Le site Internet de l'Opéra ne donnera les détails que dans quelques jours, mais des informations issues de la conférence de presse de présentation de la prochaine saison sont d'ores et déjà diffusées à partir d'une dépêche AFP. Car l'Opéra préfère faire annoncer sa saison par la presse plutôt que de le faire lui-même - il est vrai que le site de l'Opéra en serait bien incapable : il est aujourd'hui complètement surchargé par une ouverture de location, ce qui est assez cocasse quand on sait que l'Opéra ne met en place qu'une petite partie de ses places en vente sur Internet. Mais tentons, malgré tout, de regarder vers l'avenir... Quelques commentaires, donc, sur cette nouvelle saison, sans aucune prétention à apporter la moindre information nouvelle...
(pour les lyricomanes purs et durs, j'ai déjà parlé de la saison lyrique là...)
1. Brigitte Lefèvre doit partir.
Je le dis comme ça, avant de parler du contenu, parce que c'est vraiment une question de principe. Brigitte Lefèvre dirige la troupe depuis 15 ans, elle a désormais passé 65 ans, et on peut désormais avoir de sérieux doutes à trouver à ce stade de sa carrière de directrice le brillant qu'elle n'y a jusqu'à présent jamais mis. Le pire est qu'on ne sait pas si quoi que ce soit est prévu pour sa succession...
2. Le classique
Dans le domaine classique, la routine est reine : on se réjouit de revoir une fois de plus le merveilleux Lac des Cygnes dans la version de Rudolf Noureev, une des versions les plus passionnantes du classique par excellence. Moins enthousiasmant (et moins franchement classique), le Roméo et Juliette chorégraphié par Noureev peut occuper quelques soirées, comme Paquita, résurrection incertaine d'un ballet de Petipa par Pierre Lacotte, qu'on a beaucoup vu ces dernières années. On ne sait trop si on doit ajouter ici une autre réinvention de classique, la Coppélia de Patrice Bart : le spectacle est tellement médiocre que classique et contemporain risquent de se le refiler comme une patate chaude...
Bref, du classique il y en aura. Mais ce qui manque ici, c'est le désir, c'est la volonté de faire vivre ce répertoire au-delà de la simple rentabilisation de l'héritage Noureev. Partout dans le monde, on fait vivre le répertoire classique, que ce soit par des résurrections ex nihilo ou par un travail plus philologique de reconstitution à partir des notations chorégraphiques anciennes. Pas à Paris : dommage !
Peut-être la venue du Bolchoi, dont le programme n'est hélas pas encore annoncé, donnera-t-il un peu plus de piquant à cette triste saison classique - mais les troupes russes savent aussi bien cultiver le classique le plus ringard que redonner une vie incroyable à leur héritage... [EDIT : ce sera Flammes de Paris - les Soviets célèbrent la Révolution Française - et Don Quichotte]
Ce sera finalement, apparemment, l'école de danse qui, d'une certaine façon, sauvera l'honneur, avec la version Lacotte - très classique, et très réussie - de Coppélia...
3. Le contemporain
Pour le contemporain, il y a au moins deux très fortes raisons de se réjouir, mais gardons-les pour la fin. Malheureusement, Brigitte Lefèvre a la mauvaise idée de recourir à nouveau à Wayne McGregor, le héraut d'une génération de danse contemporaine toc inventée par le Royal Ballet pour avoir l'air contemporain : sa précédente création au Palais Garnier, Genus, avait prétendu mettre en scène les théories de Darwin ; ici, je ne connais pas encore le détail des sources d'inspiration pour cette nouvelle pièce (qui prendra toute la soirée), mais le titre seul suffit, et ne nécessite, je crois, pas de commentaires : L'anatomie de la sensation. Sans doute un traité sur l'art de cacher la pauvreté de la danse sous la richesse des prétentions philosophiques...
Plus modeste en apparence, mais plus sympathique à mes yeux, le Caligula créé par l'étoile Nicolas Le Riche aura droit à une nouvelle série de représentations ; mal accueilli à sa création, passé sous silence à sa reprise précédente, cette pièce en apparence douce et discrète mérite pourtant qu'on s'y arrête un moment, et je ne peux que conseiller à ceux qui l'avaient peu appréciée à la création ou l'ont pas encore vue de lui redonner une chance.
Je n'en dirais pas de même d'un cas similaire, la création d'une autre étoile maison, Les enfants du Paradis de José Martinez : la musique de Marc-Olivier Dupin est ce qu'on peut imaginer de pire dans le genre consonant, sirupeux, complaisant ; la chorégraphie de José Martinez, elle, se veut très narrative, mais est incapable de raconter une histoire par la danse. On a l'impression à la fois de n'avoir qu'un très léger digest de l'épopée originale et de ne pas avoir de danse : José Martinez ne sait raconter que par des gestes explicites qui sont plus du mime que de la danse, et cela prend tant de temps que la danse n'y a plus sa place. Dommage pour les financements sans doute considérables investis dans ce projet : l'échec est total, et il aurait mieux valu pour le Ballet de l'Opéra cacher cette pièce plutôt que la remonter.
Mais venons-en aux deux grands moments de la saison. Tout d'abord, l'Opéra a réussi à faire revenir à son répertoire Le Sacre du Printemps de Pina Bausch, une des pièces fondatrices (1975) de la renommée de la chorégraphe allemande récemment disparue, et un choc visuel toujours aussi efficace aujourd'hui : la troupe parisienne est la seule à avoir eu le droit de danser la pièce hors du Tanztheater Wuppertal, mais elle avait perdu ce droit à cause de son comportement indélicat à l'égard de la chorégraphe ; ouf, l'orage est passé, et le chef-d'œuvre revient (la soirée est complétée par un Balanchine et l'une des pièces créées récemment pour l'Opéra par Trisha Brown).
Le second événement, qui risque de ne pas susciter le même enthousiasme du public, est l'entrée au répertoire de Rain d'Anne Teresa de Keersmaeker : la chorégraphe flamande, elle non plus, n'est pas très enthousiaste à l'idée de travailler avec des troupes permanentes, mais je suis persuadé qu'elle a beaucoup à apporter à la troupe parisienne. Il était d'ailleurs nécessaire de commencer par une entrée au répertoire et non par une création : ce sera ainsi aux danseurs d'accepter cet apprentissage, et ils en ont bien besoin. Mais le public suivra-t-il ? Rien n'est moins sûr, si on compare avec le flop commercial de la belle soirée Mats Ek donnée il y a deux ans (La maison de Bernarda/A sort of), laquelle fera l'objet d'une reprise sans doute pas plus remplie...
Et pour finir, entre classique et contemporain, le Ballet de Hambourg, invité régulier du Palais Garnier, sera à nouveau présent à l'Opéra : John Neumeier est aussi à l'aise dans l'un que dans l'autre, c'est donc de toute façon une bonne nouvelle...
mardi 9 mars 2010
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