samedi 9 février 2013

Réflexions désagréables sur l'expo Hopper

Oui, je sais, si je me mets à parler d'expositions sur ce blog, où va-t-on ? Déjà que je m'éparpille beaucoup sans avoir le temps de suivre les différents domaines que je prétends aborder... Mais tout de même, pour une fois, je vais parler d'une exposition. D'une exposition déjà terminée, qui plus est. Mais ce n'est pas grave, car le but de ce message n'est pas de vous encourager à y aller.

E. Hopper, Early Sunday Morning, Whitney Museum of American Art

L'expo Hopper, ça a été pendant des mois des queues interminables, un tsunami d'agitation médiatiques, un succès comme on n'en a pas connu depuis de longues années dans le monde des grandes expositions parisiennes qui semblait bien parti pour s'endormir paisiblement sans déranger personne (et la crise durable de la RMN qui gère le Grand Palais n'arrangeait pas les choses). Alors, où est le problème ? Le problème, c'est que cet Edward Hopper est un artiste nul. Une note de bas de page dans l'histoire de l'art moderne. Il m'a fallu une demi-heure pour voir l'exposition (rassurez-vous, je n'avais pas fait les heures de queue avant), qui dresse un portrait ma foi pas inintéressant d'un peintre du dimanche qui papillonne dans l'art de son temps, avale des influences et les recrache sans les transformer, avant de trouver la formule ultime du chromo pour salle de séjour BCBG, à la façon de ces peintres de quartiers touristiques qui, aujourd'hui encore, peignent sans fin la tour Eiffel et le Sacré-Coeur.
Félicitons donc les huiles de la RMN pour avoir su sélectionner avec un tel sens commercial un artiste répondant si merveilleusement aux goûts régressifs du grand public, qui préfère toujours l'art récent le plus réactionnaire non seulement à l'art moderne, mais aussi à l'art ancien - les trois remarquables expos récentes du Louvre sur la peinture italienne de la Renaissance n'ont certes pas fait flop, mais rien à voir avec le délire collectif autour de Hopper.
C'est tout le système des grandes expositions qui trouve ici son paroxysme et démontre sa nocivité - même si, sans doute, ce n'est pas grand-chose à côté de la prostitution des collections nationales à travers les affaires d'Atlanta, d'Abu Dhabi ou de Bakou, dont le principal coupable, Henri Loyrette, va enfin quitter la direction du Louvre. Ce n'est certes pas le principe même de l'exposition que je critique, dès lors qu'il y a non seulement un vrai projet de médiation, mais aussi un vrai projet scientifique. Non, c'est la place qu'ont pris un certain nombre, limité, de gros projets parisiens dans la conscience collective de l'art, avec le soutien bêlant des médias et une capacité réelle à capter des flux financiers publics et privés qui seraient plus utiles ailleurs.
Dans ce pays, il y a encore et il y aura encore longtemps des centaines de musées un peu partout, à Paris, en province, dans des grandes comme dans des petites villes. Ces musées sont là pour vous ouvrir les yeux, vous donner accès à des univers dont vous n'avez pas idée et dont les grandes expositions parisiennes, obsédées par le succès commercial, se tiennent soigneusement écartées. Dans ces musées, vous avez déjà beaucoup à découvrir, et vous y trouverez tout ce qu'il faut pour vous construire une culture artistique. Qu'on aille voir l'expo Hopper quand on a déjà une solide culture sur l'art américain du XXe siècle, je peux le comprendre ; sinon, pourquoi ne pas commencer par ce que peuvent vous proposer les musées, qui plus est pour un tarif beaucoup plus doux que celui des grandes expositions, et sans queue ? Il y a un terrible malentendu derrière le succès de ces grandes expositions hyper-marketées, malentendu que des acteurs aussi mal intentionnés que la Pinacothèque de Paris, le musée Jacquemart-André et, il y a quelques années, les filous qui exploitaient le musée du Luxembourg ont admirablement su exploiter.

Bref, allez au musée, et ne vous laissez pas vendre des produits frelatés.

3 commentaires:

  1. Tout à fait d'accord avec vous! A part les 4 ou 5 tableaux déjà connus, j'avoue avoir été vraiment déçu par cette expo (par celle sur les "Bohèmes" itou!). Face à la loghorrée médiatique,je me taisais, pensant être un immonde réactionnaire à contre-courant du mainstream. Enfin quelqu'un qui pense comme moi! Merci de m'avoir rassuré !

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  2. Je dirais volontiers que les réactionnaires, dans le cas présent, c'est les autres ! Et même que la puissance de ce succès tient à une forme de revanche contre la modernité...

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  3. Grand plaisir de lire ENFIN quelqu'un dire la vérité concernant ces expositions parisiennes ultra médiatisées, de véritables arnaques où le public est traité comme du bétail (files mal organisées, surbooking, accueil plein de morgue à l'entée, le pire étant les expos temporaires à Jacquemart-André). De véritables arnaques, que personnellement j'ai définitivement décidé de boycotter. A côté de ça, j'ai passé récemment un après-midi dans un Prado fort peu rempli (idem aux Offices fin août dernier), au Louvre les salles sont spacieuses et souvent fluides, quant aux musées de province en France (je connais surtout Lille et Dijon) on n'y fait quasiment pas la queue et les collections méritent le détour!

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