La Franconie n’est pas particulièrement réputée, que je
sache, pour son humour (encore que l’humour bavarois de manière générale, vu de
France, puisse nécessiter quelques adaptations). Pourtant, une petite ville
isolée tient année après année à livrer sa dose de comédie avec cette
opiniâtreté bien bavaroise dans le respect des traditions qui fait l’admiration
ou du moins l’étonnement du monde entier. Cette petite ville s’appelle
Bayreuth, et un compositeur de la seconde moitié du XIXe siècle a eu l’idée étrange
d’y fonder un festival, ce dont il se serait évidemment bien gardé s’il avait
pu deviner que 129 ans après sa mort il aurait le malheur d’y être représenté
par ses propres descendants. La livraison de comédie cette année est
particulièrement dense et solide.
samedi 28 juillet 2012
lundi 23 juillet 2012
Opéra de Paris, bilan 2011 (2)
Et voilà la suite de mes commentaires sur le rapport publié ces jours-ci, en toute discrétion, par l'Opéra de Paris sur l'année budgétaire 2011. Sans doute ce rapport était-il fait pour enfoncer le clou de la reconduction nécessaire de Nicolas Joel après la victoire tout aussi nécessaire de l'autre Nicolas - malheureusement pour les deux, l'Histoire en a décidé autrement, et ceux qui ont régné par la politique périssent par la politique, à commencer par Christophe Ghristi, le très compromis sous-fifre de Joel, dont le titre précis m'échappe. Le rapport, en tout cas, est là, bien caché dans les méandres du site de l'Opéra. Signalons, au passage, que la démarche est notamment imitée du Royal Opera, qui a cette pratique de transparence depuis toujours : ne nous exaltons pas, faire preuve de transparence est normal et indispensable quand on a plus de 100 000 000 € de subventions.
vendredi 20 juillet 2012
Opéra de Paris, bilan 2011 (1)
Depuis l'époque Hugues Gall, l'Opéra de Paris a pris l'habitude de publier de manière plus ou moins claire, régulière et précise des rapports d'activité à destination du grand public : c'est évidemment la moindre des choses quand on reçoit 100 millions d'euros de subvention par an. Pour la deuxième année, Nicolas Joel a choisi la forme d'une brochure PDF, diffusée cette fois en toute fin de saison pour qu'on n'aille pas y mettre son nez de trop près, et dont j'ignore si elle existe aussi sous forme matérielle (si oui, autorisation à toutes mes connaissances de m'en mettre une de côté). Mais le PDF, en tout état de cause, permet d'en faire l'analyse.
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Un des grands moments de la saison passée : le Faust ridicule mis en scène par Jean-Louis Martinoty. Je me suis dit qu'une tête de mort s'imposait au frontispice de cet article. |
dimanche 15 juillet 2012
Marins londoniens (2) - Billy Budd, King of the birds
J’aurais peut-être dû commencer par là, ça aurait évité
qu’on me prenne pour le râleur de service. Je suis allé à Londres pour Les Troyens, mais c’est bien la tragédie
du beau Billy qui aura fait le prix de ce voyage – sans parler, du moins pour
le moment, de danse.
D’abord – ce n’est jamais inutile de le rappeler –, ce qui
fait le prix d’une représentation d’opéra, c’est… non, pas les chanteurs… non,
pas la mise en scène… non, pas le chef… oui, c’est ça, c’est l’œuvre. Britten
le moderniste pragmatique n’est pas aimé des lyricomanes de base, il est
volontiers méprisé par les bouléziens de stricte observance : j’appartiens
beaucoup plus à la seconde catégorie qu’à la première, mais j’aime les opéras
de Britten, de Peter Grimes au Viol de Lucrèce, du Turn of the Screw à Billy
Budd, sans même parler du Songe d’une
nuit d’été où chaque note est un bijou. Le livret de Billy, avec son manichéisme
volontaire, sa manière presque innocente de poser un problème moral, est une
formidable machine dramatique qui met en lumière des problèmes sociaux, et donc
politiques, de façon à la fois engagée et convaincante. L’opéra est plein de
tendresse et d’admiration pour le très humain Captain Vere ; mais il ne
laisse pas ignorer qu’il n’y a pas de Captain Vere sans John Claggart. La bonne âme de Sechuan en version Royal
Navy, si on veut.
L’immense plaisir de cette nouvelle production de
l’institution la plus britténienne du monde, l’English National Opera, c’est
d’abord l’orchestre, curieusement non nommé sur la fiche de distribution, et
son chef Edward Gardner. Gardner n’est pas inconnu du public français :
Gerard Mortier avait invité ce chef pour la première fois en 2005, pour du
ballet, puis pour L’elisir d’amore et
The Rake’s Progress. Il n’avait pas
alors fait grande impression, mais on finit par comprendre la rengaine : l’orchestre
de l’Opéra n’accepte de travailler qu’à certaines conditions – deux en fait :
vous devez déjà être un chef reconnu et vous ne devez pas perturber les bonnes
vieilles habitudes. Ici, dans ce Billy
Budd, le résultat est tout simplement magique : la clarté
exceptionnelle de la musique de Britten, ses complexités insondables, sa puissance
émotionnelle en clair-obscur, tout est là dans ce qu’on entend dans la fosse.
Décidément : pas de bonne représentation d’opéra sans grand chef. Ici, ce
qu’on entend dans la fosse aurait, je crois, suffi à mon bonheur même avec une distribution
médiocre et une mise en scène plate.
Or la distribution, justement, n’était pas médiocre. Je ne
suis guère convaincu par le Captain Vere de Kim Begley, qui remplaçait Toby
Spence dont la grave maladie ne lui a pas permis de faire ici le retour qu’il
espérait, et nous aussi. On l’a déjà entendu dans ce rôle à Paris en 1998 et 2010,
selon le bon principe que Joel ne fait jamais que copier ce qu’avait fait Gall,
mais Begley, correct en 1998, a décidément pris de l’âge et le résultat n’est
pas très agréable, tout en sauvant l’essentiel. Tous les autres, en revanche,
font très bien l’affaire. Benedict Nelson est suffisamment charismatique, même
si le timbre est un peu érodé, en Billy, la longue litanie des seconds rôles
est d’une qualité constante bien agréable, mais c’est pour moi Matthew Rose en
Claggart qui domine les débats, avec une voix qui ne sombre pas dans le
charbonneux, qui se permet la subtilité, et qui fait tenir le personnage par l’intelligence
plus que par la force brute – son « Let him crawl » fait froid dans
le dos précisément pour cela.
Quant à la production, disons-le : ce n’est
certainement pas le travail le plus personnel de David Alden, loin de sa
Rodelinda (DVD !), de son Retour d’Ulysse
ou de son Ring. Mais le travail est propre, honnête, compétent, et il rend
assez bien compte du contenu de l’œuvre. Le contexte maritime ne l’intéresse
pas plus que cela, mais il rend compte de l’aspect concentrationnaire du navire
avec pertinence et efficacité.
Dommage que l’English National Opera, avec sa politique
commerciale stupide (vendre les places trop cher puis les brader en dernière
minute par les circuits les plus improbables), ne réussisse pas à vendre plus
de 60 % de la salle : voilà une production qui aurait bien mérité de faire
salle comble. Bien plus que l’escroquerie des Troyens.
mercredi 4 juillet 2012
Marins londoniens (1) – Énée et ses Troyens
Le concours n’est peut-être pas tout à fait fini, mais la nouvelle production des Troyens de Berlioz à Londres a quelque chance de constituer la plus grande déception de la saison lyrique européenne. Sans doute, le Royal Opera n’est pas coupable de tout – après tout, si Jonas Kaufmann a renoncé, c’est la faute à Berlioz qui a écrit un rôle qui dépasse un peu ses capacités, pas celle de Kasper Holten.
Mais tout de même.
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Pauvre cheval... Oui, c'est la nuit, visiblement. |
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