lundi 23 juillet 2012

Opéra de Paris, bilan 2011 (2)

Et voilà la suite de mes commentaires sur le rapport publié ces jours-ci, en toute discrétion, par l'Opéra de Paris sur l'année budgétaire 2011. Sans doute ce rapport était-il fait pour enfoncer le clou de la reconduction nécessaire de Nicolas Joel après la victoire tout aussi nécessaire de l'autre Nicolas - malheureusement pour les deux, l'Histoire en a décidé autrement, et ceux qui ont régné par la politique périssent par la politique, à commencer par Christophe Ghristi, le très compromis sous-fifre de Joel, dont le titre précis m'échappe. Le rapport, en tout cas, est , bien caché dans les méandres du site de l'Opéra. Signalons, au passage, que la démarche est notamment imitée du Royal Opera, qui a cette pratique de transparence depuis toujours : ne nous exaltons pas, faire preuve de transparence est normal et indispensable quand on a plus de 100 000 000 € de subventions.


La jauge financière

Comme justement remarqué par Licida (voir commentaires du message précédent), le rapport de cette année est privé d’une information très intéressante qu’avait apporté le rapport de l’année précédente : la jauge financière, autrement dit le rapport entre la recette de billetterie des représentations et la recette maximale possible si toutes les places étaient vendues au prix fort – autrement dit, cela aide à mesurer dans quelle mesure on a distribué des places gratuites (normales dans une certaine mesure) et des places vendues à tarif réduit. Très franchement, la présence de ces chiffres dans le rapport de l’an passé était un bel effort de transparence que personne n’offre dans le monde de l’opéra et qu’à vrai dire personne ne demandait à l’opéra de Paris.

Mais quand on a publié ce chiffre une fois, on s’expose à tous les soupçons dès lors qu’on le supprime l’année suivante. Combien de places jeunes a-t-on vendu pour parvenir aux 94 % de remplissage pour Francesca da Rimini ? Combien de places gratuites pour Akhmatova, la production « familiale » de l’Opéra de Paris ? L'an passé, si on avait pu constater que La Sonnambula ou La donna del Lago avaient été de vrais succès où le taux de remplissage et le taux financier étaient très proches (et je ne parle pas de la qualité des spectacles, ce n'est pas le sujet ici), Werther avec Jonas Kaufmann avait été rempli à grands coups de réductions (86 % pour les finances, 96 % pour le nombre de places).
Cette année, mystère... Mais rassurez-vous, tous les renseignements sans intérêt, en particulier en provenance de la DRH, sont toujours là...

Les finances : bénéfice et recettes de billetterie

Le langage comptable ne s’embarrasse pas de sentiments, c’est si on veut sa qualité première. Il n’empêche qu’on ne peut s’empêcher de sursauter quand on lit qu’une institution subventionnée à plus de 100 millions d’euros a réalisé pour l’année 2011 un bénéfice de plus de 5 millions d’euros, à la suite d’un bénéfice de près de 3 millions l’année précédente.
Ce n’est pas un hasard, et ce n’est pas un chiffre négligeable. Certes, je n'aurais pas été très heureux aussi si on m'avait annoncé un déficit de même ampleur, qui aurait été évidemment un signe alarmant de mauvaise gestion. Mais un tel "bénéfice" n'est certainement pas un résultat dont on peut se féliciter, surtout quand il se répète ici pour la 2e année et qu'il n'est pas dû au hasard. Que sont ces 5 millions d'euros ? Ce sont des dizaines de milliers de places qu'on aurait pu vendre moins cher à ceux qui n'ont pas les moyens, si tant est qu'il en reste à Paris ; c'est une dizaine de représentations supplémentaires qu'on aurait pu proposer à un public qui, pour peu qu'on s'y prenne bien, ne demande pas mieux que de pouvoir venir plus ; c'est la possibilité de ne pas se soumettre autant aux contraintes du taux de remplissage ; c'est aussi, bien sûr, la possibilité de renoncer à l'augmentation insensée du prix des places à commencer par les catégories moyennes. Bref, tant de possibilités gâchées pour quoi faire ? Pour faire comme Fafner le dragon dans Siegfried : Ich lieg' und besitz', je repose et possède.
Ce n'est pas là ce qu'on vous avait demandé, M. Joel, ce n'est pas la mission d'une institution culturelle de service public que de thésauriser. Vous êtes là pour créer, pour parler au public, pour ouvrir les yeux et les oreilles des gens, pas pour vivre en père Goriot qui préfère reprendre une vieille production plutôt que de donner leur chance aux artistes d'aujourd'hui.

 L’autre chiffre intéressant, bien sûr, c’est celui des revenus de la billetterie. Rappelons-nous qu’officiellement les prix n’ont pas augmenté à l’Opéra de Paris, ou si peu : cela paraît évident quand on constate l’explosion des recettes de billetterie, qui n’est visiblement pas liée à une augmentation proportionnelle du nombre de places vendues. C'est comme la multiplication des petits pains : je vendais 731 000 places en 2010, j'en vends 739 000 en 2011 (+ 1 % grâce au ballet) ; j'en tirais 53,2 millions d'euros en 2010, j'en tire 57,8 millions en 2011 (+ 8 %), mais le prix des places, on vous l'a dit et redit, n'a pas augmenté. Comment osez-vous en douter ?

2 commentaires:

  1. Jean-Charles9/9/12 23:13

    Je serais également curieux de connaître le budget Communication de l'ONP. Les écrans plasma du métro parisien semblent dédiés à l'Opéra de Paris, tous les quotidiens en ligne affichent régulièrement un large encart publicitaire pour l'opéra de Paris, etc.

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  2. Visiblement, Tardieu a fondé sa stratégie sur une présence constante, et paie ce qu'il faut pour ça. C'est une campagne très clairement orientée vers la reconduite de Joel, en vain heureusement...

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