Que faire le dimanche matin, quand on a déjà vu la veille la Mozart-Matinee de la semaine ? Il ne reste plus qu’à se résoudre à aller voir le concert du Philharmonique de Vienne avec les mondains, tant pis. Je n’avais pas vu l’orchestre en concert depuis bien longtemps : je l’ai retrouvé tel qu’en lui-même, soucieux de sa couleur instrumentale plus que de la partition, incapable d’investir plus que le strict nécessaire dans le concert du jour. Esa-Pekka Salonen, pas plus que Berg ou Bruckner, n’ont pu faire dévier le mastodonte de sa trajectoire. Au moins Angela Denoke a su chanter admirablement les courts Altenberg-Lieder de Berg : c’est mieux que rien, mais il y a vingt orchestres dans le monde qui auraient fait mieux à ses côtés.
Retour au théâtre le soir, dans la salle acoustiquement problématique du Landestheater, pour la première d’un diptyque composé de La dernière bande de Beckett suivie par son « écho » féminin, Jusqu’à ce que le jour nous sépare ou Une question de lumière, écrit en français par Peter Handke et ici joué pour la première fois dans sa version allemande. Le metteur en scène Jossi Wieler est un peu connu du public d’opéra en France pour des spectacles donnés à Stuttgart et disponibles en DVD : Alcina (que l’Opéra de Lyon avait importée) et un remarquable Siegfried ; et j’avais parlé l’an dernier, avec enthousiasme, de sa Rusalka salzbourgeoise. Au théâtre, il n’est pas accompagné de son acolyte Sergio Morabito, mais il retrouve un familier en la personne d’André Jung, un des acteurs phares des Kammerspiele à Munich qui coproduisent le spectacle. Le spectacle qu’ils ont réalisé marque avant tout par sa sobriété, par le refus de la « performance d’acteur » hollywoodienne à laquelle la pièce (pas forcément la meilleure de Beckett) paraît pouvoir conduire. Jung, qui est un acteur formidable, possède l’art rare du silence et de l’immobilité comme peu d’acteurs : rien à voir avec le hiératisme d’un Robert Wilson, mais une intensité du geste et du regard qui créent une qualité d’émotion rare. Face à lui, Nina Kunzendorff dit ensuite le texte de Handke, où elle incarne l’amour perdu dont parle une de ces bandes enregistrées tout au long de sa vie par le personnage de Beckett : comme un fantôme qui l’aurait suivi de sa naissance à sa mort, elle évoque avec distance, avec ironie, avec affection, ce personnage difficile qu’est (qu’était) Krapp, qui cesse ainsi d’être seulement l’épave humaine qu’on lit trop facilement dans la pièce de Beckett. Un spectacle court, dense, fragile, discret, d’une émotion délicate.
dimanche 16 août 2009
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