vendredi 25 octobre 2013

Salzbourg 2014 : le programme complet

ACTUALISATION : LE LIEN A DISPARU, VOIR MON COMMENTAIRE CI-DESSOUS !

Incroyable mais vrai : une très simple astuce permet (mais peut-être pas pour longtemps) de consulter le programme du Festival de Salzbourg presque complet deux semaines avant sa divulgation officielle. Il suffit de cliquer sur ce lien : voici donc mes premiers commentaires...


Opéra

Si vous lisez ce blog régulièrement, vous vous doutez que, cette année encore, ce n'est pas dans ce secteur que je vais passer le plus de temps. Noblesse oblige, j'irai voir la création annoncée, Charlotte Salomon du Français Marc-Antoine Dalbavie, d'après l’œuvre de l'artiste homonyme, qui documente par sa peinture ses pérégrinations dans et hors de l'Allemagne nazie : un sujet lourd donc, ce qui ne donne pas toujours les meilleurs résultats (on se souvient d'Akhmatova, du brillant féministe Bruno Mantovani, à l'Opéra de Paris). Je garde peu de souvenirs, et pas spécialement brillants, de la période où Dalbavie était en résidence à l'Orchestre de Paris : on verra bien. La mise en scène est de Luc Bondy, la distribution encore non révélée.
Je ne perdrai pas beaucoup de mots sur la première première de cette édition, le Don Giovanni Eschenbach/Bechtolf qui suit le calamiteux Così de l'an passé : s'il y a bien une chose à ne pas aller voir à Salzbourg, c'est bien Mozart, on a tellement mieux ailleurs, et avec des distributions équivalentes (Pisaroni et d'Arcangelo, excellents mais déjà vus et revus) ou meilleures, et des prix, disons, différents.
J'ai aussi du mal à m'enthousiasmer pour le Chevalier à la Rose, proposé avec une distribution honorable mais pas plus (je n'ai vraiment pas très envie d'entendre la Maréchale de Krassimira Stoyanova, qui m'ennuie tellement chez Verdi). Zubin Mehta et Vienne, c'est la routine assurée, et que peut, aujourd'hui, Harry Kupfer (dont le Ring de Bayreuth, puisqu'on a beaucoup parlé de Ring et de Bayreuth ces temps-ci, constitue un véritable bond en arrière après celui de Chéreau) ? C'est encore pour connaître la réponse à cette question que je serais éventuellement prêt à aller y passer un après-midi estival. Mais à bas prix ou pas du tout.
Fierrabras, le mal connu opéra de Schubert (mais son plus connu, en quelque sorte), j'irai. À bas prix aussi, parce que la mise en scène sera assurée par Peter Stein, ancien jeune loup mordant les vieux ringards devenu vieux ringard mordant les jeunes loups, ce qui n'est pas glorieux. Alexander Pereira semble aimer beaucoup cette œuvre (il n'est pas le seul), qu'il avait montée à Zurich avec Jonas Kaufmann (DVD !). Cette fois, c'est Michael Schade qui s'y colle, et la chute risque d'être rude, même si les dames (Julia Kleiter, Dorothea Röschmann) ont quand même des atouts sérieux. Pas de Harnoncourt dans la fosse, mais l'inusable Ingo Metzmacher (il me semblait qu'il devait diriger la création de Dalbavie, mais j'imagine que le forfait de Harnoncourt a rendu nécessaire une transmission de baguette à Dalbavie lui-même...).
Les stars, donc, ne sont dans aucun de ces 4 opéras : elles sont d'abord dans un bien inutile Trouvère, avec Placido Domingo qui menace de beugler un baryton Verdi de plus, et Anna Netrebko, entourés de Mme Lemieux (en Azucena ???) et Francesco Meli, et mon cauchemar Gatti à la baguette. La mise en scène est d'Alvis Hermannis, devenu en quelques années la caution scénique "moderniste" du festival : la distribution étant très inférieure à celle entendue à Munich l'été dernier, dans une excellente mise en scène d'Olivier Py, vous comprendrez que j'aurai là encore mieux à faire.
J'aurais en revanche bien été voir la Cenerentola, reprise du Festival de Pentecôte, où Cecilia Bartoli revient enfin à ses débuts de mezzo rossiniens, mais la première tombe trop tard pour moi. Cela dit, la banalité chic de Damiano Michieletto pour la mise en scène et la confusion de Spinosi dans la fosse limitent mes regrets. Mais quel bel opéra !
Deux versions de concert pour finir : La Favorite de Donizetti avec (attention stars !) Elina Garanca et Juan Diego Florez ; et un prétentieux Projekt Tristan und Isolde, qui n'est autre qu'une version de concert de l'acte II avec prélude du I et Liebestod ; distribution classique comme gravée dans le marbre : Seiffert, Meier, Gubanova, Pape, et Barenboim à la tête de son West Eastern Divan Orchestra.

Théâtre

D'accord, ça n'intéresse à peu près que moi ici, mais ce n'est pas mal : je me réjouis pas mal de voir sur scène Les derniers jours de l'humanité, tragédie monstre de Karl Kraus autour de la première guerre mondiale - vous avez remarqué, ce sera le centenaire de la première guerre mondiale. Dans la même veine, le Don Juan revient de guerre de ce dramaturge de pur génie qu'est Ödön von Horvath, mis en scène par Andreas Kriegenburg. Le reste est un peu moins intéressant, avec deux spectacles qui promettent surtout des jolis visuels, le théâtre revu par le design chic, avec Katie Mitchell (dont je pense le plus grand mal, mais je n'ai pas le temps de développer ici) et une adaptation du Golem de Gustav Meyrinck par la compagnie 1927.

Concert

Vous aurez compris que c'est là ce qui m'intéresse toujours le plus à Salzbourg, et même si je fais le difficile je dois avouer qu'il y a des choses intéressantes.
Comme l'été dernier, ce n'est pas dans les grands projets de Pereira qu'on les trouvera : Bruckner a été si abondamment joué ces dernières années à Salzbourg qu'on n'avait vraiment pas besoin d'une intégrale de ses symphonies, même si la qualité des interprètes (surtout quand ce n'est pas les Viennois) n'est pas en cause ici (Radio Bavaroise avec Haitink pour la 5e, par exemple). De même, en musique contemporaine, outre l'obligatoire série autour de Dalbavie, j'avoue être un peu consterné de voir une série autour de Wolfgang Rihm, très estimable compositeur, mais joué et rejoué et surjoué partout dans le monde, et qui avait déjà bénéficié d'un abondant cycle monographique à Salzbourg en 2010.

La série Ouverture Spirituelle, que je continue à exécrer pour son austro-centrisme et le caractère fallacieux de son ouverture aux "autres religions", est "ouverte" cette année à l'islam - comme si l'islam, religion de plus de 6 % des Autrichiens, était encore un fait étranger qu'on accueille comme un phénomène exotique. Et la programmation, autour de la mystique soufie, a l'air d'être plus le fruit d'une opportunité médiatique que d'un véritable intérêt pour une musique. Reste qu'on trouve dans la partie bien de chez nous, c'est-à-dire catholique ou protestante, de la programmation de la série, un peu plus de concerts intéressants que d'habitude, avec des œuvres très rares à Salzbourg, avec Israel in Egypt et le Dixit Dominus ainsi qu'une cantate de Bach par Gardiner, ou un programme de grands motets français par William Christie (en remplacement d'un oratorio de Haendel en version scénique, annulé pour une raison financière). Plus classique, Bernard Haitink viendra diriger la Création de Haydn avec la Radio Bavaroise, son excellent orchestre et son fantastique chœur - passons sur le fait que Harnoncourt avait déjà dirigé ce même oratorio l'été dernier...

Très positive en revanche est la vitalité retrouvée de la série des Liederabende, un des fondements de l'identité musicale du Festival. Je crois qu'une telle liste de noms se passe aisément de commentaires : Anna Prohaska, Thomas Hampson, Christian Gerhaher (avec un programme renversant), Anja Harteros, Piotr Beczala, Elina Garanca, tout est dit. Seul regret, la série se déroulera presque entièrement dans la Haus für Mozart, très inférieure pour le Lied (et pour presque tout le reste) au Mozarteum.
La musique de chambre, elle, est également un peu plus vivante que l'an dernier, mais le hasard veut que je manque presque tout. Les interprètes ne sont du reste pas forcément mes préférés, et même si je serai à Salzbourg ce soir-là, je n'irais pour rien au monde voir la soirée autour de Steven Isserlis, par exemple.
Côté piano, une grande entreprise : les sonates de Beethoven, en 7 concerts, par l'Austro-Autrichien Rudolf Buchbinder ; pas sûr qu'il soit à la hauteur de sa grande réputation dans l'aire germanique - et ce un an après une autre intégrale Beethoven, celle des quatuors par les Austro-Autrichiens Hagen. L'intégralite est une maladie grave. Pierre-Laurent Aimard jouera le premier livre du Clavier bien tempéré, et les usual suspects Kissin, Sokolov et Pollini seront là : ce n'est pas original, mais je ne boude pas mon plaisir, et je serai là.
Côté orchestre, c'est naturellement Bruckner obligé dans presque tous les concerts des Wiener Philharmoniker ; seul Gustavo Dudamel y échappe avec un programme autour de Richard Strauss. Domingo vient chanter le requiem de Max Reger avec Barenboim, mon cauchemar Gatti dialoguera avec mon cauchemar Lang Lang dans un concerto de Mozart, et Muti rendra hommage à son fantasme Karajan avec une symphonie de Schubert. Chez les invités, Harnoncourt fera tout de même un passage éclair avec son Concentus Musicus et les 3 dernières symphonies de Mozart, le Philharmonia viendra avec Dohnanyi (pour la 9e de Bruckner) et Salonen, j'ai déjà parlé de la Radio Bavaroise et du West Eastern Divan Orchestra, sans oublier les inévitables de la fin du Festival, Concertgebouw et Jansons, Berliner et Rattle. Tout ceci sans véritable événement dans les programmes qui ne proposent qu'une routine plus ou moins luxueuse.
Les deux orchestres salzbourgeois font un peu mieux : avec la Camerata, c'est Christophe Rousset qui se chargera cette année de la traditionnelle Messe en ut de Mozart à Saint-Pierre, et Thomas Zehetmair sera là pour Mozart, Mendelssohn et une création ; quant aux Mozart-Matineen, on y trouve toujours l'agaçante tendance à y recaser tout et n'importe quoi (Weill, Beethoven, Tchaikovski, et Villazon qui fera son cirque dans Gluck), mais les 2 ou 3 qui me seront accessibles sont très intéressantes : pour entendre la cantate maçonnique de Mozart et une messe de Michael Haydn, je suis prêt à redonner une chance à Adam Fischer ; Minkowski devrait nous offrir quelques airs de concert avec Elisabeth Kulman, et je me réjouis déjà de retrouver dans ce cadre Ivor Bolton, qui continue sa glorieuse exploration des sérénades et invite pour le 17e concerto l'ébouriffant pianofortiste Kristian Bezuidenhout. J'irais jusqu'à dire que si vous ne voyez qu'une chose à Salzbourg cet été, vous devriez choisir donc ce concert-là.

Ma conclusion personnelle...

... c'est que je vais faire des économies. Moins de concerts d'orchestre et d'opéra, plus de Liederabende et de piano, ça soulage beaucoup mes finances. Un séjour un peu plus court, des places beaucoup moins coûteuses en moyenne, et probablement un bilan artistique malgré tout plus positif que l'annus horribilis 2013. En attendant Markus Hinterhäuser en 2017.

3 commentaires:

  1. Pascal Gottesmann28/10/13 10:58

    C'est tout de même bien intéressant ce programme d'opéra. Tout d'abord je pourrais faire le trajet à Salzbourg sur les genoux pour voir la Cenerentola de Bartoli et la distribution autour est alléchante.
    Pour le Trouvère, j'ai de gros doutes sur Domingo qui ne m'a jamais convaincu en tant que baryton Verdien lui qui fut un si beau Manrico. Avec Hampson, présent à Salzbourg pour un Liederabende, on aurait tenu un grand Luna à la hauteur de la distribution féminine. Car du côté des femmes c'est splendide. Je suis certain que Verdi conviendra à merveille à la voix et au timbre onctueux de Netrebko. Je ne veux pas m'avancer mais je pense qu'elle pourrait devenir la grande spécialiste de ce répertoire pour les 15 prochaines années. Quand à Lemieux, j'ai dernièrement imaginé un trouvère avec elle et je suis heureux que la réalité rejoigne mes pensées.
    Pour la favorite, outre les stars, il faut souligner la présence du vétéran Nello Santi, excellent chef pour ce répertoire toujours à l'écoute des chanteurs et faisant ressortir de fort belles couleurs de son orchestre.
    Le Don Giovanni, que vous passez sous silence offre quand même un duo maître-valet de haute tenue avec D'Arcangelo et Pisaroni.
    Je ne me considère comme pas assez compétent en symphonique et en musique de chambre pour commenter le reste du programme mais je suis certain qu'il recèle également des pépites.

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  2. J'ai bel et bien commenté le Don Giovanni ; le problème n'est pas tant la distribution que... tout le reste ! Comme il n'y aura aucune matinée pour ce spectacle, je ne le verrai pas. Pour Le Trouvère, je trouve moi aussi Domingo en baryton impossible (il chante pesamment faux, je ne sais pas comment ses fans peuvent se le cacher). Par contre, je ne suis pas du tout convaincu par Netrebko, ici comme ailleurs (chez les Russes à la rigueur...) : la voix est très ample et impressionnante, c'est sûr, mais ça manque terriblement de personnalité, de finesse, de nuances, et même de musicalité. Il suffit de comparer avec la merveilleuse Anja Harteros, qui est l'intelligence même en plus d'être vocalement sans faille (je sais qu'elle a beaucoup annulé ces derniers temps... mais jamais quand j'étais dans la salle !).
    ________________________
    Par ailleurs ce qui devait arriver est arrivé : près d'une semaine après que j'ai découvert et fait connaître l'adresse qui permettait d'accéder au programme 2014, le Festival s'est rendu compte de sa bévue et a tout retiré, en attendant l'annonce officielle du 6 novembre. Entre-temps, j'avais pu accéder aux dates précises des opéras, que je vous copie ci-dessous à toutes fins utiles :

    Don Giovanni 27, 30.07; 3, 6, 12, 15, 18.08
    Charlotte Salomon 28.07; 2, 7, 10, 14.08
    Rosenkavalier 1, 5, 8, 11, 14, 17, 20, 23.08 (toutes ces dates à 18 h) [quand on pense à quel point le Festival a ramé pour vendre ses Maîtres-Chanteurs l'an passé, on a du mal à comprendre pourquoi tant de dates ont été prévues pour le Chevalier à la Rose, surtout que Strauss peine toujours à remplir les salles à Salzbourg...)
    Trovatore 9, 12*, 15*, 18*, 21*, 24.08 (*matinées à 15.00/15.30/16.00)
    Fierrabras 13, 16, 19, 22, 25, 27.08
    Cenerentola 21, 23*, 26, 29, 31*.08 (*matinées)
    La Favorite 22.08, 16.00; 26.08, 19.00

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  3. Pascal Gottesmann.28/10/13 19:02

    Autant pour moi pour Don Giovanni. Sinon pour Netrebko, je suis peut etre plus sensible au timbre et aux moyens vocaux et vous aux nuances et à la musicalité. C'est probablement une question de répertoire de prédilection.

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