lundi 3 septembre 2012

Salzbourg 2012 (5) - Bonheurs de concerts

Je ne vais pas vous faire perdre votre temps : des beaux moments, des concerts de haut niveau, il y en a eu, bien sûr, et il y en a eu beaucoup. Non, les petites notes ci-dessous prendraient une ampleur incontrôlable si je devais faire la liste de tous les bons interprètes, de tout ce qui m'a plu, malgré l'orientation politique et artistique de la direction. Je vais donc me limiter au sublime, qui est après tout ce qui justifie vraiment qu'on fasse le voyage - en dehors de la beauté de la ville et de l'excellence de l'offre gastronomique autrichienne, qui ont leur importance aussi, mais ce n'est pas le propos.

Anna Prohaska chantant Mozart – Il suffit qu’elle entre en scène, et elle a séduit tous les cœurs : la jeune soprano autrichienne est un délice visuel, soit, mais ce serait commettre une terrible injustice que de n'en faire qu'une belle plante. Dans le cadre d’un des deux concerts fleuves de la Camerata Salzburg, elle a chanté trois Lieder de Mozart (avec András Schiff au piano, tout de même) et l’air de concert Non temer, amato ben KV. 490 : on n’en finirait pas de dresser la liste des beautés de ces quinze minutes de chant. Art mozartien suprême : simplement l’art du ton juste, l’expressivité comme masquée, le mot infiniment coloré. Que d’art dans cette simplicité, que de simplicité dans cet art ! [2 août]
Christian Gerhaher, Gerold Huber, Schubert – C’est bien simple : de ce duo, et a fortiori dans Schubert, vous êtes en droit de n’attendre que le sublime. Tous ceux qui aiment le lied connaissent l’art discret et chaleureux de Gerhaher, qui est ici parfaitement chez lui ; mais quelle erreur ce serait de négliger son pianiste, qui a l’humilité de l’accompagnateur et la qualité sonore d’un grand soliste. [10 août]
Haydn 103 version Bolton – Les Mozart-Matineen, qui ont lieu chaque week-end, sont toujours des rendez-vous essentiels pour moi, et je repars rarement de Salzbourg sans en avoir tiré de grands bonheurs. Cette fois, c’est la dernière œuvre au programme des trois matinées que j’ai vu qui aura réalisé cet enchantement, avec l’avant-dernière symphonie de Haydn. Bolton avec son orchestre du Mozarteum n’est pas toujours enthousiasmant ; sur cette symphonie pleine de vie, il l’aura été. J’aime passionnément ce « son salzbourgeois », pas du tout préoccupé par la métaphysique, le souci de montrer la modernité des œuvres, la recherche d’un beau son « classique », et même s’il faut en passer parfois par des solos moins justes qu’avec des orchestres plus célèbres. Il y a là une fraîcheur, une plénitude sonore sans afféteries, une manière de parler directement à l’auditeur, le tout appuyé sur des basses franches, puissantes, râpeuses parfois. On a écouté les baroqueux, c’est évident, mais on sait trouver ses propres solutions, ses propres équilibres sonores. [19 août]
Holliger, Drei Skizzen – Jouer de la musique contemporaine, ce n’est pas nécessairement plus compliqué qu’autre chose pour les solistes ; la vraie difficulté, celle qui demande des nerfs solides et des doigts de fée, c’est de réussir à faire tenir la partition sur son pupitre. Ces « trois esquisses » pour violon et alto, interprétées par Thomas Zehetmair et l’altiste de son quatuor, sont pleines d’une frémissante inquiétude ; comme leur nom l'indique, ce sont des études, des jeux sur un matériau de base limité, à l'inverse de toute démonstration de virtuosité, avec des merveilles de sonorités iridescentes. [13 août]
Et le KV. 563, alors ? – Moquez-vous, je ne connaissais pas ce copieux trio pour cordes, revêtu du nom de divertimento mais écrit bien après le départ de Mozart pour Vienne, et qui est une œuvre-laboratoire d’une incroyable richesse. Je ne vais pas jouer au musicologue que je ne suis pas, a fortiori après une seule audition où je ne savais plus où donner de la tête tant il y avait à entendre ; je ne peux donc que répéter qu’on n’en a jamais fini avec les génies, et espérer une nouvelle audition en concert dès que possible – et si possible au même niveau que celle-là, avec Frank-Peter Zimmermann, Antoine Tamestit et Christian Poltéra. [14 août]
András Schiff et Schubert – Au printemps, il donnait un récital sur piano d’époque à Schwetzingen, dont j’ai pu écouter l’enregistrement radio, c’était sublime. À Salzbourg, on se contente d’un impromptu dans le cadre du second concert de la Camerata Salzburg, et sur un très beau Bösendorfer qui lui permet de donner à son Schubert la même netteté que sur piano d’époque (Salzbourg, hélas, n’aime pas les claviers anciens). Quel plaisir que le festival, malgré les changements de direction, sache rester fidèle à des artistes aussi exigeants et aussi aimés du public que lui ! [9 août]
Mariss Jansons, retrouvailles – Faute de concert parisien, faute d’être passé par Munich au bon moment, cela faisait une éternité que je n’avais pas vu Mariss Jansons, sans doute le chef que je révère le plus. Pas question, donc, de manquer ce concert, même si je m’inquiétais un peu de ce qu’il allait pouvoir tirer de cet orchestre philharmonique de Vienne que je ne porte notoirement pas dans mon cœur. [5 août]
Maurizio Pollini, arietta  – Combien de fois Maurizio Pollini a-t-il interprété les trois dernières sonates de Beethoven ? Puisque je me suis contraint à ne choisir que quelques moments sublimes, je choisirai l'arietta vertigineuse qui constitue une bonne moitié de l'op. 111, mais de toute évidence c'est l'ensemble du concert qui était sublime. On pourra sans doute trouver des interprétations plus impressionnantes, plus virtuoses, plus inouïes : c'est que Pollini ne dit que ce qu'il a à dire, ne s'alanguit pas, fait de la musique plutôt que de s'encombrer de sentiments. Beethoven, c'est un homme au croisement des Lumières et du XIXe siècle : Pollini mène ici - quand bien même ce serait pour la millième fois - un indispensable travail de dégagement, de rafraîchissement. C'est mon Beethoven. [19 août]

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