mardi 3 janvier 2012

Golgota Picnic, bon appétit

Ne reculant devant aucun sacrifice et plutôt tentée de renouveler l'expérience réussie du spectacle de Romeo Castellucci, la maison Musicasola vous offre quelques impressions sur l'autre pièce distinguée par nos amis les réacs (les vrais, les purs et durs, pas les grisâtres façon Opéra de Paris) : Golgota Picnic, de l'Argentin Rodrigo Garcia.

Disons-le franchement : autant il est navrant que le spectacle de Castellucci ait subi cette atmosphère délirante, autant j'aurai du mal à beaucoup pleurer sur celui-là. Non que j'aie la moindre sympathie pour ceux qui ont tenté de le perturber (lesquels n'étaient d'ailleurs pas visibles le jour de la dernière !). Non que son contenu ait quoi que ce soit de choquant ou d'attentatoire à je ne sais quelles convictions sacrées : on voit bien, dans les textes des réacs, qu'ils n'ont pas compris qu'au théâtre un personnage qui parle ne dit pas forcément la pensée de l'auteur.
Mais voilà : il faut beaucoup d'optimisme pour trouver dans ce fatras beaucoup plus que des poses ; sans parler de l'odeur des petits pains de hamburger qui parsèment la scène (je ne m'étais jamais rendu compte que ces choses, même sans autre ingrédient, sentent aussi mauvais. Des poses qui voudraient certainement troubler (ce que les esprits faibles appellent "provocation"), mais qui ennuient très vite. Qu'est-ce que c'est que cette étonnante résurgence d'une fausse liberté artistique des années 70 ? Je connais trop mal l'Amérique latine pour pouvoir juger de l'impact d'un tel spectacle sur la société argentine, que j'espère moins en retard que ce spectacle et plus ouverte que nos extrémistes français. Mais ici, pour le public français de 2011, il y a trop peu à voir, trop peu à penser. Quand les provocations ne provoquent que le rire, on quitte le théâtre d'avant-garde pour Guignol, ce qui n'est pas vraiment une surprise dans un théâtre dirigé par Jean-Michel Ribes, l'auteur de Palace et de Musée haut, musée bas, ces deux chefs-d'oeuvre immortels de l'humour gras à la française.

Mais ce qui m'a le plus agacé dans cette soirée, je dois le dire, c'est l'attitude du public. Comme vous l'avez peut-être lu, le spectacle s'achevait par les 40 minutes de la version piano des Sept dernières paroles de Haydn, une oeuvre sublime dont je ne me lasse pas.Qui sont ces imbéciles qui, à peu près sages tant que des acteurs se mouvaient sur scène, n'ont cessé de s'agiter le plus bruyamment possible, de quitter la salle sans le moindre effort de discrétion, dès que la musique a commencé ? Quels sont ces crétins qui se sentent ainsi offensés parce qu'on les croit capables de l'attention qu'exige une musique à laquelle ils ne sont, sans doute pas habitués ? Je n'aime pas le public endormi et conformistes des institutions vénérables comme la Comédie-Française ou l'Opéra ; mais ces barbares-là, branchés dehors et beaufs dedans, ne valent pas mieux que le cadre d'entreprise invité par ses fournisseurs à dormir devant le carton pâte de Nicolas Joel.

(Il faut signaler que ce spectacle prenait place dans toute une programmation dédiée à l'Argentine au Festival d'Automne, dont je n'ai vu par ailleurs que le spectacle beaucoup plus classique de Romina Paula, El tiempo todo intero : joli spectacle trop sage, avec des acteurs gentiment mous. Difficile de se prononcer sur ces deux spectacles, mais le théâtre argentin serait-il aussi retardé que le théâtre français ?)

2 commentaires:

  1. Pascal Gottesmann4/1/12 14:45

    Je suis en total désaccord avec vous quand vous dites que la provocation ne doit pas provoquer que le rire. Le rire permet de faire passer de nombreux messages provocants et de grands humoristes : Coluche, Desproges, Bedos... sont également de grands provocateurs. Desproges parlait de tout : de la haine ordinaire, du racisme, de son propre cancer et j'en passe, il parvenait à faire passer les messages les plus dérangeants en flattant les zygomatiques. Un autre exemple illustre est celui de l'homme de théatre et prix nobel italien Dario Fo qui avait vu l'un de ses spectacles les plus connus : Mistero Buffo, censuré par les autorités ecclésiastiques. Suite à des plaintes de l'auteur italien, un collège de cardinal a vu le spectacle en vidéo pour s'en faire une idée, Fo qui était dans la pièce voisine les a entendu rire pendant toute la projection avant qu'ils ne lui dise que l'église ne pouvait cautionner ce spectacle. Si ce n'est pas une preuve que le rire puisse devenir hautement dérangeant. Pour me résumer, il se peut que la provocation par le rire puisse etre considérée comme un peu facile mais elle n'en demeure pas moins la plus belle, la plus noble et la plus salutaire des formes d'humour.
    Petit appendice au sujet du terme Guignol que vous utilisez de manière on ne peut plus péjorative. Oui Guignol est on ne peut dérangeant ou plutot l'était, car il faut remonter au Guignol originel qui se faisait le porte parole satyrique des modestes canuts dans leurs misères quotidiennes. Les marionettistes étaient d'ailleurs bien souvent les victimes de la censure voire meme étaient emprisonnés.

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  2. Autant j'avais été touchée par la pièce de Castelluci autant Golgota m'a semblé de la pure provocation ! j'ai été dérangée comme vous par l'odeur de ces petits pains et le pianiste nu !

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