. Pensez, vendre 20 concerts de quatuor à cordes en 10 jours à Paris, c'est insensé. Il n'y a rien de moins visuel qu'un concert de quatuor : quatre messieurs (dames acceptées, mais rares) assis sur une chaise, l'air concentré ; une musique qui ne donne même pas envie de danser (des exceptions existent) ; une musique sans paroles, qui ne raconte rien, cachée derrière d'obscurs numéros d'opus (tu préfères le 127, toi ? Ah non, moi, le 132, avec son mouvement lent...) : impossible, mal venu, pas vendable. Et plusieurs concerts par jour, en plus ? Allons, vous plaisantez.
J'avoue qu'en 2003 je n'y avais guère cru, à cette entreprise qui venait idéalement dans mon parcours personnel à un moment où l'opéra ne me suffisait plus, où il me fallait d'autres horizons. Mais le succès était là, palpable dans la fréquentation des concerts comme dans l'enthousiasme des publics, beaucoup plus divers qu'on aurait pu le croire. Depuis, nous voilà à la 5e édition : des détails d'organisation ont changé, le principe est resté, et le public est toujours plus nombreux et toujours plus enthousiaste.
J'aurais volontiers assisté aux 19 concerts de cette édition : je suis heureux d'avoir pu en voir 7, ceux du dernier week-end, moins ceux des deux formations que je n'estime pas (euphémisme - Capuçon et Pražák, si vous voulez tout savoir). Dommage, surtout, pour le premier week-end consacré aux jeunes quatuors.
Difficile de faire un bilan de ce qui n'est ni une compétition, ni un concours de beauté, où il n'y a - c'est bien reposant - ni vainqueur ni vaincu. Il m'aura fallu attendre le dimanche pour que la biennale réponde vraiment à mes attentes. Bien sûr, je suis toujours très heureux de retrouver le quatuor Arditti, même si mon enthousiasme pour les oeuvres de Wolfgang Rihm qu'il interprétait cette fois est, disons, variable : une musique toujours bien faite, agréable, mais Rihm est un compositeur très actif, sans doute trop, qui écrit souvent des choses sans intérêt à côté d'oeuvres plus réellement inventives. C'est toujours mieux, et comment, que Dusapin qu'une précédente biennale avait mis à l'honneur, mais peut-être une intégrale n'était-elle pas indispensable...
Les héros, donc se lèvent tôt le dimanche matin. Le Quatuor Arcanto est un cas un peu à part dans le monde des quatuors : là où beaucoup de ces formations sont formées dès le Conservatoire avec le but, si Dieu le veut, de durer le plus longtemps possible, les Arcanto se sont formés en 2004 alors que leurs membres avaient chacun une carrière de soliste très enviable, simplement par envie de jouer ce répertoire, ce qui peut se comprendre. La critique, au début, s'était posé des questions sur la possibilité pour des solistes confirmés de trouver cette unité, cette écoute, cette fusion qui sont la base de la musique de chambre : les Arcanto ont brillamment montré que c'était possible, et même que cela pouvait être une bénédiction. Tout mon respect aux autres formations de la biennale, mais cette richesse de couleurs, cette vibration à la fois collective et individuelle, je ne l'ai pas entendu ailleurs, il faut bien le dire. Le public, à la fin du concert, était en transe : quel plaisir de voir cet enthousiasme toujours croissant que suscite la musique de chambre aujourd'hui !
Sinon ? La bonne surprise est venue du quatuor Hagen, que j'avais vu en mai dernier dans un état fort peu recommandable (critique Resmusica) : il a retrouvé du punch, du mordant, de l'unité, et son concert - Haydn tout autant que Beethoven - a fait montre d'une constante délicatesse. La mauvaise surprise est venu du quatuor Takács, très vénérable formation dotée d'une remarquable discographie, mais que je n'ai jamais vu, jusqu'à présent, que bon, jamais excellent. Leur concert de la biennale 2012 est une déroute, à la fois technique et expressive. Désolant. Il faut encore au moins que je cite le quatuor de Jérusalem, très convaincant dans les deux demi-concerts (partagés avec les Arditti) que j'ai vus.
Restent, après l'évocation des délices de l'édition 2012, quelques désirs qui rendraient mon bonheur plus complet pour la prochaine édition :
-Donnez-nous du Haydn, s'il vous plaît. Depuis la première biennale, jamais Haydn n'a été au centre des débats, c'est bien dommage ;
-Rendez-nous deux des meilleurs quatuors du monde, le quatuor Keller et le quatuor Mosaïques, qui sont d'ailleurs, chacun à sa façon, de remarquables interprètes de Haydn ;
-Restructurez la programmation en proposant des concerts d'une heure sans entracte, plutôt que de faire aller le public sur ce rythme boîteux entre pauses, entractes et intervalles entre les concerts ;
-Et enfin, offrez-nous, les années sans biennale quatuor, une biennale clavecin, qui ne déplacerait sans doute pas autant les foules (tant mieux, l'amphithéâtre n'est pas bien grand) mais trouverait son public en deux temps trois mouvements...
Quelle belle chroniquette enthousiaste et enthousiasmante !
RépondreSupprimerBon, je vais acheter un fouet pour me punir de ne pas avoir été à la biennale. Un martinet pour me punir de ne pas avoir écouter les Arcanto.
(ça rattrape un peu si je dis avoir été écouter des MIni-dissonances en quatuor aux Bouffes du Nord ?)
Oui, mais achète quand même le fouet.
RépondreSupprimerOh oui, plus de Haydn !
RépondreSupprimerUne biennale de Haydn au clavecin par Kavakos !
RépondreSupprimer(chacun sa manie)
1e édition pour ma part et de très beaux moments..
RépondreSupprimerRendez-vous en mai - juin pour découvrir de jeunes quatuors lors des concerts ProQuartet en Seine-et-Marne!;)