Samedi 2, dimanche 3 décembre: deux représentations à l'Opéra, une à Bastille, une à Garnier, et finalement, un constat commun. C'est rare de pouvoir assister ainsi en moins de 24 heures à deux productions d'un tel niveau. Les deux mises en scènes, pourtant, sont on ne peut plus dissemblables: miroirs et grands espaces dans le Chevalier à la Rose mis en scène en 1995 par Herbert Wernicke; éclairages très sombres, plateau limité pour l'Idomeneo de Mozart, importé de la Scala, signé par Luc Bondy. Le décor joue un grand rôle chez Wernicke, grâce à ces miroirs mouvants qui reflètent tantôt les spectateurs, tantôt divers décors d'intérieurs XVIIIe, dont on ne voit jamais rien d'autre que le reflet; il est marginal, bien que très beau, chez Bondy.
Des deux, c'est le spectacle de Bondy qui me paraît le plus extraordinaire, peut-être d'ailleurs aussi parce que l'oeuvre est plus intéressante. Rien que le dénouement, d'un pessimisme total qui n'étonnera pas chez Bondy*, est une leçon de théâtre.
Je parlais de constat commun: c'était malheureusement aussi vrai du point de vue musical. Thomas Hengelbrock (Idomeneo) est un très bon chef, et Philippe Jordan (Chevalier) ne se débrouille pas mal non plus; le problème, dans les deux cas, était du côté des chanteurs. A Bastille, on ne sauvera que le classique Ochs de Franz Hawlata et l'excellent Olaf Bär en Faninal; les dames, elles, sont presque inaudibles et surtout d'une placidité qui contamine leur jeu scénique; l'absence de style, chez Heidi Grant Murphy, n'étonnera personne.
A Garnier, pas de chanteurs inaudibles, mais une même placidité: Camilla Tilling est d'une grande banalité, ce qui ne surprend guère; mais Joyce diDonato ne justifie en rien les louanges qui lui sont faites. Je suis un peu las de ces mezzos sans couleur et sans saveur, qui ont certes une belle voix mais n'en font pas grand-chose. En faire une tragédienne, c'est vraiment ne pas avoir beaucoup de notions de ce qu'est le théâtre... Autre problème, le rôle-titre: Ramon Vargas était annoncé souffrant, et l'était sans doute en effet. Mais que diable n'a-t-il pas annulé! Remplacer un Idoménée n'est pas bien difficile, et cela aurait permis d'entendre un peu de Mozart, plutôt que ce qui nous a été infligé. Même le vieux Thomas Moser, qui chante avec difficulté mais beaucoup de présence le rôle d'Arbace, aurait mieux tenu la route que Vargas. Je veux bien admettre qu'il est extraordinaire quand il est en forme, mais il ne l'était pas. En revanche, je doute que sa maladresse scénique et le mauvais goût de son ornementation soient dus à son état... Heureusement Mireille Delunsch, en Elettra, est là pour chanter Mozart et surtout l'interpréter: un peu de fatigue vocale peut-être, mais la tragédienne du spectacle, la voilà.
Il est désormais bien connu que, depuis les années 1970, c'est grâce à la mise en scène que l'opéra a été sauvé: cela n'a jamais été autant vrai que ce week-end!
*Au fait, il paraît que l'admirable Julie de Philippe Boesmans, créé à Aix-en-Provence il y a un ou deux ans, et mis en scène par Luc Bondy (comme toujours pour Boesmans...), va paraître prochainement en DVD. Quel bonheur!
mardi 5 décembre 2006
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