vendredi 20 avril 2012

Shakespeare par Thomas Ostermeier : heureusement que Berlin vient à Paris

Des sous pour le théâtre ? Oui, mais pour le théâtre allemand. Plutôt que de subventionner en vain les théâtres français qui ne savent produire que du médiocre - mes excuses aux exceptions -, on pourrait financer par le ministère de la culture français les théâtres allemands pour qu’ils viennent ensuite encore plus souvent nous présenter leurs spectacles.

Voilà ce que je me disais en sortant vendredi soir de Mesure pour mesure de Shakespeare, mis en scène à la Schaubühne de Berlin par Thomas Ostermeier et présenté – comme beaucoup de spectacles d’Ostermeier – à l’Odéon la semaine dernière. Ce n’était pas Jonas Kaufmann et Anja Harteros, c’était Gert Voss, Lars Eidinger, Jenny König : j’exagère à peine en vous disant que les ovations étaient les mêmes pour ces acteurs de théâtre que pour les stars lyriques. On le voit bien : au fil des années, le nombre de spectacles étrangers accueillis à Paris ne cesse de croître, sans paraître pouvoir épuiser l’appétit du public (panneaux « cherche places » repérés pour cette énième invitation parisienne d’un spectacle berlinois). Quand on voit la critique française s’extasier sur les vieilleries d’un Alain Françon, chez qui les acteurs sont réduits à n’être que des bouches sur pattes, incapables de faire autre chose que de débiter du texte…

Le spectacle d’Ostermeier, comme d’habitude, est brillant ; comme d’habitude, le texte est réduit à sa moelle, ce qui n’est sans doute pas la seule manière de souligner efficacement les enjeux d’un texte, mais qui est tout de même diablement efficace, et si on ne peut manquer de noter d’énormes résonances contemporaines, ce n’est pas par une greffe artificielle : oui, cette pièce où un tyran puritain condamne à mort un malheureux au nom d’une ancienne loi appliquée automatiquement sonne bizarrement au pays de Claude Guéant et de l’Institut Pour la Justice (pour ceux qui l’ignorent, un groupuscule d’extrême-droite qui se sert de thèmes judiciaires pour tenter de mettre au pas tout ce qui résiste au saint Travail-Famille-Patrie). Automaticité des lois, récidives, statut pénal du chef de l’État...
Ce qui est intéressant, plus largement, dans le théâtre allemand, c'est que c'est un théâtre officiel, institutionnel, validé par les autorités, municipal ou national, mais pas sans filet (il y a, bien sûr, des exceptions, et l'immature Piratenpartei a proposé, figurez-vous, de supprimer la Deutsche Oper de Berlin pour saupoudrer les millions mis de côté sur la création indépendante). C'est ce théâtre-là, où les acteurs sont salariés, où le public est abonné de génération en génération pour le meilleur et pour le pire, qui se révèle parmi les meilleurs d'Europe - non le théâtre français, qui n'est pas miséreux, mais dépense son argent de manière absurde tout en se plaçant dans une posture fatigante de révolutionnaire professionnel.
En attendant, et même si Olivier Py est le parfait produit de ce calamiteux système français, je ne peux manquer de constater qu'il s'agissait là de mon 4e spectacle de la saison dans son Théâtre de l'Odéon. Quand on sait la concurrence sévère qui existe à Paris quand on aime à la fois danse, théâtre, musique, et qu'on n'est pas parisien, ce n'est pas rien.

1 commentaire:

  1. assiaemilie26/6/12 23:58

    heu voilà je n'ai jamais été au théâtre de ma vie et je ne suis pas des études artistiques. Bref, je me demande si une pièce de T. Ostermeier ne va pas m'effrayer pour une première introduction au théâtre...

    RépondreSupprimer

Une petite râlerie ? Une pensée en l'air ? Une déclaration solennelle à faire ? C'est ici !

NB : Les commentaires sont désormais modérés en raison de problèmes de spam. Je m'engage à publier tous les messages qui ne relèvent pas du spam, même à contenu désagréable

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...