jeudi 22 avril 2010

2010/2011 : le pire de la saison parisienne

Vous ne m’y verrez pas, sauf accès soudain de perversion, et vous n’en lirez pas de critiques ici : après les différentes sélections que je vous ai proposées du meilleur des différentes salles de concert parisiennes et autres, il fallait bien que j’en arrive au pire. Ce sera, selon les cas, médiocre, vulgaire, insipide, ennuyeux, navrant, idiot* : il y en a pour tous les goûts.

Novembre 2010, Théâtre des Champs-Elysées : l’intégrale des symphonies de Beethoven par les gros-pleins-de-soupe de l’Orchestre Philharmonique de Vienne sous la direction de Christian Thielemann, le réactionnaire en chef dans le domaine de la musique classique. Veut retrouver le son de Furtwängler, mais sans la haute culture et la capacité d’analyse de ce dernier : du son souvent incohérent, parfois très beau, jamais construit.

Novembre 2010, Théâtre des Champs-Elysées : le récital n'est déjà pas, en soi, un genre de concerts bien intelligent. Quand en plus c'est l'estimable mais cabotin Rolando Villazon qui propose des chansons mexicaines, le niveau ne monte pas vraiment. Au moins, c'est vrai, contrairement à Roberto Alagna chantant Luis Mariano, on ne comprendra pas les paroles.

Décembre 2010, Opéra Garnier : L’épouvantable mise en scène de Gilbert Deflo ne suffisait pas, Nicolas Joel tient à faire sombrer La fiancée vendue de Smetana (une œuvre qui, disons-le franchement, sombre assez facilement) en la remettant entre les mains de ses chouchous Inva Mula (sa surannée Mireille, difficultés techniques comprises) et Vincent Le Texier.

Décembre-janvier, Théâtre des Champs-Élysées : Sylvie Guillem toujours entre les pattes de Russell Maliphant, avec des costumes de couturier pour un peu de glamour. Le spectacle est habilement placé au moment des fêtes, ce qui souligne habilement son caractère de divertissement culinaire à destination des bourgeois superficiels.

20 février, Théâtre des Champs-Élysées : Martha Argerich soi-même, ça ne peut pas être mauvais, non ? Eh bien si : on nous l'annonce avec Micha Maisky dans une création d'un des pires compositeurs antimodernes, Rodion Chedrine (connu pour une Carmen-Suite quelque peu pompière, et dont le principal titre de gloire est d'avoir été Président de l'Union des Compositeurs de la défunte Union Soviétique de 1973 à 1990 : Brejnev est parmi nous). Si vous ne pouvez pas y aller à Paris, ne vous inquiétez pas : vous pourrez bien attraper ce nanar collector dans une des nombreuses étapes de la tournée européenne...

21 et 23 février, Théâtre des Champs-Élysées : Kurt Masur, qui fut paraît-il un très grand chef (je n’étais pas né), fera sans doute des efforts considérables pour se rappeler de ce qu’il pense de Fidelio de Beethoven, en version de concert. Ce n’est pas Melanie Diener en Leonore ni le pâteux et plat Mathias Goerne en Pizarro qui vont parvenir à le réanimer. Pour ceux qui n’en ont pas assez, Radio France propose carrément un abonnement Kurt Masur…

4 mars : Il n'y a que sur France Musique et sur France Inter que Myung Whun Chung est un grand chef mondialement connu. Ailleurs, il n'est rien d'autre qu'un tâcheron sans imagination. J'ai choisi ce concert parmi ses œuvres complètes parce qu'il est doublement prometteur : une création d'un "néo" américain, une symphonie de Bruckner dont les architectures nécessitent précisément toutes les qualités que n'a pas Chung.

31 mars, salle Pleyel : 110 € en première catégorie pour Lang Lang, c'est rentable : en plus de la musique, vous avez droit à un spectacle de clown. Enfin, quand je dis "musique"... entendons-nous bien... (Lang Lang a même droit à une carte blanche, avec toute sorte de concerts. Avec même Roberto Alagna : la double peine...)

26 avril, Salle Pleyel : la grande voix mal dégrossie d'Anna Netrebko va jouer l'éléphant dans un magasin de porcelaine, autrement dit elle va chanter Pergolèse et autres "compositeurs baroques italiens". On pense immédiatement à la parole christique : "Pardonne-lui, car elle ne sait pas ce qu'elle fait" ; ses managers, eux, le savent parfaitement.

Avril-mai 2011, Opéra Bastille : La mise en scène de Tosca par Werner Schroeter n’a jamais été bonne, mais le temps ne l’arrange pas. Elle aura 18 ans quand elle sera reprise cette saison : qui veut voir de ses propres yeux l’incarnation de la routine (avec une distribution ad hoc) peut y aller ; qui aime le théâtre (et la musique, parce que Tosca…) aura mieux à faire ailleurs.

13-15 mai, Théâtre des Champs-Elysées : 3 symphonies de Mahler pour le prix de... 3 sous la direction de Lorin Maazel, la figure tutélaire du jet conductor, promenant de ville en ville son impréparation, sa vulgarité et son sourire de star. Mahler, en plus, est certainement de tous les compositeurs celui qui supporte le moins un tel traitement cheesy...

juin-juillet 2011, Opéra-Bastille : la création de Wayne McGregor, une heure et demie de vacuité chorégraphique masquée par des discours pseudo-philosophiques. Comment ça s’appelle, déjà ? La pathologie de la reptation, La bobologie de la rémission, L’anatomie de la sensation, La chrestomathie de la déflation ? En tout cas, ça vaudra le coup d'aller voir de la danse à cette période : au même moment, c'est les médiocrissimes Enfants du Paradis ratés par José Martinez (sur une musique atroce de Marc-Olivier Dupin) qui occupera indûment la scène de Garnier. Un menu de fêtes !

Toute la saison, Théâtre des Champs-Elysées : les deux frères Capuçon à toutes les sauces, en solistes de concerto (Gautier, le 17 janvier), pour une intégrale des sonates avec violon de Beethoven (Renaud, janvier-février), en récital (Gautier, 2 mai), dans une espèce de gala autour de Philippe Jaroussky (Gautier, 17 décembre). Et je ne vous parle pas de Fazil Say, ni d'un petit jeune dont on me dit le plus grand mal, David Fray : en musique de chambre non plus, le star-system n'est pas indolore.

... et en vrac pour l'Opéra de Paris, cumulard des bassesses : Renée Fleming en Desdémone (Otello), deux Mozart morts et enterrés (Così par le décorateur Toffolutti et les Noces de Figaro qui constituent une offense à la mémoire du metteur en scène dont elles portent indignement le nom), une mise en scène de Nicolas Joel pour une création du très policé Bruno Mantovani, une autre mise en scène indigne de Gilbert Deflo (Luisa Miller de Verdi), pour ne parler que des catastrophes prévisibles...

*NB que je ne prétends pas que mes prévisions se réaliseront toujours, c’est la glorieuse incertitude du sport ; et je ne prétends pas non plus, hélas, qu’avec la meilleure volonté du monde je parviendrai entièrement à éviter les spectacles navrants…

4 commentaires:

  1. Lorin Maazel, la figure tutélaire du jet conductor, promenant de ville en ville son impréparation, sa vulgarité et son sourire de star.

    Bwahaha! :)


    Thielemann est un exemple ou tu exageres et tu laisses parler ton "a priori" qui depasse sa musique. Il n'est pas ma tasse de the non plus mais j'admets qu'il peut faire de tres belles choses; il sait chercher un son particulier de l'orchestre, c'est souvent surprenant -- certes, c'est parfois rate, mais parfois c'est excellent.
    Si je te laisse ecouter Jansons et je te dis que c'etait du Thielemann tu l'aurais rejete [suis surrr!] Mais bon, ca fait partie du paquet des gens passionnes. ;)

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  2. Non, vraiment, ce manque de pensée musicale, je le sens vraiment à chaque instant chez Thielemann, et ça n'empêche évidemment pas que c'est souvent étonnamment beau. Chez Jansons, il y a une chaleur extraordinaire qui porte la musique et donne une cohérence à la musique...

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  3. Tout le monde sait que Lorin Maazel est le dernier des imbéciles...depuis plus de 60 ans !
    Ou plutôt un des derniers grand seigneur de sa profession. Norman Lebrecht, qui n'est jamais très tendre avec les chefs, le reconnait lui-même... On peut ne pas l'aimer. On peut au moins le respecter.

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  4. > 21 et 23 février, Théâtre des Champs-Élysées (Fidelio/Masur)
    Cette cruelle prévision s'est réalisée. (Mais malgré tout Melanie Diener m'a quand même impressionné.)

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