L'Enlèvement au Sérail : Christine Schäfer, Sven Lehmann |
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Côté Deutsche Oper, pas grand-chose à se mettre sous la dent, mais on pouvait s'en douter : la production emblématique est sans doute le Tancredi de Rossini, œuvre très intéressante et qu'on voit trop rarement, mais dans une production de Pier-Luigi Pizzi importée du Festival de Pesaro où elle a été créée en... 1999 ! Pour le reste, on retrouve parmi les premières les noms trop connus de ces metteurs en scène "ni trop, ni trop peu", trop occupés à essayer de ne surtout pas être trop modernes tout en évitant d'être taxés de réacs, ces éternels Marco Arturo Marelli (qui fera Arabella à l'Opéra de Paris et Don Carlo à Berlin) ou Christoph Loy (Jenufa bien distribuée). Pour le reste, le répertoire est encore largement celui constitué par son ancien directeur éternel Götz Friedrich, qui a laissé un grand nombre de productions en plus ou moins bon état, qui peuvent après tout encore recevoir des chanteurs honorables, mais ne me feront pas courir jusque là. Gageons que Dietmar Schwarz, qui en prendra la direction dans un an et demi, saura ranimer cette maison en coma depuis des années : Schwarz est l'actuel responsable de la programmation lyrique du Théâtre de Bâle, dont j'ai eu amplement l'occasion de vanter les mérites...
La surprise, donc, vient de la Staatsoper, alias Daniel Barenboim & Co., dirigée depuis la saison dernière par Jürgen Flimm. Flimm, vous vous en souvenez, venait du festival de Salzbourg où son bilan minable lui avait valu des coups mérités dans tous les sens... Et voilà que ce vieux renard qu'on avait déjà enterré non sans bonheur nous ressort tout à trac une saison innovante, fraîche, inédite, qui donne follement envie d'aller passer son temps sur les bords de la Spree (façon de parler, la Spree n'est pas si près de Charlottenburg). Jugez plutôt : d'abord, il amène deux de ses productions salzbourgeoises contemporaines, Dionysos de Rihm et Al Gran sole carico d'amore de Nono, deux productions que je n'avais certes guère aimé à Salzbourg (à cause des mises en scène, et aussi à cause du livret alambiqué pour Dionysos), mais qui au moins marquent une véritable volonté contemporaine rare dans les maisons d'opéra.
Il accueille aussi une production qui a déjà tourné dans le monde entier (mais non, bien sûr, pas à Paris !), De la maison des morts de Janacek vu par Patrice Chéreau, avec Simon Rattle dans la fosse, et fait venir le Don Giovanni que Barenboim dirigera pour l'ouverture de la saison de la Scala (mise en scène de Robert Carsen). Du côté des vraies nouvelles productions, il faut absolument signaler la Lulu de Berg par Barenboim et Andrea Breth : la même équipe vient de signer un Wozzeck apparemment très réussi, qui sera d'ailleurs repris, et ces deux Berg bénéficient d'une distribution fantastique dans les deux cas.
À l'autre bout de l'histoire de l'opéra, René Jacobs continue sa collaboration avec un des pré-opéras qu'on n'ose pratiquement jamais monter en version scénique, La Rappresentatione di Anima et di Corpo d'Emilio Cavalieri (1600), dans une production du grand artiste du théâtre d'images Achim Freyer. Le tout avec des reprises dans tous les sens : outre le Wozzeck déjà cité, je peux déjà instamment conseiller le très intense (et très mal aimé du public berlinois) Enlèvement au Sérail mis en scène par Michael Thalheimer (ne pas manquer la Constance de Christine Schäfer - et l'acteur Sven Lehmann en Selim) et bien sûr The Rake's Progress mis en scène par Warlikowski. Bien sûr, ça n'empêche pas de faire aussi un peu d'argent par ci par là, par exemple avec l'exploitation éhontée des derniers couinements de Placido Domingo, qui montre qu'un ténor qui n'a plus de voix ne devient pas pour autant un bon baryton (Simon Boccanegra, une si belle œuvre pourtant !), mais vraiment, il y a de quoi faire, et je ne vous parle pas d'une splendide saison de concerts de toute nature qui donne vraiment envie de s'exiler.
Wozzeck, Staatsoper |
Ah oui, le titre de ce message parodiait une de ces insupportables chansons d'opérette viennoise (tirée d'une musique de film, en fait) : le vrai titre, c'est Wien, du Stadt meiner Träume (Vienne, ville de mes rêves), mais toutes mes excuses, c'est bien Berlin qui me fait rêver : non seulement les prix à l'Opéra de Vienne sont suffisamment élevés pour me décourager sans peine, mais même la programmation du Theater an der Wien, théâtre plus ou moins géré de façon privée et peu soucieux de prendre de véritables risques artistiques, me laisse assez froid : The turn of the Screw mis en scène par Robert Carsen, ce n'est pas inintéressant, mais c'est assez prévisible ; les autres metteurs en scène oscillent entre les "ni trop, ni trop peu" dont je parlais tout à l'heure (Friedkin, Guth, Loy, Py) et les franchement traditionalistes (Lawless) ; sans compter que la salle étouffante n'est pas très agréable.
Reste encore à attendre la saison du Philharmonique de Berlin, qui non seulement me plaît beaucoup plus que son collègue viennois du simple point de vue sonore, mais en plus (notablement grâce à Sir Simon Rattle) propose une programmation d'une inventivité et d'une originalité beaucoup plus grande...
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