jeudi 5 mai 2011

De l'Odéon, d'Olivier Py et quelques autres considérations

Il fallait bien que je finisse par en parler : l’« Affaire Py » m’avait passablement agacé, et voilà qu’est publié le programme de la prochaine saison de l’Odéon, qui sera donc la dernière que le metteur en scène Olivier Py aura programmé au Théâtre de l’Odéon avant l’arrivée à sa tête de Luc Bondy, qui sera alors encore directeur des très importantes Wiener Festwochen, sorte d’équivalent viennois (un peu plus concentré) du Festival d’Automne.

Parlons d’abord de cette nouvelle saison. Comme il se doit, elle comporte trois spectacles d’Olivier Py, un Roméo et Juliette de Shakespeare, une tragédie d'Eschyle (merci, j'ai déjà subi l'Orestie) et un spectacle en allemand importé de la Volksbühne de Berlin. Personnellement, ça ne pourrait pas moins m’intéresser, cette vieille avant-garde française qui n’est plus que posture et est à la masse de tout le théâtre européen. Heureusement, et c’est l’aspect positif de la programmation de Py, le théâtre européen, justement, est là.
La Volksbühne sera aussi représentée par son directeur Frank Castorf qui présentera une Dame aux Camélias : non seulement j’avais détesté l’interminable, bruyant et mou Kean présenté il y a un ou deux ans, mais en plus ça sent assez fortement le renvoi d’ascenseur (tu m’invites à la Volksbühne, en échange je t’invite à l’Odéon ; il paraît que c’est normal). Il y aura cela dit notamment Jeanne Balibar dans la distribution, on a vu pire (tant qu’elle ne chante pas…).
Mais on pourra surtout voir à l’Odéon Mesure sur Mesure de Shakespeare dans la mise en scène de Thomas Ostermeier (Schaubühne Berlin/Festival de Salzbourg – depuis quand un spectacle théâtral salzbourgeois n’avait-il pas été présenté à Paris ?) : comme je ne pourrai le voir cet été, je me réjouis particulièrement de cette pertinente invitation, l'avant-dernier spectacle d’Ostermeier invité à l’Odéon ayant été magnifique (c'était John Gabriel Borkman d'Ibsen ; je n'ai pas vu le dernier). Et la même Schaubühne sera aussi représentée par un spectacle d'Ivo van Hove, un Misanthrope en allemand avec quelques stars de la scène allemande.
Du coup, c'est en quelque sorte à un festival de théâtre allemand auquel l'Odéon nous convie, avec 4 spectacles entre janvier et avril (en comptant le Castorf en français) : c'est une excellente nouvelle ; mais il faudrait tout de même faire la remarque qu'en France seul Berlin semble exister théâtralement : et pourtant, la vitalité du théâtre des pays germanophones est partout, de Hambourg à Vienne, de Zurich à Dusseldorf et même à Munich - sans compter les petites villes. Il faudrait un peu plus sortir des sentiers battus...
Hors Allemagne, la production étrangère est présente par trois spectacles géographiquement très éloignés, l'un venant de Belgique, le second d'Espagne et le troisième de Lithuanie : je ne connais aucun des metteurs en scène en question, mais le titre de ce dernier donne furieusement envie : Kuidas seletada pilte surnud jänesele, dans le texte, soit Comment expliquer des tableaux à un lapin mort. Tout un programme !
Spectateurs tenant absolument à ne pas manquer la reprise du Warlikowski

Mais on retrouvera aussi un spectacle d’ores et déjà historique, le Tramway monté par Krzysztof Warlikowski qui avait si bien mis la critique française le nez dans sa propre misère intellectuelle – je n’en reparle pas plus ici, mais bien sûr je ne manquerai pas cette indispensable reprise (oui, avec Huppert). Pour un nouveau spectacle de Warlikowski avec ses acteurs polonais, il faudra se rendre à Chaillot, qui avait déjà présenté (A)pollonia : ce sera une soirée formée sur 3 tragédies de Shakespeare, réunies sous le titre Contes africains d'après Shakespeare. On en salive d'avance !

Venons-en maintenant à la polémique. Au diable les indignations de commande : je ne trouve rien d’anormal à ce qu’Olivier Py, artiste sans importance qui n’est que la figure de proue du mainstream du théâtre public français, ne voie pas son mandat renouvelé, surtout que son successeur poursuivra la même politique que lui, en tout cas en ce qui concerne le théâtre (parce que les rencontres et les conférences, c’est bien gentil, mais de temps en temps, c’est bien de faire aussi du théâtre). Luc Bondy dirige jusqu'en 2013 les Festwochen déjà évoquées ci-dessus, il les dirige bien et n'a vraiment de leçon à recevoir de personne en matière d'ouverture d'esprit et d'internationalisme.
Cela dit, bien sûr qu'on ne peut qu'être choqué par l'arbitraire des décisions ministérielles. Mais là encore, ce n'est pas la fin de contrat de Py, décidée dans le calme, mais la précipitation dans laquelle il a été parachuté à Avignon, sans vision artistique, sans projet, sans concertation, sans réflexion sur ce que doit être ce festival - et si Bondy ne me paraît pas être une régression par rapport à Py, Py me paraît être une régression par rapport aux actuels directeurs d'Avignon. De même que la nomination de Macha Makaieff à Marseille, fait du prince sans aucune justification artistique (les Deschamps-Makaieff ont un don pour la courtisanerie qui dépasse l'entendement...).
Mais en même temps, dites-moi, comment faut-il nommer les directeurs d'institutions culturelles ? Voir le salut de la culture dans la mise en place de commissions Théodule, qui statueraient souverainement sur des dossiers d'inscription en trois exemplaires avec lettre de motivation, CV et projet, ça me paraît franchement un peu ridicule, je l'avoue, surtout qu'on ne peut que s'interroger sur la manière dont seraient nommés les membres d'une telle commission de recrutement : on le voit dans les universités où les commissions indépendantes de recrutement sont le sanctuaire du localisme et du copinage. Le vrai problème n'est donc pas pour moi dans le mode de désignation, mais dans le manque de vision du Ministère de la Culture, trop obnubilé par les industries culturelles pour s'occuper sérieusement des institutions publiques, et qui fait du coup n'importe quoi - la nomination catastrophique de Nicolas Joel à la tête de l'Opéra de Paris était aussi peu pensée que celle de Gerard Mortier, bien plus bénéfique, quelques années plus tôt : ces gens-là ne sont pas machiavéliques, ils sont simplement trop ignorants pour faire de véritables choix.

Au fait, quelques autres théâtres français ont aussi publié leur saison :  c'est ainsi le cas de la MC93 Bobigny, où manque simplement le festival annuel de théâtre étranger appelé je ne sais pourquoi Le Standard Idéal, celui de la Colline (pas encore en ligne, mais j'ai déjà reçu le programme papier, pas très stimulant). Et une nomination en prime : le successeur de Luc Bondy, lui-même successeur d'Olivier Py, à l'Odéon, aux Festwochen (vous suivez ?) sera le formidable Markus Hinterhäuser, intendant pour cette année seulement du Festival de Salzbourg dont j'ai déjà beaucoup parlé ici. De quoi ne pas perdre toute confiance en l'Autriche, au moment où Salzbourg s'apprête à retomber dans le prosaïsme du cirque des vedettes : Salzbourg aussi, après tout, c'est un beau carrousel de nominations tordues !

3 commentaires:

  1. Opéra à Paris est globalement 'métastasé' et le monde théâtral plonge dans un état sclérotique. Pas de jeunes talentueux qui ont des idées nouvelles, mais plutôt des régisseurs au bout du souffle qui peuvent divertir le public sexagénaire. Tout ça n'a rien à voir avec l'art...

    Quand Bondy viendra à la tête de l'Odéon il aura 64 balais. C'est à mon sens un facteur rédhibitoire, même si on peut relativiser si on imagine qu'ils auraient pu nommer Benjamin Lazar à la place de Py.

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  2. Mais tu dis exactement la chose juste : Bondy, 64 ans, c'est toujours plus jeune, plus moderne, plus vivant, que Benjamin Lazar, 35 ans, ou que Juliette Deschamps qui a le même âge ! On peut toujours rêver d'un théâtre dirigé par Warlikowski, mais je ne suis pas du tout sûr que ça l'intéresse !

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  3. Raffaello15/5/11 12:55

    Que dire de Patrice Chéreau, qui a 67 ans? Faut-il vraiment le mettre à la retraite? Bondy et lui sont bien plus créatif que certaines jeunes gloires dont on ne prend pas grand-risque à dire qu'elles seront éphémères.

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